jeudi 3 octobre 2013

Europe, Juifs et Roms

Dans le post d'aujourd'hui je vais évoquer deux minorités historiques de notre continent, dont les chemins diffèrent mais pour lesquelles existent de nombreux points communs: les Juifs et les Roms (par commodité, j'emploierai systématiquement ce terme pour ces derniers).

Les origines

- Les Juifs

L'histoire mythique juive est décrite dans la Torah, laquelle a été intégrée à la bible chrétienne.

On y lit l'histoire d'un ancêtre fondateur, Abraham, né dans la ville d'Ur en Chaldée (dans l'actuel Irak).

Il la quitte pour emmener son peuple, choisi par Dieu entre tous, vers une terre qu'il lui a promise et où coulent le lait et le miel.

Après maints péripéties et détours, le peuple juif arrive dans le pays de Canaan, dont il s'empare suivant le plan divin.

Ils y cohabitent houleusement avec d'autres peuples (Philistins, Moabites, etc...), s'éloignent et reviennent périodiquement vers leur dieu, qui les punit ou les récompense selon leur fidélité.

Le peuple juif est divisé en douze tribus, chacune correspondant à un fils de Jacob, lui-même petit-fils d'Abraham et rebaptisé Israël suite à une lutte avec un ange. Certaines de ces tribus sont dédiées à une fonction sociale: les lévites sont par exemple chargés de la prêtrise.

Le pays de Canaan conquis devient ensuite un royaume, qui est divisé en deux après une scission entre les tribus: il y a désormais Juda, où vivent deux des tribus, et Israël, où vivent les dix autres.

Une première fois, le peuple juif est emmené en exil à Babylone suite à une conquête militaire.

Il revient ensuite se rétablir dans le pays avant d'être de nouveau déporté, par l'empire romain cette fois-ci.

Celui-ci, suite à des révoltes et à l'insoumission des hébreux, finit par interdire l'établissement de tout Juif sur le territoire des deux royaumes.

Commence alors la longue période de diaspora (dispersion) du peuple juif de par le monde, avec l'espérance siècle après siècle d'un retour en terre promise ("l'an prochain à Jérusalem").

Tout Juif est supposé être issu d'une des douze tribus en exil.

Voilà pour la partie mythique.

L'Histoire est plus nuancée, et nous apprend que le judaïsme a renforcé ses rangs par des conversions, et sans doute du prosélytisme. Les types physiques contrastés que l'on rencontre au sein du monde juif semblent conforter ce fait.

Quoi qu'il en soit, cette communauté, désormais sans terre, existe en Europe depuis des millénaires.

Elle présente la particularité d'avoir été longtemps le seul culte non chrétien à être toléré sur le continent, au contraire des religions pré-chrétiennes impitoyablement extirpées et des nombreuses hérésies (cathares, bogomiles...) pourchassées jusqu'à leur extinction.

Cette singularité tient sans doute à la filiation qu'il y a entre le judaïsme et le christianisme, filiation reconnue par toutes les églises, et aussi à l'absence (de plus en plus de gens disent à l'arrêt) de prosélytisme de leur part, le judaïsme se perpétuant par filiation et donc ne constituant pas une concurrence dangereuse.

Ainsi, malgré les fréquents pogromes, expulsions, spoliations et vexations en tout genre, l'Europe a connu une présence juive continue au cours des siècles.

Leurs communautés ont néanmoins toujours suscité l'hostilité des majorités chrétiennes (c'était le même cas en terre d'islam, d'ailleurs).

Cette hostilité fut soit sourde, soit déclarée, et jusqu'à la Révolution française, ils furent partout reconnus comme citoyens inférieurs: interdiction de posséder la terre, exclusion de fait de la plupart des professions qui étaient toutes patronnées par un saint chrétien, confinement dans certaines zones, port obligatoire de signes distincts, etc. La liste est très longue.

- Les Roms

L'histoire des Roms est bien plus obscure car elle ne se base pas sur des écrits fondateurs, ni même sur une tradition bien définie.

On sait toutefois que ce peuple prend sa source en Inde du nord, ce qui est confirmé par la génétique et par les racines des mots des dialectes qu'ils ont utilisés au cours des siècles, ainsi que par un ensemble de coutumes qui se rapprochent des pratiques indiennes (notamment des interdits liés à la pureté).

