lundi 9 juin 2025

Cinéma(29) : La fièvre du samedi soir

Voici pas mal d'années, j'ai regardé La fièvre du samedi soir.

Du fait du caractère hyper kitsch de la culture disco et de son côté iconique, je m'attendais à une comédie musicale ridicule et sucrée. J'en ai été pour mes frais: cela n'avait absolument rien à voir avec ça.

Bien sûr, le disco, dont le film a été un accélérateur de diffusion, est très présent, avec cette bande son entrée dans la légende, avec les incroyables fringues associées à ce mouvement et avec ces scènes culte où Travolta gagna ses galons de star mondiale de la danse.

Mais Saturday night fever ne se résume pas du tout à ça.

En fait, le réalisateur brosse le portrait d'un petit groupe de prolos new yorkais issus de la communauté italienne qui vivotent dans le coin, entre balades en bagnole et sorties le samedi soir au 2001, la discothèque où Toni, le personnage incarné par Travolta, est le roi de la piste.

Frimeurs, bagarreurs, plutôt racistes et homophobes, pourvus de parents globalement bigots et machos, on ne peut pas dire que ces jeunes soient particulièrement sympathiques.

Ils correspondent à un modèle NYC 78 de nos racailles de banlieue d'aujourd'hui.

Leurs virées ont un côté sordide, entre picole, moqueries des homosexuels ou supposés tels, insultes des noirs et latinos et baise express à tour de rôle sur la banquette arrière de la voiture du souffre-douleur de la bande, un jeune plus timoré, dont on se demande s'il n'est pas là que parce qu'il est justement motorisé.

On se rend vite compte que Toni, plus ou moins consciemment, étouffe dans cette vie.

Ses parents le prennent pour un bon à rien, ils le tiennent pour responsable de l'abandon de la prêtrise par son frère aîné jusque-là juché sur un piédestal, ils raillent ses tenues et l'augmentation minable que lui accorde son boss, etc.

En fait il aspire à autre chose, d'abord dans la danse, pour laquelle il a une véritable passion, mais pas que.

Cette envie de changement va se préciser lorsqu'il rencontre Stéphanie, une danseuse issue du même milieu que lui mais plus ambitieuse.

Cette dernière, même si elle accepte de participer avec lui au concours de danse du 2001, le prend tout d'abord de très haut, en lui balançant maladroitement des morceaux de "Culture" prédigérée, avant qu'il ne se rende compte qu'elle n'est pas ce qu'elle dit : elle fait semblant, elle s’invente une vie pour être admirée.

Ce démasquage et la succession de plusieurs événements un peu cruels vont pousser Toni à prendre conscience de la petitesse et des limites de son monde. 

Il y a le jour où la Marie-couche-toi-là de la bande s’effondre, laissant voir sa fragilité et à quel point elle est piégée dans ce rôle.

Il y a la descente violente et dangereuse que fait sa bande chez de jeunes latinos suite à l’agression d’un des leurs, avant que celui-ci ne leur avoue qu’il n’était même pas sûr qu’il s’agissait d’eux et qu’il ne les a désignés que par un raccourci raciste.

Il y a l'accident fatal du timide de la bande, qui après avoir tenté en vain d’attirer l’attention de Toni sur le drame qu’il est en train de vivre (il a mis enceinte une fille qu’il n’aime pas mais devra épouser), meurt en voulant faire le mariole sur un pont, comme ses amis.

Il y a enfin le fameux concours de danse, remporté par Toni face à un couple meilleur que lui mais qui a le malheur d’être composé de "métèques".

Toni pousse alors un coup de gueule contre ces faux-semblants et l'hypocrisie de ce concours truqué, et quitte la boîte furieux.

Après cette scène le film se termine de façon ouverte. On comprend que son héros a déménagé et qu'il démarre une nouvelle vie, pas forcément meilleure mais qui sera la sienne.

Au final, Saturday night fever c’est l’histoire d’un ado parti d’un milieu pas facile et qui grandit, au prix d’un inévitable reniement et de la mise de côté de ses pairs moins chanceux ou plus limités.

Ce message est universel est intemporel, bien au-delà des strass, des néons et de la musique des Bee Gees, et c’est sans doute le secret de son succès, plus que mérité.


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mercredi 4 juin 2025

Cinéma (28) : Le train sifflera trois fois

Si je fais partie des générations que le Far West a fasciné (Playmobils, BD, etc) je n'aime généralement pas du tout les westerns américains dits classiques.

On sait que les mythes associés à la conquête de l'Ouest ont été largement inventés par les migrants qui ont fait Hollywood et que la réalité était loin de la carte postale.

La Bible et le fusil, la sainte constitution, les hommes libres, les héros à la mâchoire serrée et à la chemise impeccable partis civiliser des terres sauvages en y massacrant les indigènes tous fourbes et cruels, l'esprit de la frontière et la destinée manifeste, tout ceci m'insupporte.

Je suis revenu de ma longue passion pour le monde amérindien, commencée avec les mystérieuses cités d'or, j'ai remis les gens, indigènes compris, à leur juste place dans un monde qui n'est pas noir et blanc, mais je continue à détester le colonialisme bien pensant qui est la toile de fond des vieux westerns.

