jeudi 30 décembre 2021

Toutes féministes

J’ai découvert il y a quelques temps les sœurs Tantot, deux jumelles bordelaises, créatrices de Khassani swimwear, une marque de maillots de bain plutôt minimalistes, et qui ont fait le buzz ces dernières années, dans le sillage d’un footballeur il me semble.

Ces deux demoiselles sont jeunes et pourvues de formes très généreuses qu’elles partagent tout aussi généreusement sur les raisons sociaux, s’y mettant en scène dans des tenues très légères (voire sans tenue du tout) et dans des lieux paradisiaques, type Provence, Baléares ou Maldives.

Deux entrepreneuses qui tirent parti des avantages que la Nature (aidée ou non) leur a donnés pour faire tourner leur business, c'est aussi vieux que le monde, et je ne vois rien à redire ou critiquer là-dedans.

Mais un jour je suis tombé sur une émission où ces sœurs étaient invitées, et sur une femme enthousiaste qui qualifiait leur démarche de féministe, ajoutant que c’était de l’empowerment, etc.

J’avoue que ça m’a un peu interpellé.

Je me souviens que les soeurs elles-mêmes semblaient plus mesurées que leur "fan", s'affirmant féministes mais assumant également de courir après les clics pour faire tourner leur business. Là encore rien à dire, c'est le jeu.

Passons maintenant de l’autre côté de l’Atlantique, et parlons d'Emily Ratajkowski.
 
Mannequin elle aussi très bien dotée, elle s’est fait connaître mondialement par le clip de Blurred lines, des chanteurs Robin Thicke et Pharell Williams, titre macho dans lequel elle ondule en compagnie d'autres très jolies filles, en sous-vêtements ou plus ou moins nue selon la version choisie.

Elle aussi clame très fort et très haut son féminisme, sa haine du patriarcat et la nécessité d’accepter tous les corps, tout en vivant du sien, musclé, épilé, extrêmement mince et parfaitement dans les canons d'aujourd'hui.

Peut-être encore plus que les sœurs Tantot, ce corps, objectivement magnifique et exhibé sous toutes les coutures, est bien son fonds de commerce.

Personne ne choisit son sexe, son genre, son origine ethnique, son orientation sexuelle, son physique ou son âge. Ces données sont simplement des caractéristiques de chaque être humain, dont personne ne peut être tenu pour responsable.

Du coup, juger et hiérarchiser les gens à partir de ces critères, sur lesquels on n’a aucune prise, me parait aussi idiot que de favoriser les gens qui ont le lobe de l’oreille libre par rapport à ceux qui en ont un collé, ou encore de discriminer ceux qui ont l'œsophage le plus court.

Dans ce sens, le féminisme a pour moi quelque chose d'absolument évident.

Le combat pour l'acceptation de tout le monde sur un même pied d'égalité est juste et nécessaire, mais quand des Ratajkowski ou des Tantot exhortent les femmes à accepter leur corps, pour moi ça sonne faux.

Je ne sais pas dans quelle mesure elles sont sincères, naïves et/ou calculatrices (1), mais le moins qu'on puisse dire c'est que c'est un peu contradictoire de travailler d'arrache-pied pour entretenir une plastique répondant parfaitement aux critères masculins, de faire de l'argent avec et de prôner la libération du male gaze.

Généralement, dans ce cas ces filles répondent que c'est un choix et que choisir est féministe (le top model Cindy Crawford répondait ça à des militantes critiquant son passage dans Playboy).

En fait ça me fait penser à ces Occidentaux qui valorisent leurs voyages à la rencontre de "vraies gens", lesquelles n'ont aucun moyen de faire le chemin inverse. Ou à ces gens riches qui disent que l'argent ne compte pas.

C'est peut-être sincère, c'est sans doute vrai, mais quelque part c'est indécent, quand ce n'est pas carrément hypocrite comme tous ces milliardaires qui exhibent fièrement leurs dons aux associations caritatives en tout genre mais qui utilisent des paradis fiscaux pour ne pas payer leurs impôts.

Aujourd'hui le féminisme a le vent en poupe, tout le monde s'en réclame, mais j'ai le sentiment que c'est souvent un peu creux, un argument marketing tendance, comme être pieux dans certains pays ou être révolutionnaire dans les années 70.

Que les soeurs Tantot ou Emily Ratajakowski ne m'en veuillent pas (je leur souhaite de longues et brillantes carrières), mais je les trouve exemplaires de ce "féminisme pop" qui tient de la posture.

Tous leurs post et discours ne sont pas près d'améliorer la condition des femmes de ménage à temps partiel subi, ni la vie de toutes celles qui subissent un conjoint abusif.
 
Et surtout ils ne vont absolument pas supprimer la discrimination subie par toutes les femmes dont le physique est quelconque, voire laid, qui est aussi la moins dénoncée et combattue (ICI un lien très intéressant sur le sujet).

(1) sur le compte instagram d'une des soeurs on peut voir des screenshots de manifestations parisiennes contre le patriarcat, entre deux shooting aux Maldives, république islamique dont  les lois ne sont pas précisément équilibrées en faveur des femmes...