L’islam était uni pendant la vie de Mahomet.
Après son décès se posa la question de sa succession, puisque, s'il était un prophète, il était également un dirigeant politique.
Deux visions de sa succession s'opposaient.
Certains préféraient choisir le nouveau calife dans la famille de Mahomet, en la personne de son gendre et cousin Ali, d’autres étaient partisans de l’élire parmi ses compagnons.
Ces derniers eurent gain de cause, puisque c’est Abou Bakhr, un disciple historique (on dit qu’il fut le premier homme à suivre le nouvel enseignement) qui devint le nouveau calife.
Lorsqu’il mourut à son tour lui succédèrent deux autres califes que les traditions disent "bien guidés" : Omar puis Othman.
De nombreuses crises agitaient toutefois l’empire, qu’il s’agisse de tribus rebelles ou déjà de gens dont l'interprétation de la nouvelle religion divergeait (il existe quelques exemplaires de Corans alternatifs de l’époque, à l’instar des nombreux évangiles apocryphes que connut le christianisme avant de se stabiliser sur un canon).
C'est dans ce contexte qu'Othman fut assassiné, et c’est cette fois-ci Ali qui lui succéda.
Pendant son règne les divisions au sein du califat continuèrent à s’amplifier, s'accompagnant de guerres et de violences.
Une partie des musulmans, tenant Ali pour responsable de ces divisions, finit par contester son autorité.
Prônant une vision de l'islam détachée de toute idée dynastique ils constituèrent les kharidjites, la branche la plus minoritaire de l'Oumma (dont je parlerais dans un autre post).
Un autre groupes s'opposa frontalement à lui, ce qui aboutit à son assassinat.
C'est cet événement qui scella la division de l'islam.
Les partisans d'Ali, reconnu par eux comme le vrai successeur de Mahomet , deviendront les chiites.
A contrario, d'autres souhaitèrent la poursuite du califat mais considérèrent que la doctrine, la sunna, devait être le socle de la croyance musulmane plutôt que le principe dynastique.
Il fondèrent le sunnisme, qui regroupe 80% des musulmans aujourd'hui.
En plus du livre saint, les sunnites se basent donc sur la vie de Mahomet, son enseignement mais aussi ses faits et gestes, ce qu’il approuvait ou désapprouvait, etc.
Le Prophète reste en effet l’exemple du musulman parfait, et tout croyant a le devoir de s’en inspirer.
Comme l’islam en général, le sunnisme est largement décentralisé (rien de comparable à la hiérarchie catholique) et connait plusieurs subdivisions.
Il y notamment le découpage en quatre écoles, chacune portant le nom de l’imam qui la fonda.
Je ne sais pas trop à quoi elles correspondent d’un point de vue théologique, mais chacune est majoritaire dans une région du globe. Il s’agit de :
- L’école hanafite : c’est la plus ancienne et aussi la plus nombreuse en nombre d’adeptes (on les estime entre un tiers et la moitié des musulmans). Elle est majoritaire chez les peuples turcophones, du sous-continent indien, chez les Afghans et les Syro-Libanais.
- L’école malékite : deuxième en nombre de fidèles, elle domine largement en Afrique du Nord, à l’exception de l’Egypte, et dans la moitié nord de l’Afrique subsaharienne. De ce fait c’est aussi la principale école des musulmans de France.
- L’école chaféite : elle est la plus importante en Indonésie, premier pays musulman du monde, et dans les pays d’Asie du sud qui la jouxte (comme la Malaise) ainsi que sur la côte est de l’Afrique, avec d’importantes communautés en Irak, Turquie, Egypte et Yémen.
- L’école hanbalite : école la plus conservatrice, elle est prépondérante dans la péninsule arabique, et son plus important bastion est l’Arabie saoudite.
Chacune de ces écoles connait elle-même des subdivisions, certains points de doctrine ou théologiques sont partagés par plusieurs écoles, il existe des confréries, etc.
Mon impression est qu’on retrouve dans le sunnisme le même foisonnement décentralisé que dans le protestantisme, ce qui explique par ailleurs la difficulté pour nos états sécularisés de trouver un interlocuteur unique pour dialoguer avec les communautés musulmanes.
Dans toute cette diversité, certains groupes sont particulièrement connus en Occident.
1. Les salafistes
Les adeptes du salafisme ont une lecture littéraliste du Coran et pour but la restauration d’une société musulmane à l’image qu’ils se font de celle des premiers croyants.
Leur vie s’ordonne autour de principes très tranchés, séparant tout entre ce qui est licite et ce qui est illicite, et ils veulent se préserver des innovations de la modernité.
La première manifestation de cette doctrine est vestimentaire, mais cela peut descendre jusqu’à la position correcte pour dormir.
On distingue trois options dans le salafisme.
Il y a tout d’abord les quiétistes, qui, se concentrant sur la religion, veulent se retirer au maximum du monde pour se consacrer à Allah.
On pourrait les comparer aux amishs ou à certains ultraorthodoxes juifs.
Il y a les politiques, qui veulent peser sur le monde en entrant dans l’arène pour hâter l’état islamique, un peu comme le font les frères musulmans ou la moral majority chrétienne aux Etats-Unis.
Et il y a les plus connus, auxquels les salafistes sont souvent réduits : les terroristes, ceux qui veulent imposer leur loi par le fer et le feu et combattent au sens littéral du mot la mécréance sous toutes ses formes.
Malgré ces différences, il y a néanmoins une constante dans ces trois modèles, c’est la difficulté de cohabiter avec le monde qui les entoure, suscitant des frictions fréquentes et posant de véritables défis dans nos sociétés plurielles.
Les dernières années les ont en effet vu remporter d’importants succès un peu partout dans l’Oumma, où ils apparaissent pour beaucoup comme une sorte d’idéal, prescripteur de normes de vie.
Leur expansion est concomitante de l’importance du halal et de l'endogamie accrue qu'on peut tous constater.
2. Les soufis
Pour beaucoup de gens le soufisme est attaché une image orientaliste un peu réductrice : celle des derviches tourneurs, de leur vrai nom mevlevis, ces hommes habillés de blanc qui tournent sur eux-mêmes jusqu’à la transe et sont devenus une image d’Epinal de l’empire ottoman.
Au-delà de ce cliché, le soufisme est une branche ésotérique de l’islam sunnite.
Sans m’enfoncer dans la complexité foisonnante de leurs doctrines, j’ai retenu l’idée d’un chemin personnel vers Allah, d’une forme de renoncement aux aspects matériels du monde, un peu comme les sâdhus ou les moines mendiants, d’une initiation a des vérités cachées.
Pour atteindre leurs objectifs, les soufis utilisent plusieurs chemins, comme cette étrange danse, ou plus souvent une surenchère dans la prière et le jeûne.
Cet aspect mystique et ces pratiques un peu extrêmes les ont souvent rendus suspects à la fois auprès des autorités (la Turquie moderne les a un temps interdit) et des musulmans plus traditionnels.
On sait qu’aujourd’hui ils sont condamnés par les adeptes de l’islam littéraliste.
On sait aussi que cette variante de l’islam a fasciné plusieurs intellectuels occidentaux dont certains s'y convertirent, à l’instar de l'inclassable René Guénon.
Début: Orthodoxes et schismatiques (1) - Introduction
Précédent: Orthodoxes et schismatiques (8) - L'islam : introduction
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire