Je ne sais plus comment j'ai entendu parler du groupe Les joyeux de la princesse, mais je me souviens avoir été puissamment marqué par son titre In memoriam Philippe Henriot.
Ce morceau qui n'en est pas vraiment un est construit autour d'un discours de la célèbre voix de Radio Paris qui diffusa avec un grand talent et jusqu'à son exécution par des résistants la propagande nazie et pétainiste sur les ondes françaises.
Le titre suit la structure de ce long discours, en posant quelques rares effets (échos) sur la puissante voix d'Henriot, en en doublant quelques extraits qui sont comme des mantras (La vie n'est pas neutre, elle consiste à prendre parti hardiment !) et en accompagnant sa progression avec des nappes de synthés.
C'est très épuré, et le résultat est saisissant: ce mélange théâtral hypnotise et angoisse, et l'on se sent pris dans les filets de l'époque et de la voix du sinistre prophète (un de mes fils était terrorisé après l'avoir entendu).
Ce morceau singulier m'a entraîné à en savoir plus sur ce groupe, et là, étonnement: le web, et encore plus le web francophone est très avare sur le sujet (il n'existe notamment pas d'article dans le wikipédia français, mais dans les espagnol et allemand).
J'ai fini par apprendre que son maitre d'oeuvre était belge, qu'on rattachait ce groupe à la musique industrielle, noise ou dark ambient, et que leur signature était le recyclage de documents historiques, notamment des années 30 et de l'Occupation, comme ce fameux discours, ce qui leur vaut une réputation sulfureuse et parfois le rattachement à la fachosphère/au néo-nazisme.
Ils sont également connus pour vendre leurs oeuvres dans des packagings très soignés, voire luxueux, et ne les produire qu'en série limitée pour des connaisseurs/collectionneurs.
A ce que j'ai pu en voir certains peuvent être choquants, comme l'oeuvre intitulée Zyklon B qui se présente sous la forme d'un bidon du gaz éponyme, ce qui va bien dans le sens d'une ambigüité et explique peut-être leur peu de visibilité dans nos medias, assez unanimes et impitoyables dans la chasse aux fachos réels ou fantasmés.
J'ai aussi vu un disque sous forme de cercueil, un autre dédié au mouvement allemand antinazi de la Rose blanche avec plein de documents, etc.
Bien entendu, ces circuits parallèles et ce côté underground m'ont attiré et entrainé à en savoir plus, mais ce que j'ai pu entendre d'autre ne m'a guère emballé (à part ce duo mélancolique avec Philippe Laurent, un autre musicien que je ne connais pas).
Je me suis également demandé comment on peut faire carrière en dehors des pistes balisées, et aussi si à l'heure de YouTube ce genre de groupe n'est pas condamné.
Au final, je ne peux pas dire si j'aime ou non LJDM, comme semblent les appeler les initiés, mais je reste impressionné par leur parcours, comme par celui de tous ceux qui choisissent un difficile chemin en dehors des clous, et In memoriam Philippe Henriot est un titre particulièrement marquant.
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