jeudi 28 juin 2018

Cinema (19): Dingo

A tort ou à raison, le jazz m'a toujours semblé être une musique suscitant tout particulièrement la passion, une passion plus exigeante et violente que la pop, le rock ou autre.

Peut-être est-ce moi qui lui donne un côté monument sacré, comme la musique classique (peut-être même plus que la musique classique) parce que j'ai toujours eu du mal à rentrer dedans? Ou alors est-ce le côté virtuose, censément plus prononcé dans le jazz? Le côté instrumental?

En fait je ne sais pas, mais j'ai toujours ressenti une sorte de complexe d'infériorité de ne pas savoir apprécier la blue note.

Le jazz est en tout cas la passion de Dingo, le héros du film éponyme dont je vais parler aujourd'hui, sorti en 1992 et réalisé par le cinéaste australien Rolf de Heer, et une grand partie de son sujet.

Dingo est le surnom d'un habitant d’un village perdu dans le bush australien, dont la vie banale, entre familles et amis, va être littéralement bouleversée par un événement extraordinaire.

Alors qu’il n'est qu'un enfant, un avion doit en effet se poser en catastrophe sur la route de son village, du fait d’une quelconque avarie.

Or cet avion transporte un trompettiste de génie, Billy Cross (interprété par Miles Davis) qui profite de la halte pour improviser avec son groupe un petit concert pour les habitants du village.

Ce show est une véritable révélation pour le petit garçon, à qui le trompettiste, voyant sa fascination, suggère de venir le voir à Paris dans quelques années, "quand il saura jouer".

A partir de là, la vie de Dingo est toute entière tendue vers l’idée de ce voyage à Paris et vers l'apprentissage de la trompette.

Littéralement dévoré par sa passion, il lui sacrifie tout, composant chez lui, jouant inlassablement et ne parlant que de son but à tout le monde, se faisant charrier sans cesse sur le sujet...

Une scène frappante illustre bien le décalage. Alors qu'il anime un bal avec des musiciens du coin, il se lance tout à coup dans un solo aérien, complexe et onirique, larguant ses collègues et cassant complètement l’ambiance festive.

Reprenant conscience à la fin, il se rend compte du silence et l'on voit les regards mi-énervés mi-sidérés d’un public qui ne le comprend absolument pas.

Après des années passées à mettre de l’argent de côté (dans le dos de sa famille) et à envoyer ses compositions au maître, il finit par se faire inviter de nouveau par celui-ci à Paris.

Cassant la tirelire et armé de son seul enthousiasme, il va alors quitter le bush et prendre l’avion pour les antipodes.

La rencontre tant attendue a lieu, et comme dans ses rêves, il se retrouve à faire le bœuf dans une boîte à jazz parisienne avec Billy Cross lui-même, que sa visite a convaincu de sortir de la retraite où il s'était retiré, blasé.

Mis en avant par les musiciens, il réussit, dans un solo mémorable, à véritablement sortir son âme de sa trompette, renvoyant vers l'assistance l'image des longues soirées au milieu des immensités de l’outback australien qui ont façonné sa musique.

Un outback où il va en fait revenir, enfin apaisé et convaincu que là y est sa place, dans son univers, près de sa famille et de la source de ses rêves et de son inspiration.

Film sans prétention, Dingo m’a néanmoins beaucoup touché, à la fois pour les portraits de gens simples et attachants, pour cette description de la transcendance que peut constituer la musique et pour l’espèce de sagesse malicieuse dont fait preuve le réalisateur.

Une peu comme La visite de la fanfare dont j’espère parler un jour, ce film fait du bien, montrant que l’humanité se niche finalement partout, que les rencontres sont toujours possibles et souvent bénéfiques, et que les rêves trop grands peuvent quand même parfois se réaliser.

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