Pourtant, le film dont je vais parler aujourd'hui est un western classique: il s'agit de High Noon, connu sous nos cieux sous le nom de Le train sifflera trois fois (joies de la traduction...).

Il a été tourné en noir et blanc en 1952 par l'émigré juif autrichien Fred Zinnemann, dont je ne connais pas grand-chose, et l'histoire qu'il raconte est aussi simple que forte.

Le héros est un shérif vieillissant incarné par Gary Cooper, qui vient de se marier avec une jeune quaker jouée par Grace Kelly.

Au début du film, il a prévu de rendre son étoile et de commencer une nouvelle vie, mais la nouvelle lui parvient qu'un homme qu'il a condamné par le passé a prévu de revenir en ville pour se venger, en s'accompagnant d'autres truands (parmi lesquels on compte le tout jeune Lee Van Cleef)

Par sens du devoir et malgré les supplications de sa femme, il décide de décaler sa démission et de faire face à cette situation.

Pendant toute la première partie on le voit tenter de recruter des aides parmi les hommes de la ville pour l'épauler, et ceux-ci la lui refuser à tour de rôle et pour diverses raisons.
 
Au final, c'est seul qu'il va affronter quatre hommes dans un combat où ses chances sont minces.

Il ne les vaincra que grâce à l'intervention inattendue de sa femme, qui met en pause ses convictions religieuses pour le sauver en abattant le dernier de ses adversaires.

Le film se termine par le départ du couple de la ville et la démission effective du shérif, qui part plein de mépris et de rancœur pour la lâcheté des habitants.

Les acteurs jouent remarquablement bien et la tension croissante est d'autant mieux rendue que le film est tourné en temps réel.

Le spectateur ressent ainsi l'angoisse de Gary Cooper tandis qu'approche l'heure où le train arrivera en gare pour le rendez-vous fatal et qu'il prend conscience du tragique de sa situation.

On dit que Le train sifflera trois fois fut tellement détesté par John Wayne, qui le qualifia de "non américain" et qui représente tout ce que je déteste dans le western classique, que celui-ci lui répondit avec le film Rio Bravo.

Personnellement je crois pourtant le premier bien plus réaliste que toutes les chevauchées héroïques auxquelles le duke a prêté sa silhouette.

Les humains sont généralement lâches, le sens du devoir est rare et plus encore le sont les gens prêts à mettre volontairement leur peau en jeu pour la justice, pour des principes ou simplement pour aider.

Et comme toutes les colonies ou les zones frontières l'Ouest étasunien était souvent un univers sans foi ni loi où tous les coups étaient permis et où seul le plus fort comptait.

L'autre message très fort du film est le reniement de la mariée quaker, quand influencée par l'ex-maitresse mexicaine du shérif, elle utilise à son tour une arme.

Ce passage est un moment bouleversant d'humanité car cette action qui va contre ses convictions est une preuve d'amour autant que de bon sens, une sorte d'antidote à cet héroïsme stupide autant exalté qu'il n'existe que rarement.

Le train sifflera trois fois fut un succès qui marqua beaucoup de gens (tout le monde n'est pas John Wayne) et l'expression to be high noon, qui signifie être seul face à une merde grave, viendrait de lui.

Il aurait aussi inspiré le film de SF qui m'a donné envie de le voir, Outland, où l'action est transposée dans une station minière dans l'espace et le shériff joué par Sean Connery.


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mardi 3 juin 2025

Chanson (29): Didi

Le style de musique algérien qu'on appelle raï est né dans la région d'Oran.
 
Chanté généralement en arabe dialectal, ses racines sont issues de la culture musicale du pays, auxquelles sont incorporées des influences extérieures, que ce soit en utilisant de nouveaux instruments comme les synthétiseurs ou en s'inspirant d'autres styles comme le funk, le disco ou le RnB, voire la variété française.
 
Dans les années 90, le raï est sorti de son pays pour partir à la conquête du monde. C’est via l’importante diaspora algérienne en France que cette musique s’internationalisa.
 
A cette époque il y eut en effet une sorte de moment raï dans notre pays, avec de nombreux titres qui passaient à la radio ou à la télé, des stars médiatisées, etc.
 
Ce tremplin hexagonal s’explique également pour une raison plus tragique. Ces années sont en effet aussi celles de la guerre civile qui déchira l’Algérie, dans la période qu’on connait désormais sous le nom de décennie noire. 
 
Elle démarra par l’annulation du premier scrutin démocratique depuis l’indépendance, le gouvernement FLN s’opposant à la victoire du FIS, l’alternative islamiste qui avait raflé la mise. 
 
A partir de ce moment-là, des groupes armés prirent le maquis et semèrent la terreur. Le pays sombra dans le chaos et le sang : tout ce qui était ou semblait lié à l’Occident était la cible de ces mouvements, mais également ce qui était considéré comme impie et non islamique. 
 
Parmi la très longue liste de choses et gens vérifiant ce critère, il y avait les chanteurs de raï, dont bon nombre traversèrent alors la Méditerranée pour ne pas finir égorgés.
 
