jeudi 26 septembre 2024

Chanson(11): Try a little tenderness

C’est en regardant le polar Le môme, que j’ai entendu pour la première fois la voix d’Otis Redding. Je n’ai guère de souvenir du film, mais j’ai été immédiatement attiré par ce chanteur.

Ce dernier est un Afro-Américain dont le talent explosif fit date dans la soul music et dont la carrière fut tragiquement interrompue par un accident d’avion en 1967, alors qu’il n’avait que 26 ans.

Nul ne peut dire ce qu’aurait été la suite, mais sa voix et sa présence extraordinaires laissent imaginer des sommets, qu’hélas il n’aura jamais eu l’opportunité de gravir.

Otis Redding était par ailleurs souvent accompagné du groupe Booker T & The MGs.

Cette formation légendaire, outre son impressionnant talent (le célèbre Green Onions, c'est eux), présentait la particularité d'être composée de deux musiciens noirs et de deux autres blancs en pleine époque ségrégationniste, ce qui donnait mécaniquement une petite couleur politique à leur prestation.

Parmi tous les titres de la brève carrière d'Otis Redding, nombre sont devenus des classiques, mais pour moi se détache le fabuleux Try a little tenderness.

De cette reprise d’une chanson des années 30, le chanteur a fait une version extraordinaire.

Il l'interprétait magistralement en combinant les deux facettes de son talent: d'une part les balades mélodieuses et le côté crooner, et d'autre part les titres ultra rythmés, criés autant que chantés, morceaux d'émotion brute qui parlent avant tout aux tripes, en quasi précurseur de James Brown.

Pour se faire une idée de cette force d'interprétation il suffit d'écouter sa reprise du Satisfaction des Stones: sa puissance enfonce complètement le pourtant génial Mick Jagger.

Otis donnait l'impression de chanter comme on se bat, de tout donner sur scène, et les mouvements saccadés qui l'accompagnaient paraissaient une force irrépressible surgie du fond de son âme. En ce sens, le terme "Soul" music semble avoir été inventé pour lui.

(Peu de chanteurs ou chanteuses me donnent ce sentiment bouleversant).

Pour en revenir à Try a little tenderness, le titre commence par une petite phrase d’introduction aux cuivres, instruments centraux de ce style.

Il continue ensuite en douceur, sur un fond rythmique très discret, laissant au chanteur le loisir de montrer son savoir-faire vocal pour les ballades, sa voix émouvante dominant une orchestration qui se borne à ponctuer ses mots aux bons moments.

Puis au fur et à mesure que s’enchainent les couplets, le rythme se fait plus appuyé, les cuivres se font plus insistants, et Otis lâche sa voix, de plus en plus forte, de plus en plus marquée.

Il accélère, accentue ses phrases, arrive à la limite du cri, jusqu’à littéralement exploser à la fin, transformant le paisible appel du début en de véritables supplications, en imprécations.

Sa voix n’a pas une beauté académique, mais sa virtuosité et sa puissance me donnent à chaque fois la chair de poule.

Sur ce titre le chanteur semble complètement habité, on dirait qu’il met toute sa vie dans son micro, avec une énergie et une urgence qui me bouleversent. On a le sentiment qu’il se donne tout entier, et c’est tout simplement extraordinaire.

J'ai chois la video du festival de Monterey pour illustrer ce post. La légende dit que jouant pour la première fois devant un public plutôt hippie et à majorité blanc (ce qui à l'époque avait une signification très forte), il avait réussi à complètement conquérir l'assistance.

Je n’ai pour ma part aucune doute à chaque fois que je le regarde ou l’écoute, et s’il existait une machine me permettant de rejoindre ce concert, je signe sans hésiter pour l’utiliser.
 

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mercredi 25 septembre 2024

Kaizen, les youtubeurs et moi

Mes fils, comme la plupart des jeunes de leurs générations, passent une énorme partie de leur temps en ligne.

Et moi, comme la plupart des parents, j’essaye de limiter ce temps et de les pousser à sortir, à se frotter au monde physique, à exister IRL aussi.

Tant qu'ils ne se ferment pas complètement sur leurs téléphones (ce n'est pas le cas), je ne suis pas inquiet outre mesure.

