jeudi 10 septembre 2009

Musique (2): French Hip-Hop

Il parait que la France est le deuxième pays du hip-hop, même les anglo-saxons le disent (en l'occurrence, The Economist).

Notre pays est étonnant. 

Sous le couvercle historico-classique qu'on se vend et qu'on vend encore plus aux étrangers semble bouillonner une sous-culture très vivante, animée par tout un tas de jeunes et moins jeunes issus de nos Banlieues, qui paraissent partagés entre le rejet de tout cet héritage et l'envie de s'y rattacher.

Au final, y a pas mal de rappeurs (et peut-être surtout de rappeuses) qui se raccrochent sans complexe à la variété. On en trouve qui samplent des classiques français ou européens (Gainsbourg, du traditionnel italien, Iglesias, Claude François...), et même certains qui revendiquent une filiation avec la chanson contestataire et réaliste française.

Par exemple Joey Starr, co-leader quadragénaire des légendaires NTM, a appelé un de ses albums "Gare au jaguarr" (je sais plus combien de "r" y avait) en hommage à Brassens, et a aussi intitulé une de ses chansons "Avec ma gueule de métèque" en référence à Moustaki... 

Je suis un peu perplexe devant tout ça. 

Le hip-hop m'est complètement étranger, même si certains titres peuvent me toucher. Je n'aime pas leur look, leurs phrasés et gestes m'agacent, leur américanophilie m'irrite...mais est-ce que je ne réagis finalement pas comme mes grands-parents devant Johnny Hallyday?  Est-ce si différent?

Au fond se joue là sans doute l'éternelle question de la succession des générations, et mon irritation indique peut-être simplement que j'ai vieilli.

Certains points tranchent cependant entre cette génération et la/les précédentes, je trouve. 

Déjà, les thématiques des rockeurs et des punks, si elles traitaient de l'injustice, de la rue, de l'oppression et de la lutte des classes, étaient presque totalement en dehors des questions ethniques et raciales qui bercent le rap. Il n'y avait pas ce côté "culture du ghetto" où nos immigrés se voient comme un équivalent des noirs des US.

D'ailleurs même si les passerelles sont nombreuses (et heureusement) on peut dire qu'on a initialement le rock, le punk et le gothique pour les blancs, et le rap pour les non blancs. 

Ensuite, le rapport à la religion aussi est différent.

Alors que les rockeurs et les punks chiaient sur l'église et le christianisme, s'en moquaient ou le condamnaient, bon nombre de rappeurs musulmans dédient leur album au Très-Haut, font de l'islam des thèmes de chanson ou le revendiquent comme source d'inspiration.

Enfin, il y a un autre point de divergence très marquant: la langue. 

En effet, alors que rockers et punks furent/sont très nombreux à chanter dans la langue de Shakespeare (ou dans un yaourt s'en approchant !), l'écrasante majorité des rappeurs semble avoir choisi le français, leur langue d'expression naturelle (je dis semble car je ne suis quand même pas un exégète).

Ce choix est à noter car comme pour le rock et le punk, le rap est originaire du monde anglo-saxon, et donc aurait pu susciter l'envie de chanter comme eux. C'est d'autant plus étonnant quand on sait que la majorité de nos rappeurs est d'origine étrangère ou ultramarine: Italiens, Portugais, Comoriens, Chypriotes, Turcs, Antillais, Tchadiens, Camerounais, Maliens, etc, on retrouve toute l'histoire de l'immigration dans le rap français.

The Economist insistait sur le fait que l'émergence de cette scène avait certainement été favorisée par la loi des quotas de diffusion imposée aux médias dans les années 80: depuis cette date il est interdit de diffuser moins de 40% de musique française (un truc dans le genre). 

Bref, on a à la fois un truc vieux comme le monde et quelque chose de nouveau, puisque avec le hip-hop est apparue en France une culture ethnique, une musique de "non-blancs" qui est une sorte de pendant de la communauté afro-américaine, bien sur écoutée voire pratiquée par la jeunesse blanche, mais avec la même connotation.

Un "céfran" blanc de souche qui fait du rap suscitera souvent suspicion et raillerie (j'ai plusieurs exemples dans mon entourage), tout comme un punk ou un rockeur antillais ou africain surprendrait.

En attendant, les rappeurs sont bel et bien là, et font désormais partie de la culture de notre pays, qu'on aime ou qu'on n'aime pas...

Précédent: Musique(1): Introduction
Suivant: Musique(3): Instruments de musique du XXième siècle

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire