J'ai toujours eu un très grand amour pour mon pays et sa langue, et je peux dire que mon éducation et mon inclination naturelle peuvent me pousser vers une sorte de patriotisme culturel.
En même temps j'ai très jeune été passionné de musique, et un grand amateur de rock. Ce style a toujours eu ma préférence : c'était résolument la base de mes goûts.
Malheureusement pour moi ces deux passions semblent ne pas fonctionner ensemble.
Le rock français c'est comme le vin anglais disait John Lennon avec malice, et je dois reconnaitre que ma quête d'une VF aussi excitante que les VO, qui me prit une bonne partie de ma jeunesse, n'a guère été couronnée de succès.
Je me suis longtemps forcé à écouter tout ce qui marchait, avait marché ou marchotait sur la scène hexagonale: de Johnny à Téléphone en passant par Starshooter, Martin Circus, Ronnie Bird, Noir Désir, Ange, Vulcain ou Bérurier Noir, j'ai tout testé.
Au final je me suis bien sûr rendu compte que tout cela était un peu vain.
En fait, comme tous les Français depuis au moins l'après-guerre je suis américanisé à l'insu de mon plein gré, dans une société qui l’est un peu plus chaque jour.
L'Oncle Sam, par son savant mélange de coups de pression, de séduction et d'impérialisme, conditionne les cages à miel de l'Hexagone comme celles du reste du monde, et nous pousse à considérer l'anglais comme la deuxième langue du pays.
Et celle-ci, avant qu'elle ne finisse par devenir la vraie langue officielle de l'UE, celle du monde scientifique et celle du monde du travail, a commencé par être celle du divertissement et notamment de la chanson.
La France a lutté plus longtemps et plus tard que ses voisins contre cette tendance.
Citons les lois de quotas d'artistes francophones, régulièrement remises en cause mais toujours présentes.
Notons que nous sommes aussi parmi les derniers à chanter dans nos langues à l’Eurovision (qu’on pourrait rebaptiser Anglovision).
Et si nous n’avons pas d'équivalent des Allemands de Scorpions ou des Suédois d'Abba, stars planétaires au prix du renoncement à leur langue maternelle, c'est en bonne voie: nous y passerons comme les autres, et d'ailleurs ça a déjà commencé, côté électro par exemple.
Objectivement, on peut se dire que la langue ne devrait pas être un critère quand on parle de musicalité, mais concrètement elle l’est.
Exemple: malgré mon officielle ouverture d’esprit, je n'écoute guère de chanson en néerlandais ou en serbo-croate, au contraire de l'anglais.
Tout ce préambule pour introduire un groupe que j’ai beaucoup aimé et qui avait réussi à marier un solide rock à base hard/metal avec des paroles gueulées dans la langue de Molière: je voudrais parler de Trust.
Fondé par des franciliens à la fin des années 70, Trust était emmené par son charismatique et ombrageux chanteur Bernie Bonvoision et par son guitariste Norbert Krief.
Le groupe associaient des riffs ravageurs à des paroles revendicatives, provocantes et nihilistes, et leurs titres, violents, faisaient feu de tout bois et rentraient dans le lard de tout ce qui était liberticide.
Ils y dénonçaient pêle-mêle les régimes de l'Est (pas très courant dans la France de l'époque), les juntes latino-américaines, les violences policières ou carcérales (avec même des citations de Mesrine), les sectes ou encore l'islamisme qui se mettait en place en Iran.
Notons pour ce dernier thème qu’on trouvait parmi les membres de Trust des juifs et des musulmans pour qui tout cela n'était absolument pas un sujet. Ça laisse rêveur aujourd'hui...
Parmi tous leurs chansons, c'est le titre Comme un damné que j'évoquerai aujourd'hui.
Morceau très court de leur premier album, intitulé Trust comme le groupe, il raconte en quelques mots l’histoire d’un prolétaire lambda dont la vie n’a pas d’horizon.
Pauvre et handicapé, cet anti-héros navigue entre un boulot d’atelier aliénant pour un salaire de misère, son HLM et le métro, et le week-end il va se battre à coups de barre à mine, indifférent aux conséquences qui ne changeront rien à sa vie de loser.
J’avais trouvé une parenté entre Comme un damné et le magnifique Baston ! de Renaud, mais le morceau de Trust est bien plus violent.
Le riff lourd et répétitif souligne l’âpreté absurde de la vie, et les cris de Bernie sont autant d'explosions de rage vomie à la face du monde, sorte de doigt d'honneur désabusé à un destin écrit d'avance.
J’ai bien grandi depuis ces années lycée où Trust m’avait enchanté les oreilles.
J’ai mis de l’eau dans mon vin et cette révolte facile me semble souvent démago (elle l’est).
Mais écouter ce morceau de bravoure a toujours des effets thérapeutiques pour moi.
Il fait partie de ces chansons clé de ce que je pourrais appeler ma playlist nihiliste et je trouve qu’il continue à sonner juste.