Pour une raison non clairement définie (plusieurs hypothèses existent), ce peuple quitta l'Inde pour se diriger vers l'Asie centrale et l'Iran. De là, les populations roms avancèrent vers l'ouest, finissant par arriver en Europe où ils se dispersèrent.

Adoptant la religion des maîtres des lieux où ils passèrent, ils ne s'assimilèrent pas pour autant.

Leur type physique et leurs vêtements les distinguaient des peuples des pays où ils transitèrent et s'installèrent, mais plus encore leur mode de vie nomade et leurs coutumes, ce qu'on appelle le romipen, auxquelles ils restèrent extrêmement fidèles.

Ils vécurent eux aussi en marge des sociétés où ils s'installèrent, et connurent des stigmatisations et persécutions diverses et variées, allant jusqu'à une forme d'esclavage dans certaines régions, comme la Roumanie.

Un certain métissage peut être noté, mais il fut subi (notamment par les inévitables viols d'esclaves), et de toute façon un métis doit intégrer l'une ou l'autre communauté: on est soit 100% rom soit 100% gadjo.

Des expériences communes

Les parcours des Juifs et des Roms, même si au contraire des seconds les premiers se définissent autant par la religion que par une origine commune, se ressemblent dans le fait qu'ils vécurent (et vivent) une expérience de minorité sans terre d'attache, dans des sociétés souvent hostiles.

Avec le temps, avec la diffusion de l'idéologie de l'état nation et avec la rationalisation des états, cette hostilité se fit de plus en plus palpable et se transforma parfois en mesures extrêmes.

Expulsions diverses, sanglants pogromes, déportations, pour aboutir à l'horreur des génocides de la seconde guerre mondiale: Shoah pour les Juifs et Porajmos pour les Roms.

Cette situation renforça chez eux une conscience du groupe très forte, et deux attitudes prévalurent pour "gérer" ce rejet.

La première était un sur investissement dans les activités qui leur étaient autorisées voire réservées.

Dans le domaine musical, Juifs et Roms fournirent un contingent de musiciens impressionnants, les premiers plutôt dans la musique classique, les seconds dans divers courants qui furent souvent adoptés par les sociétés d'accueil.

Qu'on songe au destin du flamenco devenu un symbole de l'Espagne, mais aussi au jazz acclimaté en Europe par les Roms en quelque chose d'immédiatement identifiable, ou aux innombrables musiques des Balkans qui leur sont redevables (tels les manele roumains).

Les Roms surinvestirent également le domaine du spectacle. On peut encore en voir des traces en Roumanie, lorsque le jour de l'an des fanfares roms passent entre les immeubles, avec des enfants déguisés en ours (il y a peu il y avait encore de vrais ours), quémandant une pièce de la part des habitants.

D'autres activités furent dévolues aux Juifs et aux Roms car considérées comme inférieures ou impures par les sociétés majoritaires.

C'est ainsi que les Juifs se spécialisèrent, parfois sous la contrainte, dans l'usure et la banque, métiers condamnés par le christianisme dans un premier temps (et encore aujourd'hui par l'islam) mais essentiels aux rouages d'un état moderne.

En Pologne, ils occupèrent souvent le poste ingrat de gérants des possessions nobiliaires, notamment en collectant les impôts auprès des paysans pour le compte de leurs maitres vivant dans la capitale ou à l'étranger.

Ils donnèrent aussi quantité de colporteurs, notamment en Europe de l'est puis aux USA lorsqu'ils commencèrent à y émigrer (quand on regarde la version Disney des trois petits cochons (1933) on voit à la minute 5'50 une caricature de ce personnage).

En Amérique, certains se spécialisèrent aussi dans le commerce avec ces populations déshéritées entre toutes qu'étaient les afro-américains. Dans les livres de Chester Himes, le prêteur sur gages juif est un personnage familier (et détesté) de Harlem.

Quant aux Roms, ils se firent experts dans tout un tas de petits métiers parfois ingrats, d'autres fois plus "nobles".

Rétameurs, rémouleurs, vanneurs (je me souviens de ces femmes roms qui allaient de porte en porte dans mon village pour vendre leurs paniers lorsque j'étais enfant), chiffonniers/ferrailleurs, tâcherons pour les jobs ingrats (tel que le curetage des fosses d'aisance), ils étaient aussi forgerons ou vendeurs de chevaux.