De ce fait, la scène raï française s’enrichit, se structura et devint plus importante, avant de quitter sa niche pour un temps devenir mainstream. Et parmi les nombreux artistes qui percèrent à ce moment-là, il y avait Cheb Khaled, l'auteur du monumental titre Didi que je vais évoquer aujourd'hui.
 
Je n’étais pas du tout fan de raï à l’époque, aujourd’hui non plus d’ailleurs, mais c’est pour d’autres raisons que je voulais parler de ce tube, qu’avec le temps je me suis mis à aimer.
 
Khaled est un chanteur très expressif, à la voix puissante et selon ses pairs (notamment Jean-Jacques Goldman qui lui écrivit un de ses hits) un très bon musicien.
 
Dans Didi il chante avec passion ce qui semble une supplique amoureuse, accompagné par un orchestre qui souligne ses refrains avec éclat, mêlant instruments traditionnels et modernes dans un rythme balancé et très entraînant.
 
Dans le clip il est entouré de jeunes des deux sexes qui dansent : ces gens nous ressemblent et cette vidéo, plutôt banale en soi, respire l’hédonisme, la fête et la joie de vivre.
 
C’est cet aspect sur lequel je reviens, parce qu’avec le recul, on se rend compte que ce clip illustre une période disparue, celle où les peuples du Maghreb étaient plus proches de l’Occident, où l’islam était une religion plus qu’un mode de vie et où finalement un Algérien ressemblait simplement à un Italien ou un Corse qui ne mangerait pas de porc et ne boirait pas d’alcool.
 
La deuxième guerre d’Algérie s’est terminée par la défaite des maquis islamistes, dont les survivants furent invités à se rendre en échange d’une amnistie.
 
Ce fut une défaite militaire, mais une victoire idéologique, puisque beaucoup de choses changèrent durablement, dans la mesure où l’on assista à un virage très net dans l’idéologie et les modes de vie.
 
Le réveil islamique a fait que l’endogamie est devenue plus stricte, l’habillement, surtout féminin, plus halal, l’alcool plus clandestin, le sécularisme plus fragile avec une répression accrue des voix non musulmanes.
 
Et à partir de là, en écho avec leurs sociétés d’origine, les diasporas maghrébines ont changé à leur tour.
 
Ses membres ne sont désormais plus seulement les successeurs des Portugais, des Italiens ou des Polonais, mais également autre chose.
 
Ils sont l’enjeu d’une bataille entre deux modèles de société au pire incompatibles, au mieux franchement disjoints et dont les frictions sont quotidiennes dans tous les lieux où l’on cohabite, de l’école à l’hôpital en passant par la rue, les administrations ou le travail.
 
Quoi qu’il sorte de cette angoissante confrontation et des bouleversements que continuent de vivre les pays du Maghreb, rien n’est fatal ni écrit, et Didi en est un beau témoignage.

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vendredi 23 mai 2025

Musique (17) : Noir désir

Le chanteur Bertrand Cantat refaisant malgré lui l'actualité, suite au documentaire sur le meurtre de sa compagne de l'époque, je me suis retourné vers l'emblématique groupe de sa jeunesse, qui compta beaucoup pour moi: Noir Désir.

Je les ai croisés la première fois pendant mes années top 50, en 1989, grâce à leur hit Aux sombres héros de l'amer.

Le style un peu chanson de marin n'était pas mon truc, mais la voix puissante alternée avec un harmonica m'avait interpelé, et plus encore les paroles, leurs jeux de mots poétiques et les petites incursions d'anglais (sans doute incorrect d'ailleurs) dans le refrain.

La suite se produisit un peu plus tard, un mercredi après-midi, dans l'internat du lycée où je passais la semaine.

J'ai encore dans la tête l'image très nette du couloir vu de la chambre tandis que résonnait Sweet Mary dans une autre chambre.

J'ai été happé par le son, et épaté de voir un groupe chanter à la fois en français et en anglais (ce n'était pas encore la norme à l'époque).

Toujours à l'affut de nouveautés, je sus immédiatement qu'il me fallait mettre la main sur leurs oeuvres.

Quelques temps plus tard ce fut chose faite. J'avais réussi à récupérer une cassette copiée appartenant à la soeur d'un ami.

Sur cette bande, 90 minutes de Noir Désir, sans photo, sans titre, sans rien.

J'ai écouté cette cassette en boucle à l'époque, fasciné par le son rock brut, le chant shamanique de Cantat, les paroles ciselées et le mystère qui s'en dégageait.

Plus tard je découvris qu'il s'agissait des albums Veuillez rendre l'âme (à qui elle appartient) et Du ciment sous les plaines, mais ça resta longtemps à peu près tout ce que je savais d'eux.

Devenu étudiant, je me procurai leur premier opus Où veux-tu qu'je r'garde?, mini-LP au son quasiment new wave et je convertis à Noir Désir l'un de mes meilleurs amis, avec lequel nous nous sommes jetés sur Tostaky dès sa sortie.

