vendredi 2 mai 2025

Chanson (25) : Ceausescu n-a murit

Je ne saurais dire si Ada Milea, l'artiste roumaine dont j'évoquerai un titre aujourd'hui est une star ou une chanteuse anecdotique dans son pays.

Quelques recherches m'ont appris qu'elle avait mon âge, qu'on l'interviewait dans plusieurs magazines et qu'elle était connue pour son originalité et son côté underground.

De mon côté je l'ai rencontrée à travers la chanson dont je voudrais parler aujourd'hui, Ceausecu n-a murit, choisie pour illustrer un documentaire sur le célèbre dictateur éponyme, sans doute l'un des plus fascinants du bloc de l'Est.

Milea avait 14 ans à la chute de son régime. Elle l'a donc bien connu, suffisamment pour en avoir des souvenirs concrets.

Elle à également dû gouter à l'interminable période de transition qui suivit l’exécution du dictateur et vu la Roumanie franchir les étapes de l'adhésion au club des pays européens jusqu'à devenir un membre à part entière de l'UE.

Dans cette chanson, elle semble s'interroger sur le legs du Conducator et le rapport ambigu qu'entretiennent les Roumains avec lui, entre nostalgie et répulsion, bien loin en tout cas de l'image en noir et blanc que nous imaginons souvent à l'Ouest.

Ce morceau très court est épuré.

Milea chante, de manière vaguement martiale et un peu mélodramatique (peut-être de l'ironie dont elle semble coutumière?), s'accompagnant d'une guitare sans fioritures, et c'est tout.

La mélodie va à l'essentiel mais ce qui m'avait marqué c'étaient bien ses paroles, aussi simples que puissantes.

Si je traduis grossièrement, Milea dit que Ceausescu n'est pas mort et que l'Histoire a trompé les Roumains.

Pour eux il reste une maladie, une école, il est présent dans chaque citoyen, dans chaque immeuble et chaque usine du pays.

Sa langue de bois se promène toujours dans tous les discours du pays, et au final tous les Roumains sont un peu des Ceausescu.

Ces images sont brutes et directes, mais elles expriment exactement la marque que le tyran a laissé sur le pays pendant ses décennies de pouvoir.

Elles rappellent aussi le fait que les peuples ne cherchent pas seulement le bonheur et la justice, et qu'un homme fort et charismatique suscitera autant d'admiration que de haine, et toujours une nostalgie avec le temps.

Les Français avec Napoléon, les Italiens avec Mussolini, les Russes avec Staline, les Portugais avec Salazar, les Burkinabés avec Sankara, les Argentins avec Péron...la liste est longue de ces amours ambiguës mais bien réelles, et je dirais même indispensables pour qu'un dictateur puisse durer.


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