dimanche 30 mars 2025

Chanson (23) Boys

Le titre que j'évoque aujourd'hui n'est pas un morceau complexe, ce n'est pas une chanson à message, elle n'a pas été avant-gardiste ni novatrice.

On pourrait même presque dire que c'est le contraire.

Il s'agit de Boys (Summertime love), un tube d'italo dance sorti en 1987, dont les paroles sont un hymne à la fête et à l'hédonisme estival.

La célébrité de ce titre entraînant et sans prétention est aussi beaucoup dû à la plastique de son interprète de 19 ans, la sculpturale Italienne Sabrina (de son nom complet Sabrina Salerno), plastique qu'elle dévoile généreusement dans un clip qui a fait date.

Il est en effet tourné dans une piscine, et tout le long de la chanson on voit Sabrina lutter (mollement!) pour que son légendaire bikini blanc ne descende pas trop bas lors de ses plongeons ou lorsqu'elle sort de l'eau pour siroter son cocktail.

Cet érotisme, rétrospectivement bien gentillet, lui valut d'être censuré par MTV et carrément interdit au Royaume-Uni.

Il a néanmoins hanté les jeunes de ma génération et beaucoup contribué à ce que Boys soit un hit.

J'y ai repensé en voyant le sympathique film Stars 80, lorsque Richard Anconina accueille Sabrina et qu'on voit dans ses yeux le regard des ados de l'époque devant ce clip.

En fait, avec ce film gentillet taillé pour les nostalgiques, et avec ce titre en particulier m'est revenue l'ambiance des médias et de la musique en France à cette époque.

Il y régnait alors une atmosphère joyeuse, spontanée et hédoniste, voire libertine.

Les femmes tombaient facilement le haut, y compris aux heures de grande écoute (cf. la playmate de Cocoricocoboy à 20h), le sea, sex and sun était à la mode, le clubbing, la flambe et le carpe diem des valeurs brandies bien haut.

Bien sûr le monde ne s'arrêtait pas de tourner et les problèmes n'avaient pas disparu, bien sûr tout cela était une vitrine, mais quand on compare avec aujourd'hui, il y a quand même une différence.

Clairement, nous avons changé.

Paillardise, déconnade et grivoiserie ne sont plus vraiment d'actualité, les religieux relèvent la tête, les rapports entre les sexes se judiciarisent et se procédurisent, à l'américaine, et le flirt est devenu une zone dangereuse.

Sans doute me dira-t-on que c'est un point de vue de vieux mec blanc et qu'une femme verrait les choses différemment, et sans doute y aura-t-il du vrai là-dedans.

Il est évident que la mise à l'index d'un certain harcèlement sexuel est notamment une excellente chose qu'il fallait absolument faire.

Il est évident aussi qu'il serait temps que la pression sur le physique baisse, mais je trouve que ce n'est pas le cas, voir que ça a empiré, ne baissant pas pour les femmes et augmentant pour les hommes.

Quoi qu'il en soit, et avec mon inévitable partialité de quinquagénaire, il reste qu'une grande partie de la musique, des émissions et du cinéma des années 80 dégage un parfum particulier, un mélange d'optimisme, d'amateurisme et d'hédonisme qui semble avoir un peu disparu et qui finalement n'était pas si mal.

Boys m'évoque en tout cas tout cela.


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vendredi 28 mars 2025

Hippie hippie hourra

Adolescent dans les années 90, j’ai vécu le revival du mouvement hippie, qui revenait partout, inspirait les artistes, les films, la pub.
 
Oliver Stone sortait The doors, film un peu raté sur le fascinant groupe éponyme (dont j’appris l’existence à cette occasion), on fêtait l’anniversaire du festival de Woodstock, le rock des années 80, caractérisés par la démesure, la technicité marquait le pas, les chemises refleurissaient…bref les babas cool étaient dans l’air.
 
Les hippies qu’on nous vendait étaient des groupes de gens jeunes, beaux et libres, vivant sans contrainte dans la nature, se défonçant gentiment en groupe avant de faire l’amour sans contrainte.
 
Leur créativité était sans limite, ils inventaient au quotidien de nouvelles façons de faire de l’art, qu’il s’agisse de cinéma, de musique ou de mode de vie.
 
Politiquement il s’agissait de mettre à bas tout ce qui aliénait, détruisait la spontanéité et la bonté naturelle de l’homme, qu’il s’agisse du capitalisme productiviste, de la religion, de l’état, de la propriété privée ou de la famille.

Cela semblait l’exact contraire de l’anxiété des années 90, et du milieu qui était alors le mien, et cela me faisait rêver.
 
Ce rêve n’était bien sûr pas que le mien.
 
Porté par la prise de pouvoir de la génération qui avait été hippie et/ou soixante-huitarde, le hippie devenait une sorte d’idéal, d’horizon officiel pour l’intelligentsia de l’époque.
 
Le héros de la gauche, dont l’ascendant culturel allait durer des décennies, était l’homme cool qui restait toujours jeune, un libertaire contestant l’ordre établi et rejetant toute autorité, fumant, baisant, ayant un boulot créatif et méprisant le beauf, cette caricature de la société périmé d’avant eux.
 
