mardi 24 août 2021

Suicidal Tendancies

Aujourd’hui (le jour où j’ai commencé ce post) une collègue de ma femme vient de se suicider en sautant du 5e étage de leur lieu de travail.

Elles avaient partagé le même bureau il y a quelques années, et sympathisé avant de s’éloigner pour diverses raisons.
 
Quadragénaire divorcée, mère d’une fille de 16 ans, l’événement a bien entendu choqué tout son entourage, même s’il était connu qu’elle n’allait pas bien depuis des années.

L’an dernier ce sont d’anciens collègues de mon premier emploi qui m’ont appris que l’un d’entre eux avait lui aussi fait le grand saut en se supprimant.

Ces deux personnes étaient des quadras CSP+, intégrés économiquement.

Quand je remonte le temps, mon premier suicidé était un ouvrier qui venait creuser à la pelleteuse des mares dans mon village et que l'on avait retrouvé pendu.

Il y eut aussi un mec de ma famille éloigné, dont le seul souvenir que j’ai est qu’il parlait très fort (il semble qu’il ait été alcoolique). C’est son fils qui l’a trouvé au bout d’une corde (je ne sais pas comment ni s'il s'en est remis).

Plus récemment, deux agriculteurs de mon village y sont aussi passés, très jeunes dans les deux cas. Ceux qui s’intéressent au sujet savent que cette profession paye un lourd tribut sur ce plan-là: ils sont même en tête en nombre de suicidés par CSP.

Les paysans sont durs à la peine, demandent rarement de l’aide et quand ils n’en peuvent plus, ils ont tendance à se tuer. L'isolement croissant et l'abandon des campagnes sont des facteurs évidemment aggravants.

On sait que le suicide fait classiquement partie des premières causes de mortalité chez les jeunes (2e cause): de tristes faits divers, impliquant de plus en plus les réseaux sociaux, nous le rappellent trop régulièrement.

On sait moins que ce n’est pas non plus si rare chez les plus âgés, même si les anciens se  suicident plus souvent en se laissant mourir et ne faisant plus faire attention à eux.

C’est aussi un acte plus masculin (3 fois plus que les femmes) et sur représenté chez les homosexuels (un quart des ados suicidaires !).

Si l’on regarde au niveau mondial, c’est la Lituanie qui détient le triste record du taux de suicide et la France est quand même 17e (sur 183 pays).

On note que beaucoup de pays riches (Corée du Sud 4e, Belgique 11e, Japon 14e)  tiennent la tête du classement, alors que certains, dont l’actualité semble tout le temps tragique (Syrie 179e, Somalie 141e, Afghanistan 137e) se suicident peu.

Est-ce à dire que le suicide est une sorte de luxe? Ou un corolaire de l'individualisme? Ou bien que la religion (qui condamne souvent cet acte) est un garde-fou efficace? Peut-être un peu de tout ça.

Au sein même des pays, on a aussi le cas de communautés ou minorités plus touchées, comme les Amérindiens, en Guyane ou ailleurs. Le poids du traumatisme historique et la relégation sans espoir doivent jouer dans ce cas.

Cela va dans le sens d'une réaction à une perte de sens, que l'on retrouve souvent chez les gens qui en finissent.

L'ex-collègue dont je parle au début était un idéaliste, la collègue de ma femme une personne profondément frustrée de ne pas avoir ce qu'elle estimait être son dû.

Chez les gens célèbres qui franchissent le pas, qu'il s'agisse de Dalida, Ian Curtiss ou tant d'autres on trouve aussi ce sentiment d'une vie sans issue.

Un cas particulier est celui des gens qui souhaitent partir pour des raisons médicales, pour ne pas déchoir complètement et/ou souffrir inutilement. Le débat de savoir s'il faut les assister reste ouvert, certains pays l'autorisant, d'autres non.

Un autre cas est celui du suicide rituel ou religieux, qu'il s'agisse du très connu seppuku japonais ou des non moins célèbres et tristement actuels terroristes qui se font sauter au nom d'Allah.

Le modus operandi d'un suicide est très variable. La pendaison, voire le coup de fusil, sont plus masculins, les médicaments plus féminins.

En Ile-de-France métros et RER sont suffisamment prisés pour qu'il y ait plus d'un mort par suicide chaque jour (je crois avoir lu 450 par an sur tout le réseau...).

Les réactions face à un suicide sont généralement de deux ordres: il y a ceux qui parlent de courage, et ceux qui considèrent que c'est lâche.

En ce qui me concerne, j'ai tout d'abord de la compassion pour la personne qui met fin à ses jours, mais également une forme d'admiration et de connivence.

Régulièrement je trouve la vie si absurde et fatigante que je peux comprendre le suicide.

Comme tout le monde je crains la mort, même si beaucoup moins que la déchéance de mes capacités physiques et intellectuelles, mais la Camarde a ce côté rassurant qu'elle mettra un terme à tous nos fardeaux, tous nos problèmes, toutes nos révoltes.

Bref, je comprends que la mort puisse sembler désirable, et j'avoue que j'ai moi-même quelques fois pensé à en finir. L'image de mes parents, et maintenant celle de mes enfants, m'a cependant toujours arrêté. Et puis je ne devais peut-être pas être si désespéré que ça.

Le suicide est un acte grave et irréversible, mais au fond il n'est qu'une rencontre anticipée avec l'événement le plus important de notre existence, celui que l'on met une vie à apprivoiser et admettre, bien souvent sans y arriver: notre mort.

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