vendredi 27 juin 2014

L'autre culture italienne

De l'Italie, on a tous des images un peu cliché.

On pense au café, à la pizza, au football, au romantisme, à l'opéra, aux vieilles pierres, un peu à la mafia, aux machos clinquants, aux filles ultra féminines que l'âge convertit en mamas obèses et hystériques, aux conducteurs du dimanche...

On réduit bien souvent ce pays à un espèce d'eldorado touristique raffiné et dépaysant, à un folklore un peu basique.

Pourtant l'Italie ce n'est évidemment pas que ça. C'est même le pays d'Europe dont la France se rapproche le plus, bien plus que de l'Allemagne ou du Royaume-Uni auxquels on a pourtant plus tendance à se comparer.

Histoire, religion et langue bien sûr, mais aussi puissance et modèle économiques, adhésion à l'UE, dichotomie nord-sud, gastronomie nous rapprochent.

Sans même parler de la longue immigration italienne en France, directe ou via nos colonies maghrébines.

L'Italie c'est aussi, on l'oublie souvent, la troisième puissance économique de la zone euro. Au nord du pays s'est développée une économie puissante, basée sur un important tissu de PME très réactives et s'adaptant au plus près aux demandes du marché.

Dans ce post, je voudrais évoquer un aspect de l'Italie auxquels on ne pense pas forcément, à savoir le fait qu'il a longtemps été le paradis de la sous-traitance de produits culturels et également un grand pourvoyeur souterrain dans ce domaine.

Le cinéma

On ne présente pas le cinéma italien. Les réalisateurs et acteurs de facture internationale y sont légion, et l'après-guerre a fourni un important lot de chefs d’œuvre et de monstres sacrés: Sergio Leone, Luchino Visconti, Michelangelo Antonioni, Federico Fellini derrière la caméra, Sophia Loren, Marcello Mastroianni ou Gina Lollobrigida devant, etc, etc.

On peut y ajouter tout ce que l'importante diaspora italienne a donné au monde: que serait le cinéma français sans Lino Ventura, Yves Montand ou Claudia Cardinale, le cinéma américain sans Al Pacino, Martin Scorsese ou Les Coppola?

Mais au-delà de cette vitrine prestigieuse et très connue, l'Italie a aussi produit des myriades de films de genre, inventant même dans certains cas un style particulier.

Citons le western spaghetti, qu'on dit créé par l'extraordinaire Sergio Leone. Ce genre fut baptisé ainsi par les Américains, persifleurs devant ces Européens qui avaient la prétention de vouloir réinventer un type de film 100% yankee.

En vérité la copie est pourtant souvent bien plus intéressante que l'original, loin du moralisme hypocrite et étouffant des westerns classiques, trop souvent autoglorification et réécriture de l'histoire.

Au contraire, dans les spaghettis, les héros sont cupides, la loi est absente, la violence omniprésente et sanglante, les personnages complexes.

Deux de mes films préférés sont des westerns spaghettis: Il était une fois dans l'ouest et Et pour quelques dollars de plus m'envoûtent à chaque fois que je les vois (j'ai même été voir une rediffusion du premier au cinéma).

Derrière les grandes productions de Sergio Leone ont suivi une myriade d'autres petits westerns, au budget plus léger, à l'intrigue plus fine, bref un cinéma dit de Série B, produit à peu de frais et en grande quantité et toujours de l'autre côté des Alpes. Parmi les plus aboutis de ces films on a ceux de Sergio Corbucci (le plus connu étant Django) qu’on a parfois qualifié de Leone du pauvre.

Un autre genre typiquement italien est ce qu'on appelait les giallos, films policiers très stylisés, teintés d'érotisme et d'horreur.

Ce genre connut un grand succès pendant une vingtaine d'années (ICI un lien intéressant sur le sujet) et ce style imprégna en profondeur le cinéma italien. Dario Argento en fit un certain nombre.

A noter le rôle de Mussolini dans le développement du cinéma italien. C'est en effet le dictateur fasciste qui mit en œuvre le projet de Cinecitta, sorte de Hollywood transalpine qui offrit des moyens conséquents à l'industrie du film.

A noter aussi une particularité de ce cinéma, son orientation décomplexée et assumée vers l'exportation.

Pour cela, on recrutait des acteurs américains que l'on faisait venir sur place, certains s'y installant pour de longues années (comme Woody Strode) et y faisant carrière.

Beaucoup d'acteurs du cru prenaient également un pseudonyme américain, par exemple Mario Girotti, alias Terence Hill et son acolyte Carlo Pedersoli, alias Bud Spencer, dont les pantalonnades eurent un grand succès.

 L'Italie, capitale de la musique des années 70-80

L'Italie a également marqué la musique pop contemporaine. On en est moins conscients parce qu'à l'instar du cinéma, les producteurs ont visé l'international dès le début. Ils ont donc chanté en anglais et utilisé force pseudonymes et/ou chanteurs anglo-saxons recrutés pour l'occasion.

Le style italo-disco fit les beaux jours des discothèques européennes entre la fin du disco et le début de la dance music.

De nombreux artistes, souvent des "one hit wonder" au succès météorique, furent lancés, produits et enregistrés en Italie, et derrière pléthore d'entre eux on retrouve les quelques mêmes personnes clé.

Les amateurs de compilation des années 80 seraient ainsi sans doute surpris d'apprendre que les hits Tarzan boy, Under the ice, Comanchero ou Girl of Lucifer sont de purs produits italiens...

De même, nombre de pop stars françaises, de celles dont on entend parfois dire qu'à leur époque au moins on chantait en français, allaient chercher l'inspiration de l'autre côté des Alpes.

Quelques hits mémorables de Joe Dassin sont des reprises italiennes (Le Petit Pain au chocolat ou L'été indien notamment) et les plus grands succès de Jeanne Mas, prêtresse des années 80, ne sont souvent que des VF du hit parade italien.

Ces dernières années, l'Italie a plus fait plus parler d'elle pour sa dette, les frasques de sa classe politique (dont l’inénarrable Berlusconi) et le désespoir de sa jeunesse (qui se raréfie autant que les familles étaient jadis prolifiques) que pour sa production culturelle.

Gageons que ce pays étonnant, si riche et débrouillard saura rebondir, nous donnant peut-être l'exemple qui nous manque.

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