mardi 9 avril 2019

La femme qui fut belle

Comme je l'exposais dans un précédent post, la beauté d'une personne, singulièrement d'une femme, est structurante pour sa vie, dans le sens où elle va grandement la conditionner.

Je vais aujourd'hui parler de l'étape qui suit la beauté rayonnante, quand celle-ci s'éclipse et se fane, que les gens beaux le deviennent moins, que leur aura pâlit et qu’ils sont détrônés. 

Ce « détrônement » s’applique à celles et ceux que leur beauté a mis au centre de tout. La beauté seule ne suffit pas, et cette mise au centre peut dépendre aussi d’autre chose (richesse, force physique…). C'est donc plus les impacts de cette beauté et ceux de sa fin qui m'intéressent ici.
 
La femme qui fut belle est généralement un enfant choyé et comblé, extraverti et sociable, admiré et envié par ses pairs.
 
Plus tard, au collège ou au lycée, elle est le genre qui prend la parole, qui a des opinions et n'hésite pas à les affirmer.

Souvent déléguée de classe, voire militante, elle s'est habituée à être au premier rang, à être celle qu'on regarde et qu'on écoute, celle au sourire de laquelle on ne résiste pas.

Consciemment ou non, elle trouve cette position naturelle, normale, puisque ça a toujours été comme ça.
 
Dans le monde professionnel, elle va aussi aller dans ce sens, sans forcément en jouer consciemment ou machiavéliquement.
 
Elle est belle, ne peut ni ne doit le cacher ou s'en excuser, et si cela lui ouvre des portes, tant mieux (je ne suis pas de ces aigris qui haïssent les gens plus beaux et plus riches parce qu'ils sont plus beaux et plus riches, même si bien sûr je les envie).
 
Au milieu de ses collègues, on la remarque, on la flatte, on est séduit sans forcément l'admettre et en mettant parfois un autre nom sur cette attirance.
 
Qu'elle s'en serve, le subisse ou ne s'en rende pas vraiment compte, elle est au centre.
 
Je reprends ici mon exemple de cette stagiaire irlandaise magnifique que tout le monde voulait absolument aider. Elle ne faisait rien, n'aguichait pas, ne provoquait pas, s’habillait de manière sobre, mais elle avait invariablement tout le monde autour d'elle.

Mais pour la femme qui fut belle comme pour les autres, les années passent.
 
Et comme les autres, elle ride, elle s’empâte, elle grisonne. Ses éventuelles grossesses et tracas la marquent, ses traits changent.
 
Et puis d'autres arrivent, jeunes, belles et triomphantes.
 
Du coup on écoute moins la femme qui fut belle, on est moins attentionné avec elle, on la renvoie au même rang que les autres.
 
Cette phase est parfois pour les moins belles l'heure de la revanche.
 
Elles qui sont habituées à l'ombre, à encaisser, à se battre pour compenser un physique banal ou ingrat sont plus solides, plus âpres à défendre leur pré carré, plus adaptées à ce moment délicat qui n’a rien de nouveau pour elles.
 
D’ailleurs une partie en profite pour se venger des heures douloureuses et des humiliations passées à l’ombre des femmes qui furent belles, que ces dernières aient été méprisantes, indifférentes ou qu’elles aient bénéficié de leur beauté tout en étant justes et bienveillantes.
 
En tout cas ce déclassement est un passage dur.
 
Quand on n’a connu que le premier rang, qu’on a été le centre de l’attention et des égards, qu’on a fini par se faire de soi-même une certaine opinion, on est d’autant plus blessé d’être renvoyé dans la masse.

Les réactions des femmes qui furent belles à cet événement sont variées.

Certaines s’aigrissent, deviennent les pires ennemies de celles auxquelles elles ressemblaient vingt ans plus tôt.

Celles-là sont d’autant plus cruelles avec tous les moches ou ex-moches auxquels elles sont scandalisées d’être assimilées. En en rajoutant vis-à-vis de ces derniers, elles se cherchent des miettes de ce pouvoir qu’elles ne supportent pas d’avoir perdu.
 
D’autres, j’en ai connues, ne comprennent pas que leur heure est passée, que c’est tôt ou tard le lot de chacun. Elles sombrent alors dans la dépression, suite à des vexations ordinaires pour d’autres mais qui pour elles sont insupportables car rien ne les y a préparées.
 
D’autres enfin, savent que la roue tourne et font avec, comme la majorité des gens, avec parfois un retour de coquetterie, un réflexe séducteur qui revient dans certaines circonstances.
 
Dans cet entre-deux, elles sont moins sûres d’elles, plus fragiles et interrogatrices.
 
Personnellement, cette fragilité me touche, comme me touchent toujours les remises en cause et l’éphémère de la vie.

En me relisant, je me dis que ce post peut sembler misogyne, surtout en ces heures de #metoo et de YannMoiseries.
 
Mais en fait les cas dont je me souviens sont féminins, sans doute parce que la pression sur le physique est beaucoup plus marquée pour elles, qu’on leur pardonne moins qu’aux hommes de vieillir et qu'à leur apogée l’attention est plus forte sur elles.
 
C’est sans doute aussi parce que je suis un homme hétérosexuel et en tant que tel plus sensible à la beauté féminine.
 
Mais j'aurais aussi bien pu parler de l'homme qui fut fort ou de l'homme qui fut leader, en quelque sorte l'équivalent pour ma génération et les précédentes, encore très genrées, de la femme qui fut belle.

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