mercredi 21 avril 2010

Le boeuf clandestin

Le post d'aujourd'hui sera à couleur "philosophique", si on peut dire.

Ce matin j'avais un rendez-vous avant d'aller travailler. C'était à un endroit de la ville que je ne connaissais pas.

J'y suis arrivé pas mal en avance et j'en suis reparti en début de matinée, ce qui m'a donné deux petits temps morts, deux moments volés à ma journée que j'ai savourés comme deux trop rares friandises.

Il faisait beau, j'ai flâné au hasard des rues, qui dans cet endroit avaient des noms peu ordinaires (j'ai noté une rue du château des rentiers et une rue des terres au curé).

J'ai détaillé les maisons, les bâtiments, les fleurs et les terrains vagues.

J'ai croisé des ouvriers étrangers devisant devant un café avant de s'attaquer à la tâche. J'ai vu des vieilles personnes vaquant à leurs courses matinales.

J'ai vu des employés fumant leur cigarette sur le trottoir, accrochant quelques bribes de conversation en passant.

J'ai mangé un gâteau acheté au hasard dans une boulangerie que je ne connaissais pas.

J'ai vu des rues quasi vides, tranquilles...

J'adore ce genre de moment où je ne suis pas là où je suis d'habitude, où en dehors de mes horaires, je me sens en quelque sorte voyeur, voleur de moments.

J'aime en particulier le matin, ce moment de la journée où tout semble plein d'allant et de promesses, où le peuple de la nuit dort, où les racailles sont rentrées chez elles, où le jour se lève doucement.

En fait, ma vie est peu à peu devenue une course permanente entre le boulot, ma femme, mes enfants, ma famille, mes amis, les responsabilités, les tâches ménagères, les soucis des uns et des autres, les paperasses...il y a toujours quelque chose à faire et si l'on n'y prend pas garde, l'existence peut finir par se résumer à une pile de tâches à faire.

Aussi, me ménager délibérément un intervalle à moi entre deux de ces tâches, les boycotter sciemment et presque en cachette me procure un grand plaisir, plaisir d'autant plus important qu'il est solitaire et non partagé, qu'en quelque sorte c'est mon secret. C'est un peu comme lire ou surfer quand tout le monde dort.

Et cela me rappelle un livre de mon cher Marcel Aymé, intitulé "Le bœuf clandestin".

Ce titre étrange fait référence à un personnage du roman, un notable respecté et suffisant qui s'affirme végétarien et qui est considéré avec un grand respect par tout le monde pour ce choix difficile...et qui se prépare et mange des steaks le dimanche matin, quand toute la famille bonne inclue est à la messe.

Le bonheur...

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