mardi 16 juillet 2013

Prendre les transports en commun, moi? Jamais!

Plus jeune, j'étais un grand adepte du train. N'aimant pas la voiture, n'en possédant pas, étant du genre rêveur qui a du temps, un peu écolo, un peu fauché, les transports en commun me semblaient l'idéal.

Ils m'emmenaient d'un point A à un point B sans que je me soucie de devoir conduire, ce qui me laissait du temps pour lire, écouter de la musique ou finir ma nuit, leur coût était modique, pourvu que j'ai un abonnement, il n'y avait pas de frais d'entretien ou d'assurance, etc.

Je me souviens avoir alors pensé qu'il fallait être fou pour aller travailler ou faire les transports quotidiens en voiture, à plus forte raison dans le bouchon permanent de l'Ile-de-France, et m'être étonné du nombre de gens qui le faisaient.

Quelques années de TER quotidien m'ont amené dans un premier temps à nuancer mon idée de transport idéal, un mois de grève par an représentant tout de même une nuisance assez sérieuse.

Et puis surtout, dix ans d'Ile-de-France m'ont dégoûté des transports en commun, et les discours des prétendus écologistes (généralement vivant et travaillant dans Paris intramuros) ont le don de me hérisser le poil. Aujourd'hui je rêve de voiture ou plus encore d'aller travailler à pied.

Les causes de ce rejet sont simples et archi connues.

Premièrement il y a les conditions inconfortables qu'on subit dans des rames surpeuplées, où trouver une place assise est une gageure, surtout si on s'éloigne du centre de Paris.

La vétusté de beaucoup de ces infrastructures, la saleté, la chaleur extrême alliée à des courants d'air glacés, tout cela concourt à faire du voyage un moment "physiquement" désagréable.

Deuxièmement il y a les gens avec qui l'on voyage et qu'on doit subir.

Racailles véhémentes (dont certaines, comme dans le RER D à Grigny, ressuscitent l’époque des attaques de diligence), voyageurs stressés agressifs et prêts à tout pour rentrer dans leur rame, seuls-au-monde bruyants qui font subir musique et téléphone à leur voisinage, étendent leurs jambes ou posent leurs sacs, cinglés, musiciens du dimanche, dégueulasses ou alcooliques posés dans un coin avec leur crasse, mendiants...il faut pouvoir supporter. Et la répétition perpétuelle de ces scènes rend parfois difficile de garder un oeil détaché d'anthropologue.

Enfin, le principal problème, et le plus important, c'est l'irrégularité chronique des transports en commun, l'aléatoire, l'impossibilité de pouvoir compter sur son ou ses moyens de transport de façon régulière et sûre.

Il y a des retards, des arrêts intempestifs, des suppressions, entrainant un décalage qui peut être énorme entre l'horaire prévu et l'horaire effectif, décalage multiplié par le nombre de correspondances et amplifié par les réactions en chaine et par le nombre de personnes impactées, selon l'effet "domino" bien connu.

Une heure de retard peut avoir des conséquences quand on doit par exemple récupérer ses enfants à une heure donnée ou tout simplement faire son quota de sommeil.

Pourquoi ces retards? Les raisons en sont variées.

Certaines sont liées aux deux problèmes précités.

La vétusté des infrastructures entraine en effet un certain nombre de pannes, de problèmes techniques à résoudre. Cette vétusté est due à la fois à l'âge du matériel et au sous-investissement chronique des trente dernières années

En effet, l’Etat a longtemps consacré l’essentiel de son effort au développement des TGV, et n'a pas accompagné l'extension permanente de l'Ile-de-France (plus de 11.000.000 de Franciliens aujourd'hui contre environ 8.000.000 en 1961, année du début de la construction des RER). Bien évidemment, cette sur utilisation augmente d'autant l’usure des infrastructures existantes.

Le comportement des usagers est aussi une cause de retard.