Cet album fut pour Noir Désir celui de la vraie consécration. Le hit éponyme s'entendait partout, et je commençais à voir à quoi ressemblaient les gens du groupe, même s'ils restaient très discrets dans les medias.

Ainsi comme pour d'autres artistes, notamment Thiefaine, je connus l'oeuvre bien avant les interprètes, et finalement je me dis que ça donnait une autre dimension aux choses et que ça permettait d'aller à l'essentiel.

Ca fait un peu vieux con, mais aujourd'hui tout cela parait tellement improbable, à l'heure où en deux clics on trouve tout sur tout.

Pour en revenir à Tostaky, ce n'était pas mon album préféré. Je crois que c'était surtout le son limite grunge et un peu trop saturé qui le mettait pour moi un cran en dessous des précédents.

Je l'écoutais toutefois beaucoup et j'achetai aussi son successeur, 666.667 Club, dès sa sortie.

Musicalement ce dernier était à nouveau différent, avec le début d'une ouverture sur d'autres styles, et sur cet aspect il s'avéra être plus à mon goût. En revanche, l'aspect engagement politique était plus prégnant et commençait à m'agacer un peu.

Ce trait fut encore accentué sur leur dernière oeuvre, Des visages des figures, album étonnant où le groupe partait dans d'autres horizons, reprenant Ferré, invitant des musiciens d'Europe de l'est, pondant un étrange duo d'une vingtaine de minutes avec Brigitte Fontaine... C'est aussi de celui-ci qu'est issu leur plus grand hit, Le vent nous portera.

Ce n'est qu'en 2001 que je réussis enfin à les voir sur scène, aux Vieilles charrues et...j'avoue que je fus déçu.

En attendais-je trop?

Était-ce un mauvais jour?

Quelque chose ne se passa en tout cas pas pour moi et ce n'est pas le groupe qui me marqua le plus dans ce festival (et en plus je pris un pain de la part d'un fan pogoteur crétin), alors qu'ils étaient réputés pour la scène.

Puis en 2003 se produisit le drame de Vilnius, quand Bertand Cantat assassina sa compagne d'alors, l'actrice Marie Trintignant pour laquelle il venait de quitter femme et enfants et qu'il avait suivie sur un tournage en Lituanie.

Cet horrible fait divers, qui nous stupéfia, sonna le glas de Noir Désir, qui se mit en suspens pendant la peine de prison de son chanteur, avant de dissoudre peu de temps après sa libération.

Cantat poursuivit ensuite sa carrière, dans d'autres groupes et/ou en solo, scandalisant tous ceux qui trouvaient qu'il n'avait pas payé assez cher pour son meurtre ou simplement ceux qui trouvaient ça indécent.

Le guitariste Serge Teyssot-Gay fonda un duo inattendu avec l'oudiste syrien Khaled Aljaramani dans le groupe Interzone que j'eus l'occasion de voir sur scène.

C'était dans une toute petite salle de province et je reconnais avoir passé un moment assez magique avec cette atmosphère mi-rock mi-orientale.

Pour les autres membres du groupe, je ne sais pas ce qu'ils sont devenus, mais d'une manière générale, même si comme beaucoup d'amateurs de Noir Désir, je me suis senti un peu orphelin quand ils se séparèrent, je passai vite à autre chose.

En les réécoutant aujourd'hui, en prenant le temps de découvrir les multiples vidéos de concert, d'interviews ou de prise de parole du groupe, j'ai eu envie de faire une sorte d'inventaire de mes années Noir Désir et de ce que je trouvais chez eux.

D'abord si leur musique était brute et loin de la virtuosité de ce que j'aimais généralement à l'époque, elle se mariait très bien avec la voix puissante et chaude et les cris de shaman morrisonniens de Cantat.

Ensuite le groupe évoluait à chaque nouvel album, presque toujours différent du précédent: le style changeait, le son se transformait, d'autres instruments s'invitaient. 

Et puis aussi et surtout c'était un groupe de rock français, avec des paroles toujours très travaillées, pleines de jeux de mots et d'images, de références littéraires et culturelles.

Et enfin l'esprit sans concession qui émanait d'eux parlait à l'adolescent épris d'absolu que j'étais.

Leur look épuré, leur discrétion médiatique, le mystère qu'ils entretenaient donnaient presque le sentiment d'être membre d'un club d'initiés.

Bref, avec Noir Désir, j'avais le sentiment que je tenais enfin mon mouton à cinq pattes, un groupe qui faisait la synthèse entre mon goût pour la culture et la langue de mon pays et le rock anglo-saxon que j'aimais, avec en plus cette ouverture sur le large, cette sorte d'esprit américain qui soufflait sur leurs morceaux.

Bien sûr, tout cela était un regard d'ado. 

En vieillissant, et indépendamment de la fin tragique du groupe, je finis par voir ce que Noir Désir pouvait avoir de pose, de caricatural.

Il y avait d'abord cet engagement politique de plus en plus marqué à partir de Tostaky, avec tous les cliché de l'extrême gauche.

La nostalgie du bloc de l'Est et le fétichisme pour les révolutionnaires sudaméricains (tout ça depuis Paris bien sûr).

