vendredi 30 août 2024

Maladie et convalescence

Le jour où j'ai commencer à écrire ce post, j'avais "la crève", comme je l'ai eue un nombre incalculable de fois. Douleur de gorge et courbatures, tête un peu lourde...
 
Cet état m'a amené à parler dans ce post de la maladie et de la douleur, des rapports que je peux avoir avec elles.

Aujourd'hui être malade c'est avant tout perdre du temps. C'est du gaspillage, des heures et des jours rendus inutiles. Cela ajoute une couche d'angoisse à la maladie elle-même, à la guérison de laquelle on refuse de se consacrer.
 
D'où l'habitude de se bourrer de médicaments dès les premiers signes, habitude délétère dont on mesure aujourd'hui les conséquences (effets secondaires, résistance de l'organisme et baisse de l'immunité) mais réflexes ancrés dans les moeurs par des années d'éducation sur lesquelles il est bien difficile de revenir.

Être malade c'est aussi montrer sa faiblesse, et à l'heure du développement personnel et du Yes, you can, c'est inacceptable.
 
Il y a même parfois quelque chose de honteux à être malade, et au contraire de valorisant à montrer son mépris de la maladie, à faire comme si elle était moins importante que les taches quotidiennes, le travail, etc.

Mais mon propos ici est plutôt de parler de sensations, des effets physiques de la maladie et de sa guérison.
 
Être malade est une sensation étrange.
 
Quand on se connait, dans certains cas on peut prédire qu'on va bientôt être malade, qu'on "couve" quelque chose pour reprendre l'expression consacrée.
 
Un malaise plus ou moins diffus nous enveloppe, prémices de quelque chose qui n'est pas encore là mais qu'on sait arriver.

Et puis la maladie s'installe. On sent que quelque chose déconne, qu'il y a quelque part dans l'organisme une lutte, un combat entre la santé et autre chose, qui nous veut du mal.
 
On est amoindri, on souffre.
 
Ce n'est pas agréable, mais la douleur peut avoir quelque chose de transcendant.
 
Pour un esprit tordu, la souffrance est la clé du paradis, une épreuve contre soi-même qu'on peut éprouver une certaine jouissance à disputer.
 
J'ai ainsi noté chez beaucoup de gens une glorification de leur maladie, comme si elle leur donnait un supplément d'intérêt et de nouveau droits.
 
Personnellement, si certaines douleurs me sont insoutenables, comme les crises de sciatique liées à mes hernies discales ou certaines gastro carabinées, je peux dire qu'il en est d'autres qui provoquent parfois des sensations pas forcément désagréables.
 
Le frisson de froid qui transperce juste avant de se glisser sous les draps rend la chaleur de ces derniers plus délicieuse.
 
Les contractures musculaires qui lorsqu'on est allongé vous quittent progressivement procurent également un certain plaisir.
 
Cela peut être semblable à ce qu'on ressent après une longue séance de sport.
 
S'abandonner à la maladie c'est en tout cas se lancer dans un match difficile.
 
Il faut accepter de laisser son corps prendre le contrôle, que ses rouages, qu'on connait finalement si mal, s'activent pour colmater la brèche à leur manière.
 
C'est aussi souvent se donner enfin le repos qu'on passe sa vie à repousser.
 
Si l'on est très malade, on se retrouve dans un entre-deux particulier, hors du flux normal de l'existence et dépendant à nouveau des autres, comme pendant l'enfance et comme en fin de vie.

Cette expérience (que je ne tiens pas du tout à faire) doit être marquante. J'ai été frappé par le fait que beaucoup d'artistes racontent avoir commencé leur art pendant une maladie.

Dieu merci, la plupart du temps c'est l'affaire de quelques jours.
 
A la fin de ceux-ci vient l'étape de la convalescence.
 
Un jour on sent que l'on commence à aller mieux, que les choses reprennent leur place, que ce bon vieux corps qui nous a fait défaut va redevenir cette mécanique si miraculeuse qu'on n'y pense même pas.
 
On réalise qu'on a gagné, que l'ennemi reflue.
 
Si l'on a souffert longtemps, il faut lutter contre l'envie d'aller trop vite, ou au contrainte la crainte d'y aller, la peur d'agir trop tôt.
 
Et puis fatalement on oublie, on recommence à vivre, souvent exactement comme avant sans se soucier de la rechute.
 
