jeudi 15 décembre 2016

Sous le hidjab, la femme

Depuis désormais pas mal d’années, le costume islamique féminin sous toutes ses variantes, tchador, hidjab, niqab, burqa, abaya, jileb et maintenant burkini (tous ces mots dont les générations précédentes de Français ignoraient jusqu'à l'existence) est un sujet de débat permanent.

Critiqué ou revendiqué, il est maintenant partout, on en voit de plus en plus et de manière de plus en plus diffuse.

Omniprésent dans toutes nos villes, il se rencontre aussi au détour des villages, voire aux fins fonds de la campagne (ainsi la femme d'un bûcheron turc de mon village limousin perdu).

A son sujet on a tout entendu, qu'il était un signe d'asservissement (comme le dit notre président), qu'il était le symbole d'une foi et porté sans arrière-pensée, qu'il était un signe de pudeur, qu'il était le dévoiement d'une religion, un marqueur politique, que sais-je encore.

Dans tout ça il n’y a selon moi que deux certitudes.

La première c’est que ce bout de tissu est l'étendard d'une conviction, une sorte de message indiquant « Je suis musulmane » à son entourage, que ce message soit belliqueux ou non.

La deuxième c’est que dessous il y a une femme.

Par cette deuxième remarque, qui parait triviale, je veux dire que ces personnes, qu'on a tendance à résumer à leur foulard, revendiquent et assument une autre forme de féminité (du moins pour celles -dont j’ose croire que c’est la majorité- qui ne sont pas complètement obnubilées par la religiosité).

Sous nos contrées et dans les pays musulmans les plus modernes, on voit bien que ces femmes sont de leur temps, c’est-à-dire qu’elles revendiquent leur place dans l’espace public, voire qu'elles adaptent des valeurs dites occidentales comme l’individualisme ou une certaine forme de féminisme à leur islamité.

Dans les cas extrêmes, le port de ce costume peut même être une sorte d'outil de conquête et de domination.

Mais surtout, et c'est là où je voulais en venir, ces femmes sont coquettes.

On connait tous l’histoire, vraie ou fausse, des femmes du Golfe qui dévalisent les magasins parisiens de lingerie fine, laissant imaginer que sous leurs sévères abayas c’est un festival de sensualité.

On sait moins que le pays le plus gros adepte de la rhinoplastie est l’Iran, prouvant que dans la première république islamique du monde, où le voile est obligatoire, la séduction reste une préoccupation.

Dans le monde anglo-saxon sont apparues les étranges mipsterz, cet hybride improbable entre la mode musulmane et les hipsters. Ces femmes détournent les codes de leur première identité en les mariant avec la flamboyance dandy des seconds.

Chez nous la youtubeuse et blogueuse Asma Farès cartonne en parlant mode et maquillage aux femmes voilées.

Quant à la Turquie, elle investit le secteur prometteur de la mode islamique en en visant le leadership, même si les modèles proposés pour l’instant semblent surtout être une version longue de la mode tout court.

Gageons qu’avec l’arrivée des poids lourds du vêtement comme Uniqlo ou Dolce et Gabbana sur ce marché (arrivée qui ne se fait pas sans remous), il y a toutes les chances qu'il se développe.

Tout ça pour dire que celui qui sait regarder voit que dans nos rues il y a toute une palette de looks islamiques féminins, depuis la rigoriste qui cache même son menton (mais dont les chaussures sont parfois fluos) jusqu’à la subtile porteuse d’un turban dont le côté religieux ne saute pas aux yeux, en passant par les incongrues comme cette fille aperçue il y a quelques années sur un marché et dont le hijab n’empêchait pas le jean taille basse d’exhiber le haut des fesses sanglées dans un mini string.

Que penser de cela ?

Pour ma part, ce spectacle m’inspire plusieurs réflexions.

La première c’est que c'est un phénomène bizarre.

En effet, le voile est censé être un symbole de pudeur, et le transformer en accessoire de mode ou le rehausser de maquillage et de vêtements attirant l’œil ne va pas vraiment dans le sens de la modestie et de la discrétion. Il y a là comme un paradoxe.

La deuxième c’est que comme le désormais célèbre burkini, cette mode islamique me parait un espèce de pont entre des valeurs religieuses, par définition plutôt fermées, et le reste de la société.

Les ponts valent toujours mieux que les murs, et je préfère largement cette coquetterie islamique aux ombres recluses dans les quartiers forteresses du salafisme. Cette version-là d’une vie halal est peut-être une forme d’intégration et ses adeptes un nouveau modèle de l'Occidentale.

Si c’est bien le cas, puisse-t-il prendre le pas sur l’autre version qui a le vent en poupe et cause tant de dégâts.

La troisième réflexion, qui sera ma conclusion, c’est que de savoir que sous le hidjab il y a la femme est quelque part plutôt rassurant.

A voir :
- Un blog sur le foulard sous toutes ses formes

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