vendredi 27 décembre 2024

Chanson (19): Les forêts noires

Je suis né dans une France déjà bien américanisée en termes de culture, notamment musicale.

La vague yéyé qui faisait des VF souvent puériles de hits américains, était passée.

Il y avait une volonté plus grande de créer soi-même et de faire du "sérieux".

Mais on était toujours dans une espèce de copie appliquée de ce qui se passait dans le monde anglo-saxon.

Le temps de l'émancipation des années 90, quand le rock français se mettrait à construire des passerelles avec notre patrimoine (ou ce qu'il en restait) et avec d'autres musiques, issues du reste du monde ou de l'immigration, n'était pas encore arrivé.

Paradoxalement d'ailleurs, cette maturité des 90es a correspondu à la fin de l'hégémonie du rock auprès des jeunes, qui fut détrôné par le rap en même temps que la population changeait massivement.

Mais pour en revenir aux années 80, on pouvait dire en simplifiant qu'on faisait de la musique anglo-saxonne avec des paroles en français, chaque grand courant naissant à Londres, New York ou Los Angeles générant des groupes en VF qui tentaient de devenir l'équivalent français de Madonna, Cure ou Depeche Mode.

Ce n'était pas facile.

Les structures (studios, salles) manquaient, le marché était relativement étroit, les médias longtemps sous contrôle.

Combien de groupes régionaux qui tentaient leur chance ont-ils réussi à percer, ne serait-ce qu'un temps? Combien surtout sont restés locaux et n'ont jamais pu transformer l'essai?

Celui qui chantait le titre dont je vais parler aujourd'hui était l'un d'entre eux.

Il s'appelait Sclérose et venait du Limousin, il était plutôt bon et produisit une série de titres que j'entendais dans les radios du coin, mais ne réussit pas à percer au niveau national.

Leur musique était très new wave, avec beaucoup de clavier et le son un peu froid de l'époque. Leur chanteur avait une voix un peu juvénile/androgyne qui collait bien avec leurs textes, fouillés et poétiques.

C'était je crois mon frère aîné qui m'en avait parlé et m'avait fait écouter quelques morceaux, et j'ai longtemps gardé en mémoire des extraits d'une chanson touchante et obscure qui parlait d'une fille trop belle se lavant dans des eaux...

Grâce à la magie internet, j'ai fini par retrouver Les forêts noires (c'est le titre) ainsi qu'une mauvaise vidéo du groupe le jouant en extérieur un jour de froid glacial comme il y en avait encore dans les années 80.

D'autres chansons que je connaissais étaient également disponibles, mais c'est celle-ci qui reste ma préférée.

La douce nostalgie qui en émane, ses vers mystérieux et son côté amateur continuent à m'enchanter et à m'évoquer cette période qui s'éloigne.

Elle me fait également penser à ma région, qui a elle aussi tellement changé, et me rappelle à quel point naître à tel ou tel endroit conditionnait la suite.

Si Téléphone s'était formé à Limoges et Sclérose à Paris, qui sait ce qui se serait passé?

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