D’une part je me rappelle des polémiques de ma propre enfance sur la télé et d'autre part je me dis que si l’on n'a pas accès à n’importe quoi chez soi on y aura de toute façon accès ailleurs.

Du coup je pars du principe qu’à moins de devenir un père garde-chiourme, ce qui n'est pas meilleur pour le développement que l'hyper laxisme, je peux contrôler le temps qu’ils passent connectés mais guère le contenu de ce qu'ils regardent : il vaut donc mieux que je m’y intéresse pour accompagner et éventuellement expliquer.

C’est dans cette démarche que j’ai découvert le monde des influenceurs/youtubeurs.

J'ai ainsi connu Cyprien, Norman, Squeezie, Natoo, Michou, Le bouseux, Tibo In Shape, Léna Situations, Mister Beast, Jean-Fils, Enjoy Phenix et tant d'autres.

Le dernier en date est Inoxtag, dont mon second fils est un grand fan, et c’est son long métrage à succès, Kaizen, qui m’a inspiré ce post.

Pour les gens de ma génération et moi, qui avons vu le web se développer, les youtubeurs (on dit aussi vidéastes je crois) représentent une sorte d'aboutissement d'années d'évolution dans les medias.

Nous avons toujours connu les animateurs stars, radio ou télé, les monteurs de court métrage et les publicitaires, ainsi que les héros de séries.

Nous sommes également familiers de longue date avec les "people", ces gens qui semblent être célèbres parce qu'ils sont célèbres sans qu'on sache vraiment pourquoi et comment.

A leur suite, nous avons vu naitre la téléréalité, avec ses stars dont on ne comprend pas toujours très bien en quoi consiste le rôle qu'elles jouent et ce qu'elles font.

Nous avons également vu les usages du net évoluer, avec les blogs et les vlogs, mi travail créatif/documentaire mi journaux extimes, puis l'émergence des sociabilités en ligne avec les forums et les réseaux sociaux.

Nous avons enfin assisté au boom des smartphones, avec une connexion devenu illimitée, permanente et bon marché, et la photo et la vidéo accessibles à tous et tout le temps.

Les youtubeurs sont en quelque sorte issus d'une convergence de tout cela.

Ces gens créent en continu du contenu sur YouTube, dans le but d'agréger des communautés de fans qui les suivent et d'en générer un revenu, la plate-forme les payant selon certains critères, parfois parfaitement arbitraires (comme les opinions politiques), plus généralement financiers et liés à l'audience: ICI un descriptif intéressant de ce fonctionnement.

Publier sur YouToube est plutôt simple, mais il est très difficile d'y accrocher l'attention et encore plus d'y durer.

Beaucoup font dans l'humour, certains se spécialisent dans tel ou tel domaine, y devenant parfois très pointus (ainsi l' excellent arkeotoys sur le monde des jouets, de l'animation et des séries, ou la myriade de players de Fortnite et autres jeux en ligne), d'autres jouent la carte de la mode, du sexy, du trash.

Évidemment beaucoup de "vieux cons" critiquent cette nouvelle catégorie d'activité, avec la même absence de nuance que jadis leurs parents sur les nouveautés de leurs propres jeunesses.

Je me souviens ainsi de Thierry Ardisson, un des ex-rebelles de la télé, en train d'assassiner Squeezie en direct avec la fatuité des gens établis, évoquant irrésistiblement les bourgeois de Brel.

Je ne le suivrai pas dans cette facilité prétentieuse, mais il est clair que pour moi qui suis introverti et qui ai tendance a séparer mes vies, ces gens qui se montrent dans leurs intérieurs, qui parlent en ligne de leurs amis, famille, activités et opinions et qui semblent perpétuellement se mettre en scène me mettent mal à l'aise.

En même temps, est-ce qu'ils ne sont pas l'aboutissement logique de la montée de l'individualisme et du développement personnel qui sont les caractéristiques majeures de nos sociétés modernes depuis tant d'années?

Nos jeunes sont moins nombreux, plus désirés, plus seuls, plus accompagnés et infiniment plus contrôlés que toutes les générations qui les ont précédées.

De plus, ils sont depuis leur naissance habitués à être photographiés et filmés en permanence, et à être toujours entourés de plus d'adultes que de gens de leur âge.

