dimanche 28 juillet 2024

Chanson (6) : Papa ballon

Avant l'avènement de Dorothée, Chantal Goya était la reine de la musique pour les enfants, et comme beaucoup d'enfants de ma génération, j'étais un de ses fans.

Née en Indochine française, les hasards de la vie l'avaient amenée à la chanson, et plus précisément à la chanson pour enfants.

Elle travaillait avec son mari, l'auteur compositeur Jean-Jacques Debout (dont le nom m'interloquait), qui lui fournissait des concepts, des titres et des spectacles qui marchaient très bien.

Il était lui-même chanteur, écrivait également des génériques pour enfants, notamment le mythique Capitaine Flam, mais le gros de son activité était consacré à son épouse.

A son apogée, on la voyait énormément à la télévision, on l'entendait à la radio, et ses disques se vendaient comme des petits pains. 

Sa musique était ce qu'on appelle de la variété, les mélodies étaient accrocheuses, les spectacles très riches, et elle recyclait nombre de personnages populaires, qu'il s'agisse de Mickey, Tintin ou Bécassine, celle-ci lui inspirant un de ses titres les plus célèbres.

Quant aux paroles, elles étaient souvent légères, parfois neuneu comme on le lui reprocha, notamment dans l'émission Le jeu de la vérité dont on dit qu'il sonna la fin de sa carrière.

Quant à moi, ma famille ayant remarqué que je l'aimais beaucoup, je devins l'heureux possesseur de quelques 45 tours et de deux 33 tours (ils doivent encore exister dans un placard de chez mes parents).

Je les écoutais en boucle et parmi tous les titres, dont je connais encore aujourd'hui bon nombre par coeur, il y en a qui m'a beaucoup marqué: Papa ballon.

Ce morceau racontait l'histoire d'un vieux monsieur dont le métier était de vendre des ballons aux enfants, mais qui était si généreux qu'il les leur donnait, trop heureux de les voir sourire.

Il vivait très pauvrement, et un jour il disparut, emporté dans le ciel par ses ballons et regretté à jamais par tous les enfants qu'il gâtait.

Je ne sais pas pourquoi mais cette chanson avait bouleversé le petit garçon que j'étais.

Cette histoire triste et la mélancolie qui se dégageait de la mélodie me serraient le coeur, et j'aurais alors donné n'importe quoi pour que Papa ballon soit riche, qu'il vive mieux et surtout qu'il ne disparaisse pas.

Je suppose que cette chanson est contemporaine du moment où je découvrais ce qu'était la mort et comprenais que mes proches me quitteraient un jour.

Je suppose aussi que ce titre mélancolique devait parler à mes inclinations personnelles.

Toujours est-il que ma tristesse devant le vieux Papa Ballon s'envolant à jamais est restée et qu'écouter ce titre me touche encore aujourd'hui de manière indicible, preuve que comme l'a dit je ne sais plus qui on ne guérit sans doute jamais vraiment de son enfance.

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samedi 27 juillet 2024

Chanson (5): Rester femme

Le Grand Amour reste un des mythes les plus forts de notre société.

Les papillons dans le ventre, le coup de foudre, le plus beau jour de notre vie, l'autre moitié...tout un folklore est né autour de cette idée de l'amour avec un grand A, celui qui transporte et accomplit, avec cette idée que quelque part quelqu'un nous attend forcément.

Pendant longtemps, cette version-là de la vie de couple n'était pas aussi centrale, et elle ne l'est toujours pas pour nombre de peuples et de diasporas.

Le couple c’est le mariage, et le mariage, généralement arrangé par la famille ou la communauté, est avant tout un contrat, une alliance raisonnable pour faire face au monde et à ses défis, et renforcer la famille et/ou le groupe de référence.

L'amour peut exister, certes, mais il faut s'en méfier. Ou le réguler, pour les hommes bien sûr, via la prostitution ou les (dégueulasses) amours dites ancillaires.

L'idée c'est que si l’amour suit le mariage, pourquoi pas, mais qu'il ne doit ni s'y opposer, ni le justifier. Et surtout que l'on ne doit pas tomber amoureux de n'importe qui, il faut une équivalence de statut, de religion, de milieu, etc.

Quand on y pense avec le recul d'aujourd'hui, il y a sans doute un peu de vrai dans ce schéma qu'on nous vend comme cynique et anti romantique en Occident.

Dans nos pays de libertés, y compris amoureuse, on constate en effet que le Grand Amour a quelques ratés. Les célibataires y sont en effet légion, dont une très grande partie qui l'est sans l’avoir choisi. 