On sait qu'en France beaucoup de maquignons descendent de familles roms et que nombre d'entre eux se sont ensuite convertis dans les casses automobiles. Souvent, les lignées et les clans étaient dédiés à telle ou telle activité, rappelant leur pays d'origine et ses castes.

Tous ces métiers présentent un point commun: ils garantissent l'indépendance financière et juridique, et ils peuvent être envisagés comme des affaires familiales au sens large, fournissant une protection mutuelle aux membres de la communauté.

L'opacité qui peut facilement entourer ce type d'activité permet aussi de garder une large autonomie vis-à-vis des lois et habitudes du reste du pays, ce qui constitue à la fois une protection et la garantie de préserver l'identité du groupe.

Cela permet aussi d'envisager à tout moment la rupture ou la fuite, dans le cas d'un de ces embrasements communautaires que l'expérience a appris à anticiper.

Ce souci de toujours avoir un "plan B" est également souvent présent dans les stratégies professionnelles juives.

Le confinement dans les activités immatérielles, l'interdiction de posséder des biens fonciers ainsi que les cycliques expulsions ou fuites ont poussé les Juifs à construire de véritables réseaux, notamment dans différents types de commerces internationaux, ce qui alimenta (et alimente encore) bien des fantasmes.

Divergences à l'époque moderne

- Jusqu'à la seconde guerre mondiale

A l'époque moderne, les destins des Juifs et des Roms prirent des voies différentes.

En Europe occidentale, les premiers surent profiter des possibilités offertes par des sociétés plus ouvertes à la méritocratie et à l'égalité individuelle.

Ils développèrent une culture de l'excellence et investirent le champ des sciences, de la politique, de l'éducation. La sur représentation des Juifs ashkénazes dans les prix Nobel, les arts, le grand commerce, la banque ou le personnel politique est ainsi extrêmement impressionnante.

Cette ascension sociale toucha aussi les Juifs des territoires colonisés par les nations européennes, notamment le Maghreb et singulièrement l'Algérie, où l'accession à la nationalité française via le décret Crémieux transforma la communauté en trois générations.

Et partout ils surent profiter de leur situation pour devenir les intermédiaires naturels entre colonisés et colons.

Cette réussite suscita toutefois une réaction très forte de la part des populations majoritaires. Une culture antisémite virulente avec de sporadiques passages à l'acte se développa dans presque tous les pays, suscitant une interrogation chez certains Juifs.

Ce questionnement aboutit à l'élaboration du sionisme par l'autrichien Théodore Herzl. Les horreurs de l'affaire Dreyfus, qui avait lieu dans le pays où les Juifs avaient été le plus tôt assimilés, le choquèrent profondément.

Il pensa alors que le peuple juif devait avoir son propre état pour devenir enfin comme les autres, pour perdre sa singularité tout en gardant son identité.

Cette idée fut à l'époque très fraichement reçue dans les milieux juifs occidentaux, avant de faire son chemin lorsque les persécutions prirent un tour plus systématique.

A contrario, les Juifs d'Europe de l'est furent en butte à des régimes de plus en plus hostiles et violents, qui les marginalisèrent, réduisirent sans cesse leurs droits et les acculèrent à la pauvreté. Les réactions à cet état de fait furent de quatre types.

La première fut religieuse. Nombre de Juifs se réfugièrent dans l'orthodoxie, l'étude de la Torah, la consolation théologique, cherchant dans cet enfermement volontaire un dépassement de l'enfermement et des malheurs subis de l'extérieur.

La seconde fut l'exil. Des millions de Juifs quittèrent la Russie, la Pologne ou la Roumanie pour l'occident (USA et France en tête), certains s'investissant avec acharnement pour profiter de cette assimilation qui leur était refusée dans leurs pays d'origine, d'autres profitant de la tolérance du pays d'accueil pour y recréer des communautés fermées mais qui ne seraient plus persécutées.

La troisième fut la politisation. Une partie des Juifs se jeta dans le communisme, les partis ouvriers, les idéologies supranationales pour tenter de faire changer la société et à faire dépasser à leur communauté le stade marginalisé où elle se trouvait.