Du coup les choses n'ont sans doute pas la même signification pour eux que pour nous qui avons grandi dans un monde où miroirs et photos étaient plus rares, les parents généralement plus lointains et surtout qui étions déconnectés toute notre jeunesse de la toile omniprésente.
 
Pour en revenir aux youtubeurs proprement dits, le marché où ils évoluent reste un marché. Il est extrêmement compétitif, tributaire des modes et des réputations.

Chaque vidéaste est un produit, une marque qui doit se vendre. Pour ça il leur faut avoir une actu à tout prix, et une actu qui attire.

Dans ce contexte des "clash" réguliers sont un moyen d'attirer l'attention et les indispensables vus, même si certains clash sont purement gratuits et que d'autres peuvent avoir des conséquences tragiques.

Norman est une ex-star démolie par des accusations sexuelles, pour lesquelles il a fini avec un non lieu mais qu'il trainera comme tant d'autres jusqu'à la fin de sa vie.

Tibo Inshape s'est fait traiter de fasciste pour son patriotisme et certaines blagues douteuses de ses débuts.

TK78 trimballe une image de pédophile pour avoir raconté une relation avec une fille de seize ans.

Etc.

Je n'ai pas la prétention de dire qui est coupable ou non devant la justice, et comme tout le monde certaines attitudes et opinions me choquent.
 
Mais le spectacle de ces meutes de justicier(e)s et d'aboyeur/ses montant à l'assaut sans connaitre la moitié des faits me fait toujours vomir (taper sur le bouc émissaire ou se moquer en masse dépasse bien sûr la question des youtubeurs, et cela n'a jamais été aussi facile et impuni qu'avec le web).

Tout ça pour dire que pour beaucoup la course aux likes vaut bien un clash parfois sans objet, ou la participation à un petit lynchage pour remonter sa visibilité.

A l'inverse on ne crache pas non plus sur la petite vidéo d'autocritique humiliante quand on est la victime d'une rumeur ou d'un buzz, quoi qu'il y ait derrière, histoire d'éviter la mise au ban et donc la perte de revenu.

Cette quête des likes peut aussi entrainer une surenchère morbide.

Pour générer du trafic, certains repoussent en effet les limites, comme le perturbant Nikocado Avocado et ses vidéos où il s'empiffrait salement, organisant méthodiquement son obésité, ou ces deux nanas allées en soutien gorge au restaurant pour pouvoir s'offusquer de n'y avoir pas été acceptées.

Au final, ce monde de YouTube me semble en plein dans ce mélange des genres qui me dérange, et on dirait qu'on s'occupe autant sinon plus de ce qu'est et de ce que pense ou vit le youtubeur que de ce qu'il fait.

Cette espèce de voyeurisme et d'essentialisme à toujours un peu existé mais semble décuplé à notre époque et dans ces domaines.

Ainsi Kaizen, le documentaire d'Inoxtag sur son ascension de l'Everest que j'ai donc regardé avec mon fils, m'a paru extrêmement égocentré.

On y voyait plus les tribulations et les états d'âme du protagoniste que l'ascension en elle-même ou que les paysages himalayens.

Entendons-nous bien, je n'ai rien à reprocher à Inoxtag.

Certes il nous ressort le couplet un peu démago d'aller au bout de ses rêves, mais un peu d'optimisme ne fait pas de mal par rapport à la critique permanente et la réduction aux origines qui caractérisent tellement de vieux de ma génération et des précédentes.

Et puis il n'oubliait pas non plus de parler de respect de la nature voire d'écologie, ni de rendre hommage à ses sherpas.

Mais j'ai quand même retrouvé dans ce documentaire ce quelque chose de nombriliste et de scénarisé qui me gêne dans le monde des youtubeurs en général.

dimanche 22 septembre 2024

Chanson (10): Beyrouth

Depuis toujours, le monde arabe peuple mon imaginaire.

Les liens ancestraux de mon pays avec cette aire culturelle, l’héritage abrahamique qui fait que ses peuples ont longtemps ressemblé aux héros bibliques, la centralité du Maghreb dans la politique française depuis 1830, la Méditerranée qui nous sépare et qui nous lie, les racines communes du fascinant empire romain, l’empreinte de l’immigration croissante sur notre pays, la marque énorme dans notre étymologie, l’héritage de la religion qui fut notre ennemi historique, tout cela a sans doute joué.