Les prises de position faciles comme l'accusation de Jean-Marie Messier, PDG de leur maison de disques (sans qu'ils aillent pour autant chez Boucherie Production par exemple).

La glorification du cosmopolitisme et la dénonciation des méchants fachos en faisant appel à Charlie hebdo qui voulait interdire le FN (ironiquement ce n'est pas le FN qui a tué Charlie)

Etc.

Il y avait aussi l'originalité qui n'en était pas tant que ça, notamment quand j'ai découvert leur sources d'inspiration américaines type The gun club.

Tout cela m'avait déçu, un peu comme quand on se rend compte que sans son maquillage et sa gaine, sa copine n'est pas le magnifique top model qu'on croyait, même si elle est belle.

Cette déception était bien sûr tout aussi idiote.

D'abord les "modèles" américains ont eux-mêmes des influences et ne naissent pas de rien, et qu'ils inspirent la "copie" n'enlève rien au talent de celle-ci, qui n'en est évidemment pas une.

Ensuite, il y a cette indéniable plume, avec ces influences originales et ces textes poétiques et évocateurs qui sont pour le coup une vraie VF.

Quant à l'engagement à l'extrême gauche...jusqu'à une date récente c'était quasiment un prérequis dans le monde du rock voire dans la musique tout court (rappelons-nous le commentaire aussi sectaire que débile de Juliette Armanet sur un des plus grands hits de Sardou car "à droite").

Bref, il est aussi absurde de sacraliser Noir Désir que de le descendre: Cantat est un chanteur d'exception, le groupe était très bon et son succès mérité.

Mais quand je réfléchis, ce que je trouve le plus daté aujourd'hui, et peut-être ce qui m'avait refroidi aux vieilles charrues, c'est le sérieux de Noir Désir.

Ils n'ont pas l'autodérision qu'on peut trouver chez un Renaud pourtant au moins aussi engagé qu'eux.

Et malgré une présence très forte et un don total sur scène ils n'ont pas le côté hédoniste et populaire de ces prédécesseurs dans le Panthéon du rock français que sont Téléphone et Johnny Hallyday.

Chez eux on est avec des gens qui ne plaisantent pas, qui ont une mission, un statut.

Finalement, c'est plutôt cet espèce d'esprit-là qui m'a éloigné de Noir Désir, cette même impression que j'ai pu ressentir en voyant Miossec ou Thiefaine sur scène.

Ca rejoint mon post sur C. Jérôme, ce chanteur populaire à l'autre bout du spectre dont la démarche était tout simplement de donner du plaisir à son public: je me rends compte que c'est quelque chose que je recherche.

Ceci dit, je conclurai quand même en rappelant que Noir Désir est un groupe majeur, à l'originalité certaine et que j'ai adoré.

Je connais encore par coeur une partie de leur chanson et Veuillez rendre l'âme fait indéniablement partie des albums que j'emmènerais avec moi sur l'île déserte.

Quelques titres de plus:

- La chaleur (1989)

- Ces gens-là (2005), magnifique reprise de Jacques Brel

- Charlie (1991)

- Lazy (1996)

- Long time man (1993), une reprise qui donne un aperçu de leur incroyable présence scénique 

- Marlene (1992)

- No no no (1991)

- One trip one noise (1992)

- Toujours être ailleurs (1987)

- What I need (1989)


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dimanche 18 mai 2025

Chanson (28): The cold song

J'aime beaucoup le cinéma de Maurice Pialat, dont je me souviens avoir vu il y a longtemps son A nos amours

Je ne me rappelle plus trop de l'histoire, mais je sais que ce film m'avait laissé une impression de tristesse.

Les acteurs y jouaient très bien, notamment la lumineuse Sandrine Bonnaire et le tout jeune Cyril Collard, et aussi Dominique Besnehard, plus connu par la suite pour son rôle d'agent et de découvreur de talents.

Et surtout il y avait la chanson qui clôturait le film, Cold song, interprétée par Klaus Nomi.

Un de mes amis m'avait parlé de cet étrange chanteur allemand, venu de l'opéra pour aller faire de la pop et du rock avant de mourir tragiquement du SIDA en 1983, faisant partie des premières victimes de l'épidémie, mais je n'avais jamais écouté jusque-là. 

Il s'avère que cette chanson est en fait une adaptation de l'oeuvre d'Henri Purcell, un compositeur anglais du 17ième siècle, et plus précisément issue d'un opéra qu'il avait consacré au roi Arthur et achevé en 1691.

Etant ignare en musique classique et pas du tout amateur d'opéra, je ne saurais juger la qualité ou la notoriété de ce musicien, mais la reprise de Nomi est magnifique.

Sur une musique lente et mélancolique, portée par une instrumentation un peu ancienne (j'ai l'impression qu'il y avait du clavecin ou de l'épinette), le chanteur vient scander des phrases courtes et rythmées de manière saccadée, un peu comme un hoquet ou un sanglot.

Sa voix extraordinairement puissante donne l'impression d'être lointaine, elle est aussi glaciale qu'éclatante, un peu comme un cuivre, et donne un indicible sentiment d'angoisse, de tristesse et de fatalité.

