dimanche 27 avril 2025

Chanson (24): Benjamin

A l'occasion de ma midlife crisis, comme on dit maintenant (et dont j'ai parfois le sentiment qu'elle a commencé pour moi au berceau), j'ai tendance à me retourner encore plus que d'habitude vers mon passé.

Ni heureux ni franchement malheureux, un peu porté par la pénible conscience de mon déclin physique, déstabilisé par l'arrivée de nouvelles générations pour lesquelles je suis vieux et par la vision de mes propres enfants qui grandissent, c'est comme si j'avais besoin de mesurer ce que j'ai fait du demi-siècle qui s'achève.

Et concrètement j'ai décidé de retrouver des amis de lycée, que je n'avais pas revus depuis au moins trente ans.

C'était une expérience sympa et quelque peu déstabilisante. En effet c'était à la fois eux et pas eux.

Physiquement ils avaient changé de manière variée: l'un d'entre eux est devenu obèse tandis qu'un autre, qui a remarquablement gardé sa sveltesse, est désormais complètement chauve.

D'un point de vue caractère, j'ai constaté avec étonnement et un certain plaisir qu'ils n'étaient pas si loin des ados avec qui j'étais ami: je retrouvais assez rapidement mes potes sous la patine du temps.

Bien sûr, ce sont des moments sans véritable lendemain.

Nos chemins ont trop divergé et les trois ans de lycée sont de l'histoire ancienne, même si ces années ont été marquantes, et quand on sort de nos souvenirs communs, je ne sais pas s'il reste tant à partager.

Mais ces retrouvailles étaient des moments assez forts.

Ce préambule m'amène à la chanson dont je voulais parler aujourd'hui: Benjamin, de Florent Marchet.

Je suis tombé un jour à la radio sur ce titre dont le vers "Depuis le temps qu'il fête ses vingt ans", répété pendant les refrains, m'a immédiatement accroché.

Le narrateur raconte l'histoire d'un ami immature, Benjamin, qui semble rejouer son adolescence sans fin et être comme bloqué dans cette période malgré le temps qui passe, un "chien de garde de nos années lycée".

Le clip associé illustre très bien cette idée.

On y voit le Benjamin en question se rendre à une soirée dont on comprend qu'il s'agit d'anciens élèves.

Elle a lieu dans la maison de l'une d'entre elles, qui semble avoir réussi (il y a même une piscine).

La plupart des gens ont normalement vieilli, les fringues chic sont de circonstance, mais dès le début Benjamin ne rentre pas dans le moule.

Il arrive en retard à la fête, se dirigeant à l'aide d'une carte, dans une vieille voiture et habillé de manière complètement décalée.

Sur place, il danse comme le jeune qu'il n'est plus, boit plus que de raison et se comporte de manière immature et dérangeante, jusqu'à provoquer des catastrophes et ruiner la soirée policée qui s'annonçait.

Musicalement, je dirais que c'est de la pop rock léchée, la voix assez quelconque de Marchet s'insérant parfaitement dans un fond musical riche et maitrisé.

J'ai acheté l'album correspondant et il a pour moi un air familier, comme si je le connaissais déjà.

Je le trouve un peu dans la continuité d'une certaine variété française de qualité, avec une musicalité années 70.

J'ai appris plus tard que Marchet était un multi instrumentiste amoureux de la campagne, qu'il avait mon âge, qu'il collectionnait les vieux instruments de musique pré numérique, qu'il était fan du musicien François de Roubaix et qu'il composait pour d'autres et pour des films.

Au-delà de la musique, il a des textes très souvent profonds et qui me parlent beaucoup, chaque chanson étant une petite histoire qui se suffit à elle-même, touchante, amusante ou bouleversante (notamment le terrible Freddy Mercury).

Et Benjamin en est une qui peut parler à n'importe qui a vu un peu de sa vie passer.


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