Voici pas mal d'années, j'ai regardé La fièvre du samedi soir.
Du fait du caractère hyper kitsch de la culture disco et de son côté iconique, je m'attendais à une comédie musicale ridicule et sucrée. J'en ai été pour mes frais: cela n'avait absolument rien à voir avec ça.
Bien sûr, le disco, dont le film a été un accélérateur de diffusion, est très présent, avec cette bande son entrée dans la légende, avec les incroyables fringues associées à ce mouvement et avec ces scènes culte où Travolta gagna ses galons de star mondiale de la danse.
Mais Saturday night fever ne se résume pas du tout à ça.
En fait, le réalisateur brosse le portrait d'un petit groupe de prolos new yorkais issus de la communauté italienne qui vivotent dans le coin, entre balades en bagnole et sorties le samedi soir au 2001, la discothèque où Toni, le personnage incarné par Travolta, est le roi de la piste.
Frimeurs, bagarreurs, plutôt racistes et homophobes, pourvus de parents globalement bigots et machos, on ne peut pas dire que ces jeunes soient particulièrement sympathiques.
Ils correspondent à un modèle NYC 78 de nos racailles de banlieue d'aujourd'hui.
Leurs virées ont un côté sordide, entre picole, moqueries des homosexuels ou supposés tels, insultes des noirs et latinos et baise express à tour de rôle sur la banquette arrière de la voiture du souffre-douleur de la bande, un jeune plus timoré, dont on se demande s'il n'est pas là que parce qu'il est justement motorisé.
On se rend vite compte que Toni, plus ou moins consciemment, étouffe dans cette vie.
Ses parents le prennent pour un bon à rien, ils le tiennent pour responsable de l'abandon de la prêtrise par son frère aîné jusque-là juché sur un piédestal, ils raillent ses tenues et l'augmentation minable que lui accorde son boss, etc.
En fait il aspire à autre chose, d'abord dans la danse, pour laquelle il a une véritable passion, mais pas que.
Cette envie de changement va se préciser lorsqu'il rencontre Stéphanie, une danseuse issue du même milieu que lui mais plus ambitieuse.
Cette dernière, même si elle accepte de participer avec lui au concours de danse du 2001, le prend tout d'abord de très haut, en lui balançant maladroitement des morceaux de "Culture" prédigérée, avant qu'il ne se rende compte qu'elle n'est pas ce qu'elle dit : elle fait semblant, elle s’invente une vie pour être admirée.
Ce démasquage et la succession de plusieurs événements un peu cruels vont pousser Toni à prendre conscience de la petitesse et des limites de son monde.
Il y a le jour où la Marie-couche-toi-là de la bande s’effondre, laissant voir sa fragilité et à quel point elle est piégée dans ce rôle.
Il y a la descente violente et dangereuse que fait sa bande chez de jeunes latinos suite à l’agression d’un des leurs, avant que celui-ci ne leur avoue qu’il n’était même pas sûr qu’il s’agissait d’eux et qu’il ne les a désignés que par un raccourci raciste.
Il y a l'accident fatal du timide de la bande, qui après avoir tenté en vain d’attirer l’attention de Toni sur le drame qu’il est en train de vivre (il a mis enceinte une fille qu’il n’aime pas mais devra épouser), meurt en voulant faire le mariole sur un pont, comme ses amis.
Il y a enfin le fameux concours de danse, remporté par Toni face à un couple meilleur que lui mais qui a le malheur d’être composé de "métèques".
Toni pousse alors un coup de gueule contre ces faux-semblants et l'hypocrisie de ce concours truqué, et quitte la boîte furieux.
Après cette scène le film se termine de façon ouverte. On comprend que son héros a déménagé et qu'il démarre une nouvelle vie, pas forcément meilleure mais qui sera la sienne.
Au final, Saturday night fever c’est l’histoire d’un ado parti d’un milieu pas facile et qui grandit, au prix d’un inévitable reniement et de la mise de côté de ses pairs moins chanceux ou plus limités.
Ce message est universel est intemporel, bien au-delà des strass, des néons et de la musique des Bee Gees, et c’est sans doute le secret de son succès, plus que mérité.
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