Statistique macabre: on dénombre 450 suicides ferroviaires sur le réseau francilien chaque année, avec pour chaque désespéré se jetant sous un train ou un métro des retards liés aux interventions des pompiers, de la police, etc.

Corollaire de la surpopulation, il y a les malaises, lesquels entrainent des retards, qui entrainent l’entassement d’encore plus de gens dans chaque wagon, et donc d'autres malaises, etc.

Enfin il y a tous ceux qui fraudent, qui vandalisent le métro, cassent les tourniquets, dégradent les gares, bombent les trains, actionnent gratuitement les alarmes, etc, pour aller jusqu'aux poseurs de bombes, à ceux qui jouent à faire des alertes, voire aux effets collatéraux de l’installation des camps de Rroms (les usagers d’un RER desservant le 93 ont dû passer la nuit dans une gare suite à un feu fait sous un pont par des Tziganes !).

Une intervention de la police, des pompiers ou du déminage coûte quelques heures, et tout l'argent perdu à nettoyer, réparer, arrêter est de l'argent qui n’est pas investi ailleurs.

Le troisième ensemble de raisons, et le dernier, relève plutôt du politique.

Comme je le disais, l’État a longtemps négligé d'accompagner l'augmentation régulière du nombre d'usagers et la densification de la région. Le lancement du "Grand Paris" enfin validé vise à corriger le tir mais sera très long à mettre en œuvre, surtout étant donné son coût faramineux et le contexte de réduction des dépenses.

Et puis il y la gestion de l'exploitation proprement dite.

La SNCF, champion national des jours de grève par salarié, bloque le réseau avec une régularité qu'on aimerait voir appliquée aux horaires de ses trains, et c’est vrai sur toutes les lignes, pas seulement les franciliennes.

Un autre cauchemar des usagers d’Ile-de-France est celui des lignes dont l’exploitation est faite en commun par la RATP et la SNCF, comme le RER B.

Un changement de conducteur est systématiquement opéré au milieu du trajet, et chaque fois que pour rationaliser l’exploitation il a été question de prendre un seul chauffeur d'un bout à l'autre du trajet, il y a eu levée générale de boucliers, grèves et compagnie.

Entendons-nous bien, la SNCF, deuxième entreprise ferroviaire mondiale, doit gérer au quotidien un parc consistant et pallier à des manques politiques, ce n'est pas forcément facile et elle ne peut pas faire de miracles.

Mais elle est bel et bien une partie du problème par le comportement scandaleux de ses syndicats qui agissent comme un lobby des cheminots au détriment de la mission de service public qui lui est confiée.

Une fois tous ces problèmes posés, que pourrait-on, que devrait-on faire ?

La solution est évidemment en premier lieu politique.

L’augmentation de la capacité aux endroits où c’est nécessaire, une politique rigoureuse de sanction envers la fraude, l’incivisme ou les dégradations, la fin des grèves de complaisance, sauvages et/ou injustifiées, tout cela relève de l’État. État qui renâcle à agir essentiellement pour une raison précise.

Le coût social (et électoral !) d’un conflit ouvert avec les syndicats du train joue bien évidemment, surtout pour un gouvernement de gauche qui ne doit pas perdre sa clientèle fonctionnaire, mais le vrai souci porte là encore sur le nerf de la guerre, à savoir le budget.

Un vrai projet de refonte des transports en commun coûterait en effet cher, très cher. Il obligerait à trouver de l’argent, et également à des coupes douloureuses sur certaines lignes secondaires non rentables (contrecoup électoral assuré) ainsi qu’à une inévitable hausse du coût du billet.

Peut-être faudra-t-il un électrochoc, comme l’explosion du prix du baril de pétrole pour lancer le chantier ? C’est ce qu’imagine Dalibor Frioux dans son excellent livre "Brut".

En attendant ce moment hypothétique, je fais partie des 11.000.000 de personnes qui subissent un système poussif et épuisant et qui maudissent les transports en commun plusieurs fois par semaine…

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