La dernière réaction enfin, fut la revendication d'une identité nationale juive, à l'instar de ce que réclamait l'ensemble des peuples dominés d'Europe, et surtout d'Europe de l'est. Elle prit essentiellement deux formes.

La première fut la construction d'une nation juive, laïque et de langue yiddish dans une nouvelle Russie socialiste et démocratique. Organisé dans le cadre du Bund, ce mouvement constituait une rupture fondamentale avec la vision du judaïsme religieux et fermé en vogue jusqu'alors.

La deuxième forme fut évidemment le sionisme, qui, s'il fut théorisé à l'ouest, recruta majoritairement dans les communautés d'Europe de l'est les colons fondateurs des premiers kibboutz dans la Palestine ottomane de l'époque.

A contrario, on peut dire que le peuple tzigane, quant à lui, n'a pas réussi à faire son entrée dans la modernité.

En effet, alors que l'état nation devenait l'idéologie montante, touchant même, comme on l'a vu, les Juifs, les Roms continuèrent à vivre selon leurs habitudes ancestrales, a priori imperméables aux nouvelles idées comme à la mise en place de frontières toujours plus étanches.

De plus en plus, ils furent en butte à la fois aux tracasseries administratives, aux tentatives de contrôle de l'état et à l'hostilité grandissante de populations sédentaires en voie d'individualisation.

- De la seconde guerre mondiale à la chute du mur de Berlin

Que dire de la seconde guerre mondiale qui n'ait pas déjà été dit? La folie des nazis et de leurs auxiliaires plus ou moins zélés aboutit au génocide conjoint de ces deux minorités.
Après la chute d'Hitler, l'Europe fut coupée en deux, et Juifs comme Roms connurent des destins différents selon le côté du mur où ils se trouvèrent.

A l'ouest, ce qu'il restait du judaïsme était profondément traumatisé. Dans un premier temps, une grande partie des Juifs choisit le silence, le changement de nom, voire la conversion.

En même temps, le sionisme sembla devenir une évidence, à la fois pour eux et pour les alliés, d'autant que l'alternative du Bund n'existait plus suite à la décimation de ses troupes.

Et c'est ainsi qu'en 1948, ce mouvement trouva sa conclusion dans la création de l'état d'Israël. Ce minuscule pays devint alors le centre de gravité du monde juif, une espèce de nécessité, l'idée d'un refuge toujours possible qu'il fallait à tout prix préserver du sort que le monde yiddish venait de connaitre.

Les communautés juives changèrent dans les années 60.

Tout d'abord, la décolonisation entraina un afflux de Juifs en Europe, essentiellement en France. 

Ces séfarades venus d'Algérie où ils avaient été naturalisés français dès le XIXième siècle, avaient une pratique du judaïsme plus démonstrative et loin de la dissimulation généralement en vogue chez leurs coreligionnaires métropolitains. Avec eux le judaïsme regagna en visibilité.

A la même époque arriva à l'âge adulte une nouvelle génération de Juifs européens. Ces enfants de rescapés des camps décidèrent de briser le silence sur les années noires.

Peu à peu, les médias furent saturés de témoignages, d'études, de films, de théories sur la Shoah, la collaboration.

Parallèlement, l'opiniâtreté de certains, comme Serge Klarsfeld, permit de sortir de leur tranquille retraite une partie des responsables du génocide, qu'ils soient allemands, français ou autre (Paul Touvier, Maurice Papon, Louis Darquier de Pellepoix, Klaus Barbie...).

Une série de procès retentissants remit la question au gout du jour, avec la volonté de rendre justice et de punir tous les bourreaux impliqués dans la Shoah.

Enfin, l'accent fut mis sur la commémoration, le devoir de mémoire, des monuments furent érigés, des lois vinrent pénaliser l'antisémitisme et le négationnisme, et peu à peu la Shoah devint l'événement le plus important de la Seconde Guerre Mondiale, jusqu'à arriver à certains excès (mais là n'est pas le propos de ce post).

L'Europe de l'est resta à l'écart de ce grand déballage. Le communisme posa une chape de plomb sur l'histoire, qu'elle réécrivit dans un sens qui ne laissait pas de place aux minorités et aux identités plurielles.

La volonté de créer un homme nouveau ne pouvait s'accommoder des particularismes, surtout des particularismes relevant de la religion, opium du peuple. La règle fut donc d'assimiler.