Précédent: Chanson(20): Roy Bean
En même temps j'ai très jeune été passionné de musique, et un grand amateur de rock. Ce style a toujours eu ma préférence : c'était résolument la base de mes goûts.
Malheureusement pour moi ces deux passions semblent ne pas fonctionner ensemble.
Le rock français c'est comme le vin anglais disait John Lennon avec malice, et je dois reconnaitre que ma quête d'une VF aussi excitante que les VO, qui me prit une bonne partie de ma jeunesse, n'a guère été couronnée de succès.
Je me suis longtemps forcé à écouter tout ce qui marchait, avait marché ou marchotait sur la scène hexagonale: de Johnny à Téléphone en passant par Starshooter, Martin Circus, Ronnie Bird, Noir Désir, Ange, Vulcain ou Bérurier Noir, j'ai tout testé.
Au final je me suis bien sûr rendu compte que tout cela était un peu vain.
En fait, comme tous les Français depuis au moins l'après-guerre je suis américanisé à l'insu de mon plein gré, dans une société qui l’est un peu plus chaque jour.
L'Oncle Sam, par son savant mélange de coups de pression, de séduction et d'impérialisme, conditionne les cages à miel de l'Hexagone comme celles du reste du monde, et nous pousse à considérer l'anglais comme la deuxième langue du pays.
Et celle-ci, avant qu'elle ne finisse par devenir la vraie langue officielle de l'UE, celle du monde scientifique et celle du monde du travail, a commencé par être celle du divertissement et notamment de la chanson.
La France a lutté plus longtemps et plus tard que ses voisins contre cette tendance.
Citons les lois de quotas d'artistes francophones, régulièrement remises en cause mais toujours présentes.
Notons que nous sommes aussi parmi les derniers à chanter dans nos langues à l’Eurovision (qu’on pourrait rebaptiser Anglovision).
Et si nous n’avons pas d'équivalent des Allemands de Scorpions ou des Suédois d'Abba, stars planétaires au prix du renoncement à leur langue maternelle, c'est en bonne voie: nous y passerons comme les autres, et d'ailleurs ça a déjà commencé, côté électro par exemple.
Objectivement, on peut se dire que la langue ne devrait pas être un critère quand on parle de musicalité, mais concrètement elle l’est.
Exemple: malgré mon officielle ouverture d’esprit, je n'écoute guère de chanson en néerlandais ou en serbo-croate, au contraire de l'anglais.
Tout ce préambule pour introduire un groupe que j’ai beaucoup aimé et qui avait réussi à marier un solide rock à base hard/metal avec des paroles gueulées dans la langue de Molière: je voudrais parler de Trust.
Fondé par des franciliens à la fin des années 70, Trust était emmené par son charismatique et ombrageux chanteur Bernie Bonvoision et par son guitariste Norbert Krief.
Le groupe associaient des riffs ravageurs à des paroles revendicatives, provocantes et nihilistes, et leurs titres, violents, faisaient feu de tout bois et rentraient dans le lard de tout ce qui était liberticide.
Ils y dénonçaient pêle-mêle les régimes de l'Est (pas très courant dans la France de l'époque), les juntes latino-américaines, les violences policières ou carcérales (avec même des citations de Mesrine), les sectes ou encore l'islamisme qui se mettait en place en Iran.
Notons pour ce dernier thème qu’on trouvait parmi les membres de Trust des juifs et des musulmans pour qui tout cela n'était absolument pas un sujet. Ça laisse rêveur aujourd'hui...
Parmi tous leurs chansons, c'est le titre Comme un damné que j'évoquerai aujourd'hui.
Morceau très court de leur premier album, intitulé Trust comme le groupe, il raconte en quelques mots l’histoire d’un prolétaire lambda dont la vie n’a pas d’horizon.
Pauvre et handicapé, cet anti-héros navigue entre un boulot d’atelier aliénant pour un salaire de misère, son HLM et le métro, et le week-end il va se battre à coups de barre à mine, indifférent aux conséquences qui ne changeront rien à sa vie de loser.
J’avais trouvé une parenté entre Comme un damné et le magnifique Baston ! de Renaud, mais le morceau de Trust est bien plus violent.
Le riff lourd et répétitif souligne l’âpreté absurde de la vie, et les cris de Bernie sont autant d'explosions de rage vomie à la face du monde, sorte de doigt d'honneur désabusé à un destin écrit d'avance.
J’ai bien grandi depuis ces années lycée où Trust m’avait enchanté les oreilles.
J’ai mis de l’eau dans mon vin et cette révolte facile me semble souvent démago (elle l’est).
Mais écouter ce morceau de bravoure a toujours des effets thérapeutiques pour moi.
Il fait partie de ces chansons clé de ce que je pourrais appeler ma playlist nihiliste et je trouve qu’il continue à sonner juste.
Précédent: Chanson(20): Roy Bean
Suivant: Chanson(22): Déjeuner en paix