vendredi 11 avril 2014

Nauru

La première fois que j'ai entendu parler de l'île de Nauru, c'était pendant un cours d'anglais à l'IUT. Je ne me souviens plus exactement de quoi il était question, mais je me rappelle encore d'une voix enregistrée commençant son histoire par "Landing in Nauru...".

J'ai retrouvé cette île bien plus tard, dans un reportage télé sur son histoire édifiante, puis j'en ai de nouveau entendu parler lors de la crise de Crimée. C'est cet évènement qui m'a inspiré ce post.

Introduction

Nauru est une petite île du Pacifique (21,3 km²), située grosso modo à l'intersection du parallèle supérieur de l'Indonésie et d'un méridien traversant la Nouvelle-Zélande.

Très isolée et peuplée de moins de 10.000 habitants, la plupart de souche micronésienne ou mélanésienne, elle est considérée comme la plus petite république du monde.

Son histoire est assez classique de la région.

Peuplée d'indigènes divisées en tribus, elle a ensuite été "découverte" par des navigateurs européens, puis colonisée et évangélisée (aujourd'hui 2/3 des Nauruans sont protestants, 1/3 catholiques).

Les premiers tuteurs de l'île furent les Allemands, qui la perdirent pendant la première guerre mondiale, en même temps que le reste de leur empire.

Elle échut alors à l'Australie, connut une brève -et douloureuse- période japonaise pendant la seconde guerre mondiale, avant d'accéder à l'indépendance en 1968.

Le pays du phosphate

Mais la caractéristique majeure de Nauru, celle qui la distingue de ses voisins et rend son histoire singulière, c'est qu'elle contenait un gigantesque gisement de phosphate.

Découvert au début du XXième siècle dans l'intérieur des terres, il fut tout d'abord exploité par les puissances colonisatrices, puis par l'état nauruan à partir de l'indépendance.

Cette ressource abondante permit au pays d'atteindre un niveau de vie exceptionnellement élevé. A l'instar du pétrole pour d'autres états, la rente du phosphate assura longtemps au pays un PIB colossal, Nauru ayant même en 1974 le deuxième PIB par habitant de la planète.

Les premières années d'indépendance furent fastes, avec une consommation frénétique de biens importés et l'adoption de modes de vie occidentaux: voitures, climatisation, suréquipement...

L'état, de modèle dirigiste, dépensait alors sans compter, multipliait les investissements immobiliers à l'étranger, allait jusqu'à créer sa propre compagnie d'aviation (pour un pays de 9.000 habitants !).

Puis arrivèrent les années 90, et avec elles le tarissement du gisement.

Bien que cet événement ait été prévu depuis longtemps, le pays fut néanmoins pris de court.

Une gestion des finances publiques calamiteuse et court-termiste, la corruption et le détournement de fonds, l'absence de vision entrainèrent Nauru dans une spirale infernale.

Les biens acquis par les gouvernements furent vendus un par un pour éponger des dettes grandissantes, puis finalement ce fut la faillite.

L'ère de la survie

Ainsi, après avoir connu le paradis, les nauruans se retrouvèrent brusquement en enfer.

Les biens de consommation devinrent brutalement inaccessibles, des années d'excès en tout genre firent exploser les problèmes de santé (l'obésité et le diabète se généralisèrent, l'espérance de vie se mit à chuter), la courbe du chômage s'affola et la fin de l'exploitation minière révéla une île ravagée d'un point de vue écologique.

Devant un tel désastre, les gouvernements qui se succédèrent se mirent à tout tenter pour renflouer les caisses, recourant à des moyens pas toujours recommandables.

Ils commencèrent par porter plainte contre les anciens colonisateurs pour avoir détruit leur île avec l'extraction du phosphate, pour laquelle ils n'avaient évidemment pas demandé d'autorisation.

Ensuite, ils devinrent un des nombreux états blanchisseurs d'argent du globe.

Puis ils se mirent à vendre leur nationalité à qui voulait bien payer : de nombreux mafieux se ruèrent sur cette opportunité.

Un autre moyen plus original de récupérer de l'argent fut de monnayer leurs voix dans les organismes internationaux.

Ainsi, Nauru est l'un des rares états à reconnaitre Taïwan (qui apparemment possède une ambassade sur l'île !).

Ils ont également vendu au Japon leur soutien dans leur demande de relancer la chasse à la baleine.

Et ils ont reconnu, en échange de plusieurs millions de roubles versés par Moscou, l'indépendance de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie.

La dernière source de revenu trouvée par Nauru fut d'accepter de sous-traiter la gestion de l'immigration clandestine de leur ancienne métropole.

Celle-ci a en effet ouvert des camps sur l'île, où sont détenus les candidats à l'installation en Australie mais qui sont gérés, moyennant finance, par les nauruans.

Cette politique étant contestée en Australie comme à l'extérieur, cette importante source de revenus devrait néanmoins finir par échapper elle aussi à Nauru, qui devra prendre de nouvelles mesures pour essayer de s'échapper de la situation dramatique dans laquelle elle est tombée.

Parabole?

Cette histoire m'a parue édifiante par l'exemple qu'elle donne: un pays riche de ressources qui flambe tout sans vraiment réfléchir au lendemain, jusqu'à atteindre un point de non retour après lequel tout le monde tombe dans la misère.

Difficile de ne pas faire le parallèle avec un certain discours sur notre planète...

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