Au fur et à mesure que le morceau avance, on est happés par la sorte de supplication déchirante à laquelle on assiste, jusqu'au paroxysme, lorsque tout finit sur une note tenue très longtemps, comme une conclusion désespérée.

Les paroles de The cold song sont en anglais, mais je n'ai jamais cherché à en comprendre le sens, la puissance de ce morceau s'en passant très bien, et l'interprétation bousculant quoi qu'il arrive.

J'ai essayé par la suite d'écouter d'autres morceaux de Klaus Nomi mais je n'ai accroché à rien d'autre qu'à ce titre d'anthologie.

Petite anecdote pour finir: le côté théâtral de cette chanson était renforcé par le look de cet étrange chanteur, qui se maquillait et s'habillait dans un costume qui tenait du clown, du noble espagnol du 15e siècle et de l'extraterrestre, et qui était très réussi puisqu'il terrorisait mes enfants (!).


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samedi 17 mai 2025

Réflexions sur la démographie (7): Evolutions de la famille (4) - La fin des cousins

Mon père est enfant unique, issu d'une mère qui l'était aussi et d'un père qui n'avait qu'une sœur, partie de la région à son mariage.

J'ai grandi dans son village natal, et donc au sein d'une famille nucléaire assez réduite.

Ma famille maternelle, en revanche, est plutôt grande. Mon grand-père avait deux frères et ma grand-mère trois. Ces sept personnes ont eu une bonne vingtaine d'enfants, lesquels en ont eu rarement moins de trois ou quatre.

Du coup ma génération comporte treize cousins germains, nés sur une grosse décennie, ainsi qu'un nombre plus que respectable de petits-cousins.

Les membres de cette famille vivaient tous loin de ma campagne, à l'exception de ma grand-mère maternelle qui habitait tout près de chez moi.

Cette dernière était l'une de ces matriarches à l'ancienne qui faisait le lien entre tous et n'aimait rien tant que d'inviter les gens dans sa grande maison, de s'enquérir des uns et des autres, de présider de grands repas, etc.

Du coup, grâce à elle, j'ai croisé durant mon enfance des gens de toute sorte: ils étaient grands bourgeois ou marginaux, ébéniste, artisan, pasteur, médecin, imprimeur, éducateur social, cadre chez Air France, directeur de maisons de retraite, concierge/homme à tout faire, compagnon menuisier, maître d'hôtel, j'en passe et des meilleurs.

Eux-mêmes ou leurs conjoints étaient suisse, égyptien, marocain, tunisien, versaillais, nîmois, lillois, pied-noir, périgourdin...ils avaient des accents et des trognes variées, des vies très différentes, mais partageaient tous un point commun: ils étaient de ma famille.

J'aimais beaucoup ces rencontres, les grandes tablées sous la tonnelle, les parties de pétanque, les jeux avec les enfants dans le jardin ou autour d'une table, les histoires qu'on me racontait.

Pendant ces années j'ai aussi vu quantité de bébés, je me suis frotté à des enfants plus petits ou plus grands que moi, des ados, des vieillards. Je me suis disputé, amusé, j'ai eu des béguins, des cadeaux, j'ai été triste, etc.

Cette introduction assez personnelle me permet de revenir sur mon sujet, la famille, et tout ce vécu qui m'est revenu en lisant un article de The Atlantic, intitulé The great cousin decline.

Son auteure insistait sur un aspect peu souvent évoqué quand on parle des changements démographiques et de la baisse de fécondité, à savoir la disparition des cousins.

On peut effectivement dire que le modèle de famille nombreuse et élargie que j'ai connu, largement répandue pendant longtemps, est devenu beaucoup plus rare, surtout chez les Français de souche.

Aujourd'hui on a peu d'enfants, quand on en a, et on les a plus tard et pas forcément avec la même personne.

La majorité de ma génération n'a qu'un frère ou qu'une soeur, et il est fréquent que l'un des deux seulement ait des enfants.

Du coup mécaniquement, le nombre de cousins est lui aussi en chute libre.

Si je continue avec mon exemple, mes trois frères ont eu cinq enfants et mon beau-frère deux: on est passés d'une génération de treize cousins germains à une de neuf, soit une baisse de vingt-cinq pour cent.

C'est néanmoins un assez beau score, si je compare avec beaucoup d'enfants de l'âge des miens, qui eux n'ont qu'un ou deux cousins, voire aucun.

L'auteure soulignait aussi le rôle que pouvaient avoir ces parents d'un type particulier puisqu'à la fois proches, car liés par le sang et les réunions de famille, et lointains, parce que leurs vies divergent.

En fait, être cousins force des gens qui sont de milieux, de villes ou mêmes de pays très différents à se croiser et à interagir, à rebours de la tendance naturelle de la vie qui amène la plupart des gens à restreindre leur horizon sur leur quartier, leur CSP ou leur communauté.