Rêvent-ils tous de la flèche de Cupidon et du partenaire qui les attend, et qui parfois les attendra jusqu’au tombeau?

Auraient-ils été forcément moins heureux avec un conjoint recommandé ?

Autres constats pas très réjouissants: nous avons des taux record de divorce, et l'on assiste ces dernières années au un début de ce qu'on peut appeler "guerre des sexes".

Tout ça laisse supposer que le fameux Grand Amour n'est peut-être ni si fréquent ni si solide.

Pourtant il existe bien, mais pas toujours comme on le veut, notamment en termes de réciprocité, et également en termes de durée.

Et c'en est une version que je veux aborder dans ce post: l’amour qui rend malade.

Dans certains cas en effet, l'amour peut être la pire malédiction, une drogue dure qui n'entraine que du malheur, une catastrophe. 

L’attirance pour l’autre devient disproportionnée, obsessionnelle, rend complètement aveugle et dépendant.

L’amoureux ou l’amoureuse pardonne tout à l’objet de son amour, que celui-ci soit réciproque ou non, il peut pousser au drame, à la catastrophe.

J'ai rencontré un homme défiguré par le coup de fusil de chasse qu'il s'était infligé quand sa compagne l'avait quitté.

La soeur de cette compagne (comme quoi il y a des familles de femmes fatales) avait elle-même plumé son mari, dépensant tellement plus que ce qu'il gagnait qu'il se trouva criblé de dettes, mais il passait tout par amour.

A l'inverse je connais deux filles qui se sont dévouées aveuglément à des hommes qui venaient quand ils le voulaient, les isolaient de leurs proches, ne leur présentaient pas les leurs et qui en fait les partageaient avec une autre femme.

Le pire étant que généralement une partie de l'amoureux/amoureuse est lucide, et c'est sciemment qu'elle ignore le problème.

Beaucoup d'oeuvres ont montré des hommes détruits par leur amour déséquilibré, du  film En cas de malheur au livre Un amour de Buzzati, en passant par les chansons Ne me quitte pas ou Mathilde de Brel, Je suis malade de Lama ou encore Je commence demain et Pas toi de Goldman.

L'équivalent féminin me semble plus rare.

C'est l'un d'entre eux, d'Axelle Red, qui m'a inspiré le post d'aujourd'hui.

Les premiers hits de cette artiste belge à la chevelure flamboyante ne m'avaient pas plus emballé que ça. Elle me semblait une de ces belles plantes qui apparaissent périodiquement, chantant des trucs légers et sans plus.

Et puis je suis tombé sur Rester femme. Dans ce titre très blues, on voit une femme fragilisée par un amour qu'elle veut garder envers et contre tout.

Lentement elle s'humilie, proposant d'accepter tout pourvu que son aimé la laisse rester femme.

C'est un titre poignant qui m'a beaucoup touché et qui illustre parfaitement cette idée de l'amour drogue qui rend malade et qui transcende finalement les genres.

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Chanson (1) : Introduction

Comme je l'ai souvent dit dans ce blog la musique m'a longtemps été essentielle.

Je ne sais pas quand ce goût a commencé, mais très tôt j'ai aimé entendre de la musique et tenté de répéter ce que chantaient les gens autour de moi.

Ma famille étant religieuse, je me rappelle de beaucoup de cantiques et chansonnettes pieuses pour enfants d'une part, mais aussi des chansons que mes parents et grands-parents fredonnaient volontiers, certaines, très anciennes, restant bloquées dans le grenier de mon cerveau, attendant que je les recroise un jour.

Je pense ainsi aux titres Avec l'ami Bidasse, Le chapeau de Zozo, Salade de fruits, La casquette du père Bugeaud, Le mexicain basané, Tout va très bien Madame la marquise, La Madelon etc.

Il y avait aussi la télé, la radio, les disques, 33 et 45 tours de la maison (par exemple l'affreux Les roses blanches de Berthe Sylva qui m'avait traumatisé, et les plus légers Au lycée Papillon ou La marche des célibataires), puis les miens...bref, j'ai le sentiment que j'ai emmagasiné tout ça dès que j'ai su utiliser mes oreilles.

Je l'ai fait d'abord passivement, puis ensuite activement malgré les difficultés de l'époque et de ma situation géographique et financière en cette ère d'avant le streaming.

J'ai déjà commencé il y a quelques année une liste consacrée aux groupes, styles et musiciens qui m'interpellent et/ou que j'ai aimés. 

Je vais aujourd'hui la compléter en initiant une nouvelle série qui parlera de plutôt de chansons, que je les ai aimées en tant que telle, qu'elles aient marqué une borne pour moi ou qu'elles me parlent pour une raison x ou y.

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