Toutefois, dans tous les pays le communisme intégra vite une composante nationaliste très forte, dont les Juifs (chassez le naturel) firent notamment les frais. On se souvient du complot des blouses blanches en URSS.

Certains états, comme la Roumanie, profitèrent cyniquement de cette communauté en "vendant" ses membres à Israël: de l'argent contre un visa de départ.

Pendant la seconde guerre mondiale, les Roms subirent eux aussi la solution finale, et une énorme partie de la population rom fut déportée et exterminée dans les camps.

Toutefois, l'ampleur de leur extermination est moins connue, à la fois parce que ces populations étaient mal recensées, mouvantes et insaisissables, et aussi parce qu'elles se sont globalement tues.

En effet, contrairement aux Juifs, les Roms ne s'emparèrent pas de cette mémoire pour se protéger, faire connaitre au monde leur sort tragique et offrir une réponse politique à leur rejet.

A l'ouest, l'histoire des roms est celle d'une longue marginalisation. En effet, l'accession de l'Europe occidentale à l'époque moderne et à la société de consommation eut pour conséquence de réduire de plus en plus la place qui leur était réservée dans l'économie.

Leurs petits métiers subirent de plein fouet la concurrence des biens jetables et des changements de mode de vie. Certes, cette mutation toucha toute la société, mais eux ne surent pas ou surent mal s'y adapter.

Parallèlement, les espaces communautaires (les terrains communaux par exemple) se réduisaient, le nomadisme devenait de moins en moins praticable, entrainant un cycle occupation sauvage-expulsion sans fin.

En conclusion, ils étaient de plus en plus inadaptés au monde qui arrivait, ce qui se traduisit par une misère plus grande et aussi par une augmentation de la criminalité organisée chez eux. 

Une grande partie se sédentarisa dans certains quartiers et banlieues, où elle vit toujours dans une semi-marginalité mi-subie mi-souhaitée.

Quant aux Roms qui vivaient de l'autre côté du rideau de fer, et qui constituent la grande majorité des Roms européens, ils furent eux aussi une cible pour des régimes communistes violemment hostiles aux régionalismes et aux identités, qui tentèrent partout une assimilation musclée.

Par la force, ils furent sédentarisés, scolarisés et intégrés économiquement, même si ce fut dans les plus bas emplois.

On essaya également par différents moyens de les "noyer" dans la masse du peuple. En Roumanie, on obligea notamment les orchestres à avoir un quota de non Roms (!).

Aujourd'hui

La chute du rideau de fer entraina de nouveau la possibilité de bouger pour les deux minorités bloquées pendant cinquante ans.

Une très grande part des Juifs choisit alors de partir, essentiellement en Israël du fait des lois du retour.

L'arrivée massive de ces Juifs, de culture européenne, souvent très laïcisés voire métissés, constitua un changement profond pour l'état hébreu.

Majoritairement russophones, ils représentent désormais 20% des israéliens, une partie d'entre eux est chrétienne ou athée, qu'il s'agisse de faux Juifs fuyant la misère ou de personnes issues de familles mixtes, et certains n'attendent de leur aliyah qu'un passeport relais avant d'aller aux USA.

Point étonnant: la deuxième destination favorite des Juifs d'Europe de l'est, russes en tête est...l'Allemagne. Ironiquement, ce pays connait ainsi une renaissance de son judaïsme depuis quelques années.

En tout cas, la chute du rideau de fer a eu pour conséquence de finir le travail des nazis, achevant de vider de leurs Juifs des régions où des communautés existaient depuis des millénaires, n'y laissant que des monuments et des souvenirs

Prague, Budapest, Vilnius possèdent des traces magnifiques de cette époque, et en Roumanie des villages entiers se sont vidés dans les années 90.

Quant à Israël, malgré ce nouvel afflux, c'est un demi-succès, un rêve inachevé.
D'abord l'antisémitisme continue à afficher une grande forme dans le monde, alimenté par la politique colonisatrice et nationaliste de l'état hébreu, souvent instrumentalisée par l'islamisme ou les régimes des états voisins.

Et de plus, le pays ne contient toujours pas la majorité des Juifs de la planète, contrairement aux vœux de ses fondateurs.

