samedi 27 juillet 2024

Chanson (5): Rester femme

Le Grand Amour reste un des mythes les plus forts de notre société.

Les papillons dans le ventre, le coup de foudre, le plus beau jour de notre vie, l'autre moitié...tout un folklore est né autour de cette idée de l'amour avec un grand A, celui qui transporte et accomplit, avec cette idée que quelque part quelqu'un nous attend forcément.

Pendant longtemps, cette version-là de la vie de couple n'était pas aussi centrale, et elle ne l'est toujours pas pour nombre de peuples et de diasporas.

Le couple c’est le mariage, et le mariage, généralement arrangé par la famille ou la communauté, est avant tout un contrat, une alliance raisonnable pour faire face au monde et à ses défis, et renforcer la famille et/ou le groupe de référence.

L'amour peut exister, certes, mais il faut s'en méfier. Ou le réguler, pour les hommes bien sûr, via la prostitution ou les (dégueulasses) amours dites ancillaires.

L'idée c'est que si l’amour suit le mariage, pourquoi pas, mais qu'il ne doit ni s'y opposer, ni le justifier. Et surtout que l'on ne doit pas tomber amoureux de n'importe qui, il faut une équivalence de statut, de religion, de milieu, etc.

Quand on y pense avec le recul d'aujourd'hui, il y a sans doute un peu de vrai dans ce schéma qu'on nous vend comme cynique et anti romantique en Occident.

Dans nos pays de libertés, y compris amoureuse, on constate en effet que le Grand Amour a quelques ratés. Les célibataires y sont en effet légion, dont une très grande partie qui l'est sans l’avoir choisi. 

Rêvent-ils tous de la flèche de Cupidon et du partenaire qui les attend, et qui parfois les attendra jusqu’au tombeau?

Auraient-ils été forcément moins heureux avec un conjoint recommandé ?

Autres constats pas très réjouissants: nous avons des taux record de divorce, et l'on assiste ces dernières années au un début de ce qu'on peut appeler "guerre des sexes".

Tout ça laisse supposer que le fameux Grand Amour n'est peut-être ni si fréquent ni si solide.

Pourtant il existe bien, mais pas toujours comme on le veut, notamment en termes de réciprocité, et également en termes de durée.

Et c'en est une version que je veux aborder dans ce post: l’amour qui rend malade.

Dans certains cas en effet, l'amour peut être la pire malédiction, une drogue dure qui n'entraine que du malheur, une catastrophe. 

L’attirance pour l’autre devient disproportionnée, obsessionnelle, rend complètement aveugle et dépendant.

L’amoureux ou l’amoureuse pardonne tout à l’objet de son amour, que celui-ci soit réciproque ou non, il peut pousser au drame, à la catastrophe.

J'ai rencontré un homme défiguré par le coup de fusil de chasse qu'il s'était infligé quand sa compagne l'avait quitté.

La soeur de cette compagne (comme quoi il y a des familles de femmes fatales) avait elle-même plumé son mari, dépensant tellement plus que ce qu'il gagnait qu'il se trouva criblé de dettes, mais il passait tout par amour.

A l'inverse je connais deux filles qui se sont dévouées aveuglément à des hommes qui venaient quand ils le voulaient, les isolaient de leurs proches, ne leur présentaient pas les leurs et qui en fait les partageaient avec une autre femme.

Le pire étant que généralement une partie de l'amoureux/amoureuse est lucide, et c'est sciemment qu'elle ignore le problème.

Beaucoup d'oeuvres ont montré des hommes détruits par leur amour déséquilibré, du  film En cas de malheur au livre Un amour de Buzzati, en passant par les chansons Ne me quitte pas ou Mathilde de Brel, Je suis malade de Lama ou encore Je commence demain et Pas toi de Goldman.

L'équivalent féminin me semble plus rare.

C'est l'un d'entre eux, d'Axelle Red, qui m'a inspiré le post d'aujourd'hui.

Les premiers hits de cette artiste belge à la chevelure flamboyante ne m'avaient pas plus emballé que ça. Elle me semblait une de ces belles plantes qui apparaissent périodiquement, chantant des trucs légers et sans plus.

Et puis je suis tombé sur Rester femme. Dans ce titre très blues, on voit une femme fragilisée par un amour qu'elle veut garder envers et contre tout.

Lentement elle s'humilie, proposant d'accepter tout pourvu que son aimé la laisse rester femme.

C'est un titre poignant qui m'a beaucoup touché et qui illustre parfaitement cette idée de l'amour drogue qui rend malade et qui transcende finalement les genres.

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