jeudi 17 juin 2010

Réflexions sur la démographie (3): la transition démographique

Ce second post va présenter un concept clé dans l'étude de la démographie: le modèle de transition démographique.

Un modèle en quatre phases

On désigne par transition démographique un schéma général de l’évolution de la population. Ce concept est né en étudiant l’Europe, mais sa validité s'est vérifiée sur la plupart des pays de la planète. On considère ainsi qu'une population évolue en quatre phases.

1. Le régime démographique "traditionnel"

On pose comme postulat qu’une population commence par être caractérisée par une mortalité forte, due à différentes raisons (climat hostile, guerres, famines, pandémies, vie matériellement plus difficile...) et par une natalité également très forte.

Mortalité et natalité s’équilibrent donc, ce qui fait que l’accroissement naturel, c’est-à-dire l’augmentation du nombre de personnes composant la population est faible, parfois même négatif. Cet état, dit régime démographique traditionnel, précède la transition démographique.

2. Première phase: baisse de la mortalité

La transition démographique commence par une chute importante du taux de mortalité, et notamment du taux de mortalité infantile.

Les causes de cette chute peuvent être variées : amélioration de la sécurité alimentaire et de l’hygiène, stabilisation politique, progrès de la médecine, meilleures conditions de vie, climat plus favorable, etc. Par contre, le taux de natalité reste fort durant cette phase.

La combinaison de ces deux caractéristiques (mortalité faible + natalité forte) entraine un très fort accroissement naturel et une explosion de la taille de la population.

3. Deuxième phase: baisse de la natalité

La deuxième phase de la transition démographique commence lorsque le taux de natalité baisse à son tour, le taux de mortalité restant au niveau bas atteint pendant la phase précédente.

Cette baisse entraine tout d’abord une baisse parallèle de l’accroissement naturel, puis un vieillissement et une stabilisation de la population: on vit plus longtemps, on fait moins d’enfants.

Une fois cette deuxième phase achevée, la transition démographique est terminée.

4. Le régime démographique "moderne"

Après la transition démographique, la société concernée se retrouve un peu dans la même situation qu’avant la transition, à savoir avec des taux de mortalité et natalité assez voisins (d’élevés avant la transition ils sont devenus faibles après la transition) et un accroissement naturel faible, quand il n’est pas négatif.

Cet état post-transition démographique est dit régime démographique moderne.

Quelques exemples de transitions

Le modèle de la transition démographique peut s’appliquer à la majorité des pays sur la planète, avec des variantes, qu’elles soient dans la durée ou dans les facteurs la pondérant/modifiant.

- L’Europe et d’autres pays dits « avancés » (comme le Japon) sont entrés dans le régime démographique moderne, ce qui pose un certain nombre de problèmes, dont le renouvellement de la population.

- La durée du processus peut être très variable. Pour certains pays la baisse de la fécondité a été très progressive, pour d’autres brutales. Ainsi la transition britannique a duré 150 ans, alors que la sud-coréenne s’est effectuée en 50 ans.

- Au sein de l’Europe, le pays qui a connu la transition démographique la plus précoce est la France. Son cheminement a d’ailleurs été très particulier, puisque mortalité et natalité y ont baissé de façon assez concomitante, et cela dès le 18ième siècle.

Le poids démographique du pays était alors démesuré par rapport à ses voisins, qui l’ont rattrapé en deux siècles. Ainsi en 1750, le Royaume-Uni comptait 7,5 millions d’habitants, et la France 24,5 millions, pour aujourd’hui plus de 60 millions dans les deux pays.

Cette particularité française a eu des conséquences importantes sur la politique du pays, sur lesquelles je reviendrai plus loin.

Paramètres extérieurs influant sur le processus

Le modèle de la transition démographique est insuffisant pour caractériser l’évolution d’une population. En effet, il ne tient pas compte du fait que de plus en plus les sociétés sont ouvertes et que de ce fait fécondité, natalité et mortalité doivent être pondérées par les mouvements migratoires : immigration et émigration.

On peut ainsi constater que les pays d’immigration qui accueillent et assimilent chaque année une quantité importante d’immigrants modifient par là leurs caractéristiques démographiques de manière significative.

En effet, cet ajout de personnes augmente l’accroissement naturel. De même, la fécondité de ces migrants, souvent supérieure à celle des autochtones (on peut prendre l’exemple des immigrés maghrébins ou africains en France) fait augmenter mécaniquement les taux de natalité et de fécondité du pays, tout en ralentissant son vieillissement.

A l’inverse, les pays dont une grande partie de la population émigre ne connaissent pas les conséquences d’une hausse de population de manière aussi forte que si les gens n’en partaient pas. Prenons l’exemple du Maroc : ce pays compte plus de 30 millions d’habitants, pour une diaspora estimée à 3 millions de personne, ce qui représente 10% de la population en moins pour le pays, chiffre tout sauf anodin.

Conclusion

Aujourd’hui les démographes estiment que ce processus de transition démographique, engagé en Europe vers 1750, devrait connaître sa fin en 2050, les derniers pays ayant alors atteint la fin de la seconde phase.

Le taux de fécondité moyen sur la planète est d'ores et déjà descendu en dessous de 3 enfants par femme, le nombre de pays à la fécondité exponentielle baisse, la hausse de la population mondiale est en pleine décélération et plusieurs pays avancés sont même en train de perdre des habitants.

Si ces projections s’avèrent vraies, l’humanité ouvrira un nouveau chapitre de son histoire à la moitié de ce siècle, avec une stabilisation et potentiellement un début de baisse de la population.

Dans les posts à venir, je vais illustrer d'autres concepts, offrir une lecture démographique de plusieurs événements historiques, et montrer comment la démographie est ou a été au cœur de bien des politiques.



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