Cette imagerie était recyclée à l’envi, tout artiste ou chanteur devait donner quelques gages à ces valeurs, à une révolution à venir (parce qu’en attendant, 
comme dans le monde d'avant, il s’agissait de rafler les meilleurs places et de s’enrichir), critiquer Dieu, la police et l’état, forcément fasciste.
 
Rares étaient les contestataires de cette vulgate, qui le payaient souvent très cher.

Bien sûr tout cela n’était qu’une caricature mensongère.
 
Les hippies étaient souvent d’un sectarisme à toute épreuve, la révolution sexuelle a surtout profité aux beaux et la drogue a emporté à jamais une grande partie de ces rebelles, après les avoir transformé en pitoyables créatures.

D'autre part, comme la plupart des révolutionnaires, la majorité de ces gens étaient issus de milieux bourgeois, qu’ils rejoindraient bien vite.
 
Beaucoup d’entre eux méprisaient d’ailleurs les ruraux chez qui ils s’installaient, allant parfois jusqu’à les affronter violemment, comme le sinistre Pierre Conty.
 
Son fils a d’ailleurs fait la Une récemment en tuant les chiens d’un groupe de chasseurs. Il vit dans la coopérative où s’était installé son père, Lango Mai, que est l’une des très rares structures alternatives de l’époque (avec ce qui reste du quartier Christiania de Copenhague) ayant survécu au passage du temps.

Cette rareté souligne un autre point important du mouvement hippie, à savoir le fait qu’au fond cette utopie était surtout un énième élan de jeunesse qui ne résisterait pas aux problème bien concrets de la vie.

Dernier point sur l’ambivalence hippie : parmi ces contempteurs de l’ordre établi se cachaient aussi des monstres, qui profitaient de l'ambiance de liberté et révèleraient leur vraie nature avec le temps. Charles Manson, dont j’ai parlé ici en est le plus connu.
 
Je penser avoir compris ce côté frelaté assez vite.
 
Mon éducation protestante, qui a toujours mis l’accent sur le devoir et la responsabilité vis-à-vis des autres, s’opposait au côté libertaire, la fréquentation de familles bousillés par les drogues m’avait vacciné sur l’attractivité de celles-ci, et, fils de paysan, je savais bien que le retour à la terre était tout sauf une sinécure.

Pourtant, de toutes les utopies auxquelles j’ai pu me frotter, qu’il s’agisse des punks, des nationalistes, des religieux, des communistes, de l’action française ou des libertariens, seule celle-ci me touche et m’attire, même en ayant perdu toute illusion.

Je ne sais pas expliquer ça.
 
Peut-être est-ce que j’ai plus mordu que d’autres à l’hameçon du revival de mon époque et aux sirènes de l’Éducation Nationale (j’ai étudié par exemple Imagine de Lennon en cours d’anglais : difficile d’être plus cliché...) ?
 
Peut-être que l’idéalisme chrétien de ma jeunesse s’est recyclé là-dedans ?
 
Peut-être que les idéaux de liberté, de rejet du matérialisme et de la compétition correspond à mes rêves ?
 
Ou peut-être bien que le conte de fées vendu par ces gens représente la jeunesse que j’aurais voulu avoir, bien loin de ma solitude contrainte et austère ?
 
Quoi qu’il en soit, j’ai lu, vu et écouté nombre d’œuvres issues de ce mouvement et de cette époque.

Côté cinéma, je trouve généralement que ça a terriblement vieilli (cf. Alice's restaurant) et que c'est empreint d'un didactisme pesant. J’ai de fait plus tendance à aimer la satire, comme celles du Splendid dans les excellents films Les baba cool et Mes meilleurs copains.
 
Ce qui me reste est surtout musical, la traque de ma jeunesse m’ayant permis d’écouter et de faire le tri dans les foisonnantes productions de l’époque.

Je n’ai guère accroché au folk rock anglo saxon, mais j’ai développé un goût marqué pour le rock à tendances hard et mâtiné de psychédélisme : The Doors comme cité précédemment, mais aussi Led Zeppelin, les premiers Aerosmith, Thirteenth Floor Elevators, Quicksilver Messenger Service, certains titres de Hendrix, de Neil Young ou de Jefferson Airplane, certains albums de Pink Floyd, etc.

Côté français, j'apprécie une partie de l’œuvre d’Yves Simon ainsi que les folkeux Mélusine et Malicorne, mais la plupart de ce que j'ai pu entendre d’autre me parait musicalement inécoutable.
 
En tout cas, malgré les années et l'expérience, lorsque j’écoute l'une de ces œuvres, j’éprouve souvent une nostalgie étrange pour quelque chose que je n’ai pas connu, qui n’est pas arrivé mais qui aurait pu…ça ne se commande pas.
 
Quelques titres que j'aime bien :
- Buffalo Springfield : For what it’s worth
- The Doors : Summer’s almost gone
- Jefferson Airplane : She has funny cars
- Led Zeppelin : Babe I’m gonna leave you
- Malicorne : Le bouvier
- Mamas and Papas : California Dreamin
- Gérard Manset : Y a une route
- Mélusine : Les trois gens d'armes
- Neil Young : Out on the week-end
- Pink Floyd : Julia dream
- Quicksilver Messenger Service : Who do you love ?
- Yves Simon : Un autre désir
- Thirteenth Floor Elevators : You’re gonna miss me