Plus personnel, il y a le souvenir d’un grand-père émerveillé par son passage dans le Liban d’avant la seconde guerre mondiale, qui fait que j’ai toujours eu envie de visiter celui-ci.

Cette petite introduction m’amène au titre d’aujourd’hui, Beyrouth, d’Ibrahim Maalouf.

Cet artiste franco-libanais est le fils de Nassim Maalouf, un trompettiste connu pour avoir adapté la trompette (je crois en ajoutant un quatrième piston) à la musique arabe, qui intègre notamment des quarts de ton, spécificité, si j'ai bien compris de la musique orientale.

Ibrahim a pris la succession de son père, commençant très jeune et devenant lui-même un trompettiste accompli.

Avec son titre Beyrouth, il a créé une pièce magnifique, dédiée à la ville du même nom.

Très long et sans paroles, ce morceau commence par une ambiance feutrée, avec une trompette aérienne qui lance quelques notes solitaires et mélancoliques sur un fond très discret.

Lentement, elle va répéter ses motifs, les compliquer un peu, revenir, alterner ses phrases avec des silences et des respirations,  comme pour nous inviter à méditer et nous détendre.

Toutefois au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, on sent la mélodie s’affermir, enfler et se complexifier.

Le morceau termine dans une explosion et laisse le relais à quelques mesures plus rock, déconcertantes mais finalement très bien vues et tout à fait à leur place.

La douce mélancolie du début finit ainsi en furie, comme une apothéose, un peu comme une étreinte amoureuse, une transe de derviches ou le sprint qui termine un marathon.

C’est magnifique, et j'en ressors toujours rasséréné, vidé dans le bon sens du terme, et les yeux pleins d’images nostalgiques d’un endroit que je n'ai jamais vu.

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jeudi 5 septembre 2024

Chanson (9): La France éternelle

Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas vraiment rap, style dont la prégnance en France m'avait inspiré un de mes tous premiers posts.

Cette sous-culture, surtout dans sa version actuelle, a même beaucoup d'aspects qui me hérissent: virilisme machiste, homophobie, antisémitisme et racisme, glorification de la délinquance et du fric, bigoterie islamiste, américanophilie, crachat sur la France...

Je ne résume évidemment pas le rap à cette caricature. Même si tout cela existe hélas bel et bien, les variations sont aussi nombreuses que diverses.

Comme tout courant musical majeur, le rap a commencé underground, a touché de plus en plus de gens, s’est répandu, métissé, est sorti de sa zone d’origine, et a fini par arriver là où l’on ne l’attendait pas forcément.

Par exemple il y a MC Circulaire.

Ce Français rural est l’inventeur autoproclamé du "ploucsta rap", version aux thèmes campagnards de cette musique profondément urbaine.

Avec pas mal de dérision morbide, il chante la vie des zonards et des cassos de ces territoires dont personne ne parle.

C’est souvent trash et complaisant, et passé la curiosité de départ, çà peut être aussi lassant qu’un rappeur normal.

Néanmoins dans ses titres il y en a un qui a touché une fibre sensible en moi, intitulé La France éternelle.

Sur une musique assez poignante, le Vendéen dresse un portrait de ces gens que je connais bien, ou plutôt de la frange marginale de ces gens que je connais bien, ces sortes de white trash à la française, reliquats du monde paysan ou personnes coincées là pour une raison x ou y.

Au-delà de la caricature, je retrouve certains aspects de la vie dans ces endroits.

Le délabrement progressif de bâtiments qui sont abandonnés ou non entretenus, suivant l’implacable succession d'administrations, de gares et de commerces qui ferment un jour et ne rouvrent jamais.

La culture de l’alcool et de la bagnole, et les drames que le mélange des deux occasionne trop souvent.

Les réputations familiales séculaires, héréditaires et les haines qui vont avec.

Une forme de violence viriliste qui vient de très loin, porté par le goût de la chasse et de la baston.

Les mobylettes déglinguées et les véhicules hors d'âge qui continuent à rouler.

