mardi 22 septembre 2009

Allons enfants

En ces temps incertains, je me suis penché sur l'idée de patrie, sur ce que je mettrais derrière ce mot dont le sens semble moins évident que jadis, à tort ou à raison.

Derrière "patrie", je vois deux idées différentes.

Dans le premier concept, la patrie n'est pas quelque chose qu'on choisit. La patrie, c'est au contraire quelque chose que l'on reçoit, comme la couleur des yeux, comme les parents, comme la langue dans laquelle on s'exprime spontanément, le climat sous lequel on grandit, etc.

La patrie on la traine avec soi toute sa vie, de gré ou de force. Elle est une espèce de continuité, de sédimentation d'histoire, de traditions, d'habitudes dont on a oublié l'origine, de liens entre les gens et le territoire...c'est une sorte d'équation sol + racines + langue + culture + héritage, qui construit les gens.

Tout ça fait que pour les gens comme moi, c'est une évidence que ma patrie est la France, la seule, l'entière, celle de "mes morts", pour reprendre un terme un peu dépassé.

Et que j'émigre aux USA, que je m'installe en Chine, en Roumanie ou en Nouvelle-Zélande, je resterais un Français, parce que c'est comme ça que je me suis construit, c'est mes gènes et mon héritage, que je l'aime ou pas.

Cela le sera aussi parce que où que je m'installe et quel que soit le degré d'assimilation auquel je pourrais parvenir, les gens me renverront à ça (je le vois bien avec mes proches ayant émigré), et que je suis "juste" français, d'une pièce.

Un ami marocain qui avait obtenu la nationalité française ne m'a pas dit autre chose. Marocain il est né, Marocain il mourra, même s'il est honoré et content d'avoir la double nationalité après sa naturalisation. Pour lui comme pour moi, c'est simple.

Cette version de la patrie, ce truc "maurassien" est encore une réalité, quelque chose dont on doit tenir compte et qui a une forme de légitimité.

Et cela même si le vingtième siècle, l'urbanisation, les migrations et la complexification du monde font que cette version-là de la patrie est en train de disparaitre ou du moins de fortement se diluer.

Mais ça reste quand même concret pour un tas de gens que je qualifierais de "de base", c'est-à-dire ceux qui n'ont pas eu l'occasion d'acquérir autre chose que ce substrat-là, comme une autre langue, ou l'accès à une autre culture, des lieux de rencontre, un ou des déracinements (déménagements, migrations...), une famille extérieure, etc.

Ces gens-là, que l'élite appelle souvent les "beaufs" et méprise après les avoir glorifiés à une autre époque (et dont les pays d'émigration sont d'ailleurs remplis) représentent cette version ancienne de la patrie.

Elle porte en elle les dangers nationalistes, totalitaires, mais aussi une forme de paix, de stabilité, d'assise rassurante, de continuité. Elle est en voie de disparition parce que de plus en plus de gens ne rentrent plus là-dedans.

Jadis, seules les minorités religieuses (protestants, juifs) ou nomades (gitans) sortaient de cette grille, ce qu'on leur faisait souvent payer.

Aujourd'hui on bouge au sein d'un même pays, des gens viennent d'ailleurs (amenant d'ailleurs leurs propres patries, avec leurs propres restrictions xénophobes), on ne se stabilise plus, on n'habite plus où habitaient ses parents et toute une parentèle éloignée qui se connaissait, parfois même on change de pays.

Les exemples de ce type sont nombreux, surtout dans nos villes. J'ai un ami dont les grands-pères étaient de pays différents, et dont les parents ont bougé toute son enfance. Quelle peut être sa patrie dans le sens de celle que j'expose?

Même chose pour les immigrés qui s'installent dans un pays à l'âge où l'on n'est pas encore "complet", qui y font les pas qui décident de la suite, s'y marient, etc. Quelle est leur patrie?

A mi-chemin entre celle d'origine, qu'ils ne reconnaissent plus, et celle d'arrivée, où leur origine les dénonce, leur situation n'est pas simple. Les enfants d'immigrés sont aussi un cas plus complexe qu'on le dit.

Vient ensuite ma deuxième définition de la patrie, celle du choix.

Une patrie je crois que ça peut aussi être une communauté de valeurs et d'idées, le tout dans un cadre géographique et institutionnel plus ou moins strict.

On peut ainsi se reconnaitre dans la France républicaine, laïque, sociale, dans son rapport à l'homme et aux religions, dans son respect des droits de l'individu, et en quelque sorte "signer le contrat moral" qui en donne l'accès, avec les symboles extérieurs qui en découlent (langue, drapeau...) ou non.

Cette France-là digère depuis des siècles des gens qui n'y étaient pas enracinés, et complète l'autre facette de façon plus ou moins conflictuelle ou discrète. Un tas de gens oscillent entre ces deux versions de la patrie, qui sont à mon sens aussi légitimes l'une que l'autre.

Mais à mon avis un Français devrait vérifier a minima la deuxième.

On doit aussi essayer de changer ceux qui vérifient la première sans la deuxième et se débarrasser de ceux qui ne vérifient ni l'une ni l'autre et rejettent les deux.

Bon, ces idées sont dures à exprimer, c'est forcément incomplet et mal écrit, mais j'espère avoir été clair.

Une fois cela posé, est-ce que ça vaut la peine de se battre pour ça?

Je crois que oui, si l'on essaye de détruire nos valeurs, de l'intérieur ou de l'extérieur, que le péril soit nazi, communiste, islamiste ou autre chose.

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