Mon cas illustrait très bien cela: je me suis rétrospectivement rendu compte que mon expérience familiale avait été pour moi une vraie fenêtre sur le monde et qu'elle m'en a montré assez tôt la diversité, ce qui n'allait pas de soi dans mon coin de cambrousse isolé.

Je me suis d'ailleurs demandé quelle image pouvaient avoir tous ceux qui m'avaient croisé et si j'étais leur seule rencontre de fils de paysan.

Une autre façon de vivre le cousinage, c'est quand les membres d'une même famille restent physiquement proches les uns des autres, comme souvent dans les milieux plus modestes où l'on bouge moins.

On grandit alors avec le cousin qui se situe quelque part entre le frère et le pote, qui est un obligé qui va vous aider et qu'on devra aider quels que soient ses sentiments.

Ce lien peut d'ailleurs être une force, que ce soit pour la solidarité dans une entreprise familiale (ou criminelle), pour se donner des coups de main ponctuels, pour soutenir un parent en mauvais état ou tout simplement pour se faire respecter physiquement dans la rue ou au collège.

Dans beaucoup de sociétés, notamment musulmanes, les cousins sont également le vivier dans lequel on puise pour trouver les conjoints de ses propres enfants.

Au final, cette disparition des cousins est un signe de plus de l'atomisation de nos sociétés, où chacun est plus seul dans une famille plus verticale qu'horizontale, avec des ascendants et d'éventuels descendants mais peu de gens de la même génération.

Et ce phénomène augmente sans doute aussi la tendance très contemporaine à se regrouper exclusivement entre pairs, sans contact avec d'autres milieux.


Début: Réflexions sur la démographie (1): Introduction

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Comme ils disent (1)

Aujourd'hui je vais évoquer le sujet de l'homosexualité.

Entre les gay prides officialisées, le mariage homo légalisé, les coming out -volontaires ou forcés- dans tous les partis, de Philippot du RN à Delanoe du PS en passant par le macroniste Attal, les dizaines d'artistes qui assument ouvertement leur orientation, les combats LGBTQIAA++ où le G semble s'effacer face aux dites nouvelles sexualités, on pourrait penser que la discussion est close, que tout est réglé dans la question gay.

Ce n'est à mon avis pas le cas, et cela ne l'a certainement pas été pendant fort longtemps, à commencer par ma jeunesse.

Je ne sais plus quand j'ai appris l'existence de l'homosexualité mais c'était sans doute assez jeune, ne serait-ce que pour décrypter l'insulte PD, tellement commune quand j'étais enfant.

Tout garçon qui n'était pas assez mâle y avait en effet droit: les pleurnicheurs, les sensibles, ceux qui s'intéressent plus à la lecture qu'au foot, les efféminés, etc.

Je ne pense pas que les insulteurs aient réellement été homophobes au sens où ils auraient voulu exterminer les homosexuels, ni même qu'ils aient cru que ceux qu'ils insultaient l'aient été.

Mais traiter quelqu'un de PD était une humiliation, une marque d'infamie, et l'insulte était utilisée dans ce but.

Riad Sattouf le rappelle très bien dans ses livres aussi cruels que réalistes sur l'adolescence: les PD étaient le groupe des losers, des gars un peu minables et impopulaires, ceux qui devaient se garer quand arrivaient les stars et les dominants.

Du fait de cette ambiance, j'ai sûrement croisé des homosexuels, mais qui ne l'assumaient et préféraient probablement se cacher.

Signe que les temps ont changé, le village de mes parents s'est à moitié vidé de sa population (300 habitants quand j'y vivais), mais il comprend aujourd'hui au moins trois couples homosexuels déclarés, dont deux de lesbiennes.

Çà m'a fait pensé aux demoiselles, comme on appelait deux dames de la commune qui vivaient ensemble lorsque j'étais enfant.

Je n'y prêtais alors pas attention, mais aujourd'hui je me demande ce qu'il en était réellement de leur relation: il est tout à fait possible qu'elles aient été un couple homosexuel clandestin. 

Mais comme le dit ma famille ce n'était pas un sujet qu'on évoquait.

Dans mon lycée, il y eut aussi une histoire un peu sordide à l'internat. Deux garçons avaient été pris en flagrant délit, je n'ai jamais vraiment su de quoi exactement mais c'était clairement sexuel.

Ils avaient été exclus quelques jours et fini leurs scolarités là-bas avec l'étiquette PD gravée au fer rouge.

Je connus assez bien l'un d'entre eux, avec qui je n'évoquai jamais le sujet mais qui s'intéressait énormément aux filles et pour lequel je pense que cette histoire relevait de l'homosexualité dite de circonstance.

J'entends par là celle qu'on peut trouver à l'armée, dans les prisons, les bateaux ou justement les internats, quand privés de conjoints, les gens soulagent leur libido par des relations du même sexe.

Plus tard il y eut un étudiant de ma promo de fac, qui cochait toutes les cases du cliché et l'était réellement, mais je ne l'ai su que longtemps après avoir fini mes études. 

En tout cas, durant toute cette époque, c'est-à-dire quasiment mes 25 premières années, je ne rencontrai pas d'homo affirmé.

De ce fait, ils étaient un peu mythifiés.