Et c'est très bien comme ça.

mercredi 28 août 2024

Chanson (7): Lazy

Au lycée, beaucoup de mes amis étaient des "hardos", comme on disait alors, qui ne juraient que par les différentes déclinaisons du metal, death, trash, heavy, speed ou autre, ainsi que par le rock estampillé hard.
 
Comme tout membre d’une tribu, ils méprisaient les autres et mes goûts alternatifs étaient impitoyablement critiqués. Sans même parler de Balavoine, qui me valut l'étiquette d'irrécupérable, certains groupes de rock que j’aimais étaient aussi mis à l'écart.
 
C'était le cas de Scorpions, qualifié de Hard FM, mais aussi des Doors, découverts grâce au film éponyme et que j'avais tellement aimés que je m'étais procuré l'intégrale de leurs albums studio.
 
Pour me ramener dans le droit chemin, un de ces amis me suggéra un jour d'écouter Deep Purple: puisque ce groupe utilisait lui aussi un clavier, tel de vulgaires Doors, cela pourrait bien me plaire.
 
C'est nanti de cette recommandation que j'achetai un jour un exemplaire en cassette de Machine Head, l’un de leurs albums légendaires, celui qui contient notamment Smoke on the water, titre entré au panthéon du rock comme le Satisfaction des Stones, le Gloria des Them ou le Thunderstruck d’AC DC.
 
Pari gagné à moitié pour mon ami: si mon goût pour les Doors ne disparut pas, j'accrochai tout de suite à cet album qui devient un pilier de ma discothèque.
 
En revanche, je ne devins jamais un fan accompli du groupe.
 
Si les extraordinaires dialogues entre le clavier de Jon Lord et la guitare de Ritchie Blackmore me séduisirent immédiatement, les voix hauts perchées et hurlantes des chanteurs successifs, très dans le ton de l'époque, ne me plaisaient pas trop, et le côté progressif-symphonique dans lequel ils s'égarèrent souvent non plus.
 
Cependant Machine head reste un album indispensable pour moi, essentiellement pour l'incroyable titre dont je vais parler aujourd'hui: Lazy.
 
C'est un morceau très long qui commence lentement, par une sorte d'introduction en douceur sur fond de nappes de clavier qui font tout de suite entrer dans l'ambiance et laissent supposer une suite plus musclée.
 
Celle-ci arrive après deux phrases au clavier et à la guitare (la fameuse signature Deep Purple dont je parlais plus haut) qui se répondent comme en hésitant, avant que les deux musiciens ne se lâchent complètement et n’embrayent sur un magnifique dialogue croisé, dont le déluge de notes est un vrai régal pour les oreilles.
 
C’est après ce très long début que le chanteur entre en scène, balançant son histoire d'un type indécrottablement fainéant qui préfère son lit à tout.
 
Peu de paroles, alternées avec un harmonica puissant qui swingue, puis une deuxième dose de dialogue guitare/clavier, ponctué juste quand il faut par les cris du chanteur, pour aller vers une fin marquée par des petits ralentis/accélérés et qui atterrit comme on fait une révérence.
 
Il y a dans ce morceau, malgré une rythmique implacable (la basse ronronne comme jamais) un côté léger, aérien, qui fait décoller en douceur. C'est presque un peu coloré jazz mais sans que jamais ça fasse trop.
 
Lazy est clairement pour moi une chanson parfaite qui me donne toujours un sentiment de plénitude. Je l'écoute régulièrement et m'envole littéralement à chaque fois, et rien de ce que j'ai pu entendre de Deep Purple par la suite n'est arrivé à sa hauteur.

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Génération Le bon coin

Avec les années, le site Le Bon Coin est devenu une véritable institution en France.

Cousin de eBay et autres sites de mise en rapport entre vendeurs et acheteurs, il a été plébiscité par nos compatriotes et brasse des milliers (millions?) d'annonces chaque jour, dans des domaines extrêmement variés.

Devenu un must pour les gens qui souhaitent acheter moins cher ou vendre d'occasion, sa simplicité et son caractère généraliste (on trouve vraiment de tout) lui ont permis de devenir incontournable.

Certains l'ont même détourné pour se faire des sous avec, que ce soit en faisant le grossiste ou en jouant tout simplement les spéculateurs.

Personnellement je me suis mis à ce type de site pour deux raisons.

La première c'est que je cherche régulièrement des livres indisponibles dans le commerce, pas nécessairement précieux mais plutôt épuisés.

La seconde c'est que je déteste jeter quelque chose qui est encore utilisable, même si je n'en ai pas besoin.