En effet, la population juive européenne, la première communauté étant française, ne manifeste pas de désir d'émigration massive vers l'état hébreu, et une bonne partie de ceux qui font leur aliyah finit par revenir, faute d'arriver à s'adapter.

Elle reste bien intégrée économiquement, très présente dans les médias, les arts, la politique et l'économie.

Cette visibilité de ceux qui ont réussi cache le grand nombre de Juifs modestes voire pauvres que l'on peut trouver en banlieue ou dans les arrondissements du nord de Paris par exemple.

Toutefois, si elles ne font pas forcément leur aliyah, les nouvelles générations sont travaillées par un retour à l'orthodoxie, à l'endogamie, à la cacherout, à une identité juive plus marquée.

Significatif est le fait que plus de la moitié des enfants juifs sont scolarisés dans des écoles religieuses.

En ce sens, les Juifs ne font que suivre la tendance au communautarisme que l'on peut constater dans le pays, et l'hostilité palpable d'une grande partie de la population française, notamment chez les immigrés musulmans (rappelons l'affaire Merah, l'affaire Ilan Halimi, le meurtre de Sebastien Selam) ne peut que les pousser dans ce sens.

La situation des Roms est quant à elle bien plus dramatique.

Lorsque les régimes communistes chutèrent, l'ensemble du système économique s'écroula, de manière plus ou moins violente. Parmi ceux qui perdirent leur travail en premier il y eut les Roms, qui étaient généralement au plus bas de l'échelle.

Certains d'entre eux réactivèrent leurs réseaux et se firent des fortunes colossales, comme ces ferrailleurs roumains qui vendirent au poids les stocks d'invendus d'industries sacrifiées (notamment des wagons).

Mais la plupart replongea dans la misère et dans une marginalité qu'ils n'avaient que partiellement quittée pendant l'ère communiste.

Dans plusieurs états, ils servirent et servent encore de boucs émissaires pour les nouveaux dirigeants ou les partis populistes, leur propension à l'entre soi et leur refus du mélange en faisant une cible idéale.

L'entrée dans l'UE des ex démocraties populaires mit brusquement la question rom au premier rang des préoccupations occidentales, faisant renaitre des bidonvilles dans les capitales occidentales et amenant tout le monde à s'interroger sur ces populations.

Aujourd'hui, les Roms sont souvent moins scolarisés qu'à l'époque communiste, et leur indicateurs sociaux (fécondité, espérance de vie, mortalité infantile, primo-nuptialité...) sont plus proches de ceux des populations sahéliennes que de ceux de leurs voisins et/ou compatriotes européens.

Et bien évidemment, cette situation catastrophique favorise leur utilisation par des réseaux mafieux, aggravant encore leur exclusion.

La criminalité rom a explosé les dernières années, prenant des formes spectaculaires, comme les vols à la tire en masse au musée du Louvre qui ont entraîné une grève de son personnel. 

Ces actes augmentent bien évidemment l'hostilité à leur égard, ce qui là encore aggrave leur coupure d'avec le reste de la société.

L'autre problème rom est leur difficulté à s'organiser. Depuis les années 70 ont été créés une union romani internationale et un drapeau, sous le patronage de l'Inde qui se reconnait une lointaine parenté avec ce peuple.

Mais il manque un niveau de représentation des Roms, un interlocuteur qui serait audible au niveau des gouvernements concernés et qui reflèterait réellement les populations roms et leurs besoins et demandes.

Par ailleurs un document a été rédigé et remis à l'UE, des politiques d'insertion sont expérimentées de ci de là, chaque état fait (ou ne fait pas) sa petite tambouille pour gérer ses Roms ou ceux qu'il récupère.

Mais il manque aussi et surtout une vraie volonté politique de traiter cette question à l'échelle du continent, le seul niveau qui pourrait être efficace.

En attendant, aujourd'hui les Roms sont dans une situation épouvantable, indésirables partout, intégrés nulle part, ils vivent dans des conditions scandaleuses au sein du continent le plus riche du monde et ils ne sont évoqués par les politiques, qu'ils soient de gauche ou de droite, que pour des questions bassement électorales et sans aller au fond du problème.

Juifs et Roms représentent deux réalités de notre continent, deux groupes très anciens avec lesquels les autres européens ont interagi au cours des siècles. Puissent-ils en ces temps compliqués y trouver une place légitime et incontestée.

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