C’est en regardant le polar Le môme, que j’ai entendu pour la première fois la voix d’Otis Redding. Je n’ai guère de souvenir du film, mais j’ai été immédiatement attiré par ce chanteur.
Ce dernier est un Afro-Américain dont le talent explosif fit date dans la soul music et dont la carrière fut tragiquement interrompue par un accident d’avion en 1967, alors qu’il n’avait que 26 ans.
Nul ne peut dire ce qu’aurait été la suite, mais sa voix et sa présence extraordinaires laissent imaginer des sommets, qu’hélas il n’aura jamais eu l’opportunité de gravir.
Otis Redding était par ailleurs souvent accompagné du groupe Booker T & The MGs.
Cette formation légendaire, outre son impressionnant talent (le célèbre Green Onions, c'est eux), présentait la particularité d'être composée de deux musiciens noirs et de deux autres blancs en pleine époque ségrégationniste, ce qui donnait mécaniquement une petite couleur politique à leur prestation.
Parmi tous les titres de la brève carrière d'Otis Redding, nombre sont devenus des classiques, mais pour moi se détache le fabuleux Try a little tenderness.
De cette reprise d’une chanson des années 30, le chanteur a fait une version extraordinaire.
Il l'interprétait magistralement en combinant les deux facettes de son talent: d'une part les balades mélodieuses et le côté crooner, et d'autre part les titres ultra rythmés, criés autant que chantés, morceaux d'émotion brute qui parlent avant tout aux tripes, en quasi précurseur de James Brown.
Pour se faire une idée de cette force d'interprétation il suffit d'écouter sa reprise du Satisfaction des Stones: sa puissance enfonce complètement le pourtant génial Mick Jagger.
Otis donnait l'impression de chanter comme on se bat, de tout donner sur scène, et les mouvements saccadés qui l'accompagnaient paraissaient une force irrépressible surgie du fond de son âme. En ce sens, le terme "Soul" music semble avoir été inventé pour lui.
(Peu de chanteurs ou chanteuses me donnent ce sentiment bouleversant).
Pour en revenir à Try a little tenderness, le titre commence par une petite phrase d’introduction aux cuivres, instruments centraux de ce style.
Il continue ensuite en douceur, sur un fond rythmique très discret, laissant au chanteur le loisir de montrer son savoir-faire vocal pour les ballades, sa voix émouvante dominant une orchestration qui se borne à ponctuer ses mots aux bons moments.
Puis au fur et à mesure que s’enchainent les couplets, le rythme se fait plus appuyé, les cuivres se font plus insistants, et Otis lâche sa voix, de plus en plus forte, de plus en plus marquée.
Il accélère, accentue ses phrases, arrive à la limite du cri, jusqu’à littéralement exploser à la fin, transformant le paisible appel du début en de véritables supplications, en imprécations.
Sa voix n’a pas une beauté académique, mais sa virtuosité et sa puissance me donnent à chaque fois la chair de poule.
Sur ce titre le chanteur semble complètement habité, on dirait qu’il met toute sa vie dans son micro, avec une énergie et une urgence qui me bouleversent. On a le sentiment qu’il se donne tout entier, et c’est tout simplement extraordinaire.
J'ai chois la video du festival de Monterey pour illustrer ce post. La légende dit que jouant pour la première fois devant un public plutôt hippie et à majorité blanc (ce qui à l'époque avait une signification très forte), il avait réussi à complètement conquérir l'assistance.
Je n’ai pour ma part aucune doute à chaque fois que je le regarde ou l’écoute, et s’il existait une machine me permettant de rejoindre ce concert, je signe sans hésiter pour l’utiliser.
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