J'ai déménagé, eu des enfants qui ont grandi, j'ai reçu des cadeaux dont je me sers pas, donc j'ai fait du stock de choses en trop, d'autant plus que la place est chère dans ma ville. Et du coup j'ai utilisé le bon coin pour me débarrasser d'un paquet d'entre elles.

Cela m'a permis de rencontrer beaucoup de gens et de me faire un panel de clients variés.

Je ne peux pas dire qu'il y ait un acheteur type, mais certaine catégories se sont dégagées.

La première, que je fuis comme la peste, c'est celle des négociateurs fous.

Certains commencent à vouloir un rabais dès leur réponse à l'annonce, même si, comme j'ai fini par le faire, elle contient la mention prix non négociable.

Je boycotte directement ce modèle-là.

Plus vicieux sont ceux qui vont négocier mais seulement le jour de la livraison, avec plus ou moins de conviction.

Je me rappelle d'un daron venu acheter un banjo-guitare à prix cassé qui m'a gratté quelques euros sous le prétexte d'un coin vaguement éraflé: c'était évident que de toute façon il aurait par principe trouvé quelque chose à redire.
 
Ayant du mal à me débarrasser de cet instrument, j'ai cédé.

Autre souvenir plus désagréable: j'avais un rendez-vous avec un type qui venait pour un petit meuble que je vendais pour une bouchée de pain.

Est arrivé un modèle parfait de racaille-islamiste qui, descendu avec un copain d'un énorme 4x4 aux phares cassés, m'a d'entrée demandé une réduction.

Curieusement, je n'ai pas refusé (!), et je me suis félicité d'avoir sorti le meuble de chez moi avant (c'est devenu une règle depuis).

Mon dernier souvenir de ce genre est une fille venue pour un vélo et m'annonçant sèchement que c'était trop cher et que ça ne l'intéressait pas.

Autre type de mauvaises expériences: les lapins. On se donne rendez-vous, on se pointe avec l'objet, et on se retrouve seul sans explication (je ne parle évidemment pas des retards, toujours possibles).

Curieusement, j'ai noté que c'était plus fréquent lorsqu'il s'agissait de dons.

Je proposais ainsi deux dictionnaires de petite école à qui le souhaitait et une bonne femme qui avait sauté sur l'annonce n'est tout simplement pas venue aux deux rendez-vous convenus avec elle, prouvant son absence totale de politesse et de respect.

Bon à côté de ça la personne qui me les a finalement pris s'est confondue en remerciements, et lors d'un autre don, j'ai même reçu une tablette de chocolat, l'acheteur étant trop gêné de ne rien donner en échange.

Un autre modèle d'acheteur c'est celui qui a tout prévu.

Par exemple l'homme qui m'a racheté mon lave-vaisselle est venu oreillette en place, avec sa checklist à vérifier, la camionnette et tout le nécessaire pour l'emmener.

Idem pour celui qui avait récupéré les barres de toit de ma 205, c'est limite s'il n'avait pas prévu le porte-barres-de-toit-de-205 dans son coffre.

Enfin j'ai également pu constater que l'adage qui dit que les femmes ont plus le sens du détail que les hommes est souvent vrai.

Le plus flagrant c'est quand j'ai voulu vendre mon porte-bébé dorsal.

Immédiatement j'ai eu plusieurs mères qui s'enquéraient d'aspects pratique comme de savoir s'il était muni d'un accessoire pour protéger du soleil.

A contrario un père divorcé qui sautait sur l'aubaine ne m'a posé aucune question (c'est à lui que je l'ai finalement vendu).

Enfin j'ai aussi constaté que pas mal des choses que j'ai cédées étaient destinées aux enfants de mes acheteurs.

Un homme m'a pris mon vieil ampli de basse pour sa fille qui désirait s'y mettre.

Une femme modeste est venue en RER avec ses deux petites filles pour me prendre deux vélos et les essayer (j'étais heureux que les montures de mes enfants poursuivent leur existence et de les avoir laissées pour pas cher).

Celui qui m'avait donné la plaque de chocolat avait récupéré la peluche panthère grandeur nature pour ses enfants.

Enfin, le plus surprenant était ce père qui construisait un salon de danse pour sa fille.

Il était donc intéressé par les miroirs géants qui parsemaient l'appartement que je venais d'acheter (au passage, j'ai découvert à l'occasion que ce genre de choses coûtait un bras).

Le bon coin est finalement l'occasion de se frotter à toutes sortes de gens, ce qui, au-delà de l'intérêt -principal !- du marché de la deuxième main, est un aspect sociologique intéressant.