jeudi 5 septembre 2024

Chanson (9): La France éternelle

Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas vraiment rap, style dont la prégnance en France m'avait inspiré un de mes tous premiers posts.

Cette sous-culture, surtout dans sa version actuelle, a même beaucoup d'aspects qui me hérissent: virilisme machiste, homophobie, antisémitisme et racisme, glorification de la délinquance et du fric, bigoterie islamiste, américanophilie, crachat sur la France...

Je ne résume évidemment pas le rap à cette caricature. Même si tout cela existe hélas bel et bien, les variations sont aussi nombreuses que diverses.

Comme tout courant musical majeur, le rap a commencé underground, a touché de plus en plus de gens, s’est répandu, métissé, est sorti de sa zone d’origine, et a fini par arriver là où l’on ne l’attendait pas forcément.

Par exemple il y a MC Circulaire.

Ce Français rural est l’inventeur autoproclamé du "ploucsta rap", version aux thèmes campagnards de cette musique profondément urbaine.

Avec pas mal de dérision morbide, il chante la vie des zonards et des cassos de ces territoires dont personne ne parle.

C’est souvent trash et complaisant, et passé la curiosité de départ, çà peut être aussi lassant qu’un rappeur normal.

Néanmoins dans ses titres il y en a un qui a touché une fibre sensible en moi, intitulé La France éternelle.

Sur une musique assez poignante, le Vendéen dresse un portrait de ces gens que je connais bien, ou plutôt de la frange marginale de ces gens que je connais bien, ces sortes de white trash à la française, reliquats du monde paysan ou personnes coincées là pour une raison x ou y.

Au-delà de la caricature, je retrouve certains aspects de la vie dans ces endroits.

Le délabrement progressif de bâtiments qui sont abandonnés ou non entretenus, suivant l’implacable succession d'administrations, de gares et de commerces qui ferment un jour et ne rouvrent jamais.

La culture de l’alcool et de la bagnole, et les drames que le mélange des deux occasionne trop souvent.

Les réputations familiales séculaires, héréditaires et les haines qui vont avec.

Une forme de violence viriliste qui vient de très loin, porté par le goût de la chasse et de la baston.

Les mobylettes déglinguées et les véhicules hors d'âge qui continuent à rouler.

Les PMU désertés sauf par des vieux poivrots en pantoufles qui y tuent l'ennui en attendant la fin.

Justement ce désoeuvrement généralisé, autant lié à un chômage souvent élevé qu’aux difficultés de se déplacer et à une offre culturelle très maigre.
 
Le rythme de vie beaucoup plus lent, comme s'il fallait tout faire durer.

Et enfin cette idée de relégation et d’abandon, de ne pas compter, avec ce sentiment que rien ne changera jamais ou seulement pour aller vers le pire, cette idée de la fin lente mais inéluctable du hameau ou du village auquel on reste pourtant attaché.

En ce sens le vers final me parle beaucoup, j’aurais presque pu l’écrire, moi qui ai tant voulu fuir ma campagne et à qui elle manque si fort aujourd’hui.
 
"Tu dois t'dire qu'elle est moche, moi j'la trouve belle
J'la hais autant que j'l'aime, c'est la France éternelle"

 

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