On considérait souvent l'homosexualité comme une maladie, ou une perversion qu'il fallait condamner, souvent pour des motifs religieux et/ou moraux.

L'archétype de la folle faisait aussi beaucoup rire et on le rencontrait un peu partout.

Au cinéma il y avait la mythique Cage aux folles avec son Serrault survolté ou le Super résistant joué par Martin Lamotte dans Papy fait de la résistance.

A la télé on avait le Michou Bidou des émissions de Collaro et les sketches type le gay paysan de Michel Leeb.

Dans le cinéma franchouillard et notamment les films de bidasses, il y avait toujours une folle, un type généralement lascif, hystérique et maniéré.

Mais au final l'homo n'était jamais vu comme quelqu'un de normal.

On en riait, on pouvait lui pardonner, mais il devait rester à sa place, entre l'handicapé et le noir pour forcer le trait.

Je me souviens avoir commencé à me poser des questions plus sérieuses lors des paniques autour du SIDA, qui m'avaient beaucoup impressionné et mis les homosexuels en avant, souvent pour les accuser d'ailleurs (rappelons-nous des sinistres sidatoriums de Le Pen père).

Puis arriva le PACS, ce contrat de concubinage qui était aussi valable pour les couples homosexuels.

A cette occasion je découvris un peu plus l'histoire des homosexuels, leur longue pénalisation et l'accès récent à une majorité sexuelle alignée sur les autres (1981), le tribut qu'ils payèrent au SIDA, leur nombre aussi, notamment chez les artistes.

C'est peu après cette époque que j'ai rencontré mon premier véritable homo (expression étrange).

Je prenais le train tous les jours avec lui pour aller travailler et nous avions fini par sympathiser.

C'est justement en évoquant mon opposition au PACS (je trouvais un peu con de créer un énième statut plutôt que de généraliser le mariage) qu'il me confia être PACSé.

Quand je lui demandais pourquoi il ne s'était pas plutôt marié qu'il me dit que c'est parce qu'il était avec un homme.

Je me souviens d'un blanc, auquel il devait être habitué, et puis nous avons continué à discuter régulièrement.

Lui n'avait rien d'une folle, il aimait un peu s'écouter parler, mais au final, comme le dit Khojandi dans son excellent sketch sur le sujet, il était comme tout le monde.

Peu à peu les mœurs changeant, j'ai rencontré d'autres homos qui ne se cachaient pas, généralement sans en faire un combat. C'était surtout des hommes, j'avais l'impression que les coming out lesbiens étaient plus rares.

Le mariage pour tous fut une autre étape marquante.

Il montra à la fois la permanence de réticences vis-à-vis de l'homosexualité (souvenons-nous de la manif pour tous), et une plus grande acceptation puisque la loi est quand même passée.

Une fois cette étape franchie, on put néanmoins penser que les homos étaient désormais acceptés et fondus dans le paysage.

Si je reprends mon exemple, un bon ami à moi est homosexuel, plusieurs collègues le sont également, ainsi qu'un couple de voisins avec deux enfants.

Certains sont de droite, d'autres de gauche, certains aiment les huîtres ou les grosses bagnoles, croient ou non en Dieu, aiment le footing, etc.

Ce serait malheureusement trompeur de penser que tout est réglé.

Dans le monde, les homosexuels sont très souvent officiellement discriminés sinon réprimés, certains pays allant jusqu'à la peine de mort.

Ce n'est pas le cas en France, mais les gays y font toujours l'objet de rejets, notamment chez les immigrés et les religieux, ces rejets pouvant aller jusqu'à l'agression et au meurtre.

Sans compter que, comme pour le racisme, un certain activisme identitaire a poussé la lutte jusqu'à l'absurde, générant des rancoeurs qui s'exprimeront tôt ou tard.

L'hégémonie wokiste des dernières années a ainsi été exploitée sans vergogne par certains pour leur ascension, un peu comme il y a des juifs qui instrumentalisent honteusement la Shoah pour leurs propres intérêts.

Et comme ces derniers ont finalement revivifié un antisémitisme qui n'attendait que ça, les excès LGBT pourraient bien entrainer un jour un retour de bâton. Les actions du gouvernement américain actuel en donnent une idée.

C'est en ce sens que je dis que le chapitre n'est pas clos. Le sera-t-il jamais d'ailleurs? 

Je pense qu'on peut juste souhaiter très fort la poursuite de la banalisation de l'homosexualité et la réduction des inévitables extrémismes aux marges de la société.

Espérons aussi que les débats nécessaires sur la parentalité ou la GPA aboutiront dans la sérénité, que les dogmes religieux feront une juste place aux homosexuels et que les militants sectaires accepteront qu'il y ait des limites et admettront qu'haïr la différence c'est condamnable dans les deux sens.

On n'est donc pas au bout. Les dynamiques ne vont pas toujours dans le sens souhaité, mais en Occident il y a bel et bien un monde gay qui est sorti du placard, composé de gens dont la sexualité est une facette parmi d'autres mais qui ont inventé une sous-culture.

J'évoquerai ce que je connais de cette dernière dans un prochain post.