mardi 1 mars 2016

Des Noirs à l'Est

La première fois que je suis allée en Roumanie, le RER m'amenant à l'aéroport était bloqué (vivant à l'époque en province, j'ignorais qu'avec ces poubelles il faut toujours prévoir au minimum le double de temps pour espérer arriver à l'heure), j'ai commencé à discuter avec les gens.

Je me souviens d'une Africaine, sénégalaise il me semble, qui à l'annonce de ma destination, me gratifia d'un regard effrayé en me disant "Mais c'est pauvre ce coin-là !", un peu comme si j'allais dans un endroit foncièrement dangereux. 

Au-delà de l'anecdote, cela m'a montré que la méconnaissance entre Afrique et Europe de l'Est était largement partagée.

J'ai en effet entendu bien des choses fantaisistes sur les Noirs en Roumanie, et quand j'y suis allé accompagné par une amie guadeloupéenne, elle attirait les regards comme un aimant. Certains enfants restaient même bouché bée devant elle.

Pourtant du temps du communisme des relations s'étaient instaurées entre les républiques populaires attachées à promouvoir leur modèle et les jeunes états africains qui, communistes ou non, cherchaient à sortir des liens exclusifs avec les ex-puissances tutélaires.

C'est ainsi que plusieurs étudiants béninois, angolais et d'autres pays se retrouvèrent un temps sur les bancs des facultés de Prague, Sofia, Bratislava ou Bucarest.

Ils y étudièrent, notamment la médecine, y apprirent les langues locales et pour certains s'attachèrent au pays. Quand ils y restaient.

Il arrivait en effet que les aléas politiques les obligent à plier bagage, parfois du jour au lendemain, comme me l'a raconté un professeur roumain qui vit une promo entière de ses élèves africains disparaitre un jour sans explication.

Dans le cadre de la guerre froide, l'URSS et ses alliés accueillirent aussi des Afro-Américains en délicatesse avec l'Oncle Sam, les utilisant ultérieurement pour leur propagande.

L'errance de plusieurs membres des Black Panthers (dont Georges Wright ou Jean Mc Nair) en mènera certains en URSS ou dans un pays frère, comme l'Algérie de Boumediene.

Lorsque le mur tomba, la plupart de ces gens rentrèrent au pays et furent vite oubliés, tant par leurs ex-hôtes que par leurs pays d'origine, tous pressés de tourner la page communiste.

Cette décision fut encouragée par la vague de nationalisme parfois raciste qui touche les pays de l'Est et par les difficultés économiques dans lesquelles ils se débattaient.

Toutefois un certain nombre d'Africains restèrent sur place, souvent mariés avec une locale, leur parcours original tombé dans les limbes des accidents de l'histoire.

Ce reportage trace le portrait de quelques uns des protagonistes de leur étonnante saga.

Celui-ci se penche sur les descendants des Afro-Américains soviétiques et leur difficile acceptation par la Russie.

De mon côté, j'ai été intéressé par ce sujet suite à une rencontre.

J'étais dans un bureau de poste français, en train d'envoyer un colis pour la Roumanie.

En entendant mon destinataire, l'Africaine qui me suivait dans la queue engagea la conversation et me parla de ses études à Bucarest, avec un plaisir manifeste.

Je vis sur son passeport qu'elle était origine de R.D.C, mais je ne sus jamais à la suite de quels rebondissements elle avait atterri dans cette petite ville de la province française après avoir connu la Roumanie.

Je terminerai en notant que cette politique d'échanges inter communistes ne concerna pas seulement l'Afrique: j'ai rencontré une Vietnamienne dont le père vécut un temps en RDA.

D'autre part, elle se fit dans les deux sens, avec des coopérants russes partis semer la bonne parole aux quatre coins du monde.

Il ne semèrent d'ailleurs pas que la bonne parole: dans son livre Passions arabes, Gilles Kepel raconte avoir plusieurs fois rencontrés des métis nés dans la partie du Yémen qui était communiste.

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