Les PMU désertés sauf par des vieux poivrots en pantoufles qui y tuent l'ennui en attendant la fin.

Justement ce désoeuvrement généralisé, autant lié à un chômage souvent élevé qu’aux difficultés de se déplacer et à une offre culturelle très maigre.
 
Le rythme de vie beaucoup plus lent, comme s'il fallait tout faire durer.

Et enfin cette idée de relégation et d’abandon, de ne pas compter, avec ce sentiment que rien ne changera jamais ou seulement pour aller vers le pire, cette idée de la fin lente mais inéluctable du hameau ou du village auquel on reste pourtant attaché.

En ce sens le vers final me parle beaucoup, j’aurais presque pu l’écrire, moi qui ai tant voulu fuir ma campagne et à qui elle manque si fort aujourd’hui.
 
"Tu dois t'dire qu'elle est moche, moi j'la trouve belle
J'la hais autant que j'l'aime, c'est la France éternelle"

lundi 2 septembre 2024

Chanson (8): wonderful life

Dans un ancien post j'évoquais la machine à remonter le temps qu'est pour moi le générique du dessin animé Les mystérieuses cités d'or.

Lorsque j'en entends les premières notes, je suis en effet transporté miraculeusement à l'époque de mon enfance, que je peux presque toucher du doigt.

La chanson que je vais évoquer aujourd'hui a ce même effet mais avec mon adolescence. Il s'agit du titre Wonderful life du chanteur Black, sortie en 1987.

Une rapide recherche sur cet artiste m'a appris qu'il était anglais, de son vrai nom Colin Vearncombe, qu'il est mort jeune et que Wonderful life fut le titre de sa vie et à peu près le seul connu chez nous.

Le son de ce morceau est très connoté 80es.

Il y a beaucoup de claviers aux notes longues, basses ou cristallines, et la voix qui se pose dessus est représentative de beaucoup de chanteurs de l'époque, c'est-à-dire un peu froide, lointaine et sans effets particuliers, mais en même temps elle est très douce.

Le clip aussi recrée immédiatement l'atmosphère de ce qui se faisait dans ces années-là.

On y suit des gens en mouvement dans différents lieux, filmés avec divers angles de vue dans un noir et blanc très esthétique.

Quand cette chanson est sortie, j'étais j'étais un élève de quatrième pas super à l'aise dans cette phase de sortie de mon enfance.

Je découvrais l'ennui, l'envie d'autre chose que ma vie, la passion pour la musique (j'entrais dans ma phase Top 50), l'amitié un peu plus sérieuse et aussi l'amour, ou plutôt le sentiment amoureux.

En effet, je vivais alors un amour romantique, ridicule, décalé, très gamin, et absolument pas partagé (et pour cause, je le gardais secret...).
 
Il était toutefois suffisamment marquant pour que je m'en rappelle presque quarante ans après, avec des sentiments mitigés.

Pour en revenir à Wonderful life, je n'ai jamais vraiment su de quoi ça parlait, mon anglais de débutant me permettant seulement de glaner quelques mots comme "I need a friend to make me happy, not so alone".

Mais cela suffisait largement pour m'embarquer dans un monde d'émotions, pour penser que cette chanson était écrite pour moi, et je ressentais à son écoute ce puissant sentiment de nostalgie sans objet (de quoi peut-on être nostalgique à douze ans?), cette idée d'être incompris à jamais et cette douleur mélancolique qui sont des traits marqués de mon caractère.

Le temps a passé depuis 1987, et Black a longtemps disparu de mes radars.

Mais un jour, lorsque le net permit de rouvrir la boîte de Pandore des souvenirs en tout genre, j'ai ré entendu Wonderful life.

Je ne sais plus quel âge j'avais alors (peut-être vingt-cinq ou trente ans?), mais je me rappelle que ces notes magiques m'avaient immédiatement transporté dans le bus qui me ramenait du collège, devant la télé du salon familial, près de ce pilier de ma chambre qu'était mon radio cassette, et miraculeusement fait retrouver l'état d'esprit de mon début d'adolescence.

Je ne sais pas si je peux dire avec Black it's a wonderful, wonderfiul life, mais son titre a un peu illuminé la mienne.

Où qu'il soit aujourd'hui, je l'en remercie.

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