lundi 25 juillet 2016

Cinéma (14): Le vieux fusil

Je viens de revoir Le vieux fusil de Robert Enrico.

L'histoire de ce film est simple. Le héros est un médecin de Montauban dévoué à sa tâche et soignant chacun de son mieux, y compris des résistants.

Père d'une fille issue d'un premier lit, il est remarié depuis peu à une femme plus jeune que lui dont il est éperdument amoureux.

Un jour, prévenu de l'arrivée de troupes allemandes qui remontent vers le nord, il décide de mettre les deux femmes à l'abri dans un hameau de campagne, les installant dans le château qu'il y possède.

Mais quelques jours plus tard, lorsqu'il va les retrouver, il découvre que tous les habitants du village ont été massacrés par les troupes nazies, dont un petit groupe a pris ses quartiers précisément dans son château.

Le choc de cette mort atroce, dont les détails ne nous sont pas épargnés, détruit le médecin qui va alors mettre à profit sa connaissance des lieux pour transformer le château en un piège mortel pour les soldats, qu'il tuera l'un après l'autre.

Ce film, qui marqua son époque, fait donc partie de ces innombrables histoires de type blessé dans sa chair et qui se venge: Mad Max, Un justicier dans la ville, Il était une fois dans l'ouest, j'en passe et des meilleurs.

Mais il présente deux particularités.

La première c'est qu'il a lieu dans le contexte particulier de l'Occupation et qu'il se base sur les faits réels arrivés à Oradour-sur-Glane, petit village du Limousin dont le martyre est devenu un symbole national.

La deuxième ce sont les acteurs, qui font de ce qui aurait pu n'être qu'un film de vengeance parmi d'autres quelque chose de bien plus fort.

Romy Schneider est lumineuse.

Elle irradie la pellicule dans le rôle de l'épouse du docteur, véritable symbole d'une certaine féminité dont il est impossible de ne pas tomber amoureux. Tout le long du film, elle apparaît en d'incessants flashbacks du docteur sur le bonheur à jamais détruit.

C'est Philippe Noiret qui joue ce dernier et il est immense.

Comme toujours on retrouve le personnage élégant et un peu cabotin qui est sa marque de fabrique, mais son jeu nous fait passer un panel extraordinaire d'émotions: l'amour éperdu, le désespoir le plus atroce, et une sauvagerie qui semble le submerger contre son gré.

Il joue parfaitement l'homme traumatisé, et l'on a l'impression qu'il choisit de basculer dans la folie plutôt que d'admettre l'horreur.

Enfin il y a Jean Bouise, un de ces éternels seconds rôles de notre cinéma dont la présence rassurante et bienveillante apporte une couche supplémentaire d'émotion.

A sa sortie en 1975, Le vieux fusil connut un succès inattendu. Même Noiret, qui ne s'était pas du tout entendu avec Schneider, trouvait les personnages trop caricaturaux, surtout ceux des Allemands.

Le film fut également beaucoup critiqué, qualifié d'obscène, flattant les plus bas instincts et simplifiant une époque plus complexe.

Personnellement, même si c'est un peu vrai, je trouve que l'aspect psychologique fait toute la différence avec un quelconque Mad Max.

Avec Noiret, on est en effet très loin du héros gladiateur qui se venge.

On a au contraire l'impression que cette vengeance se fait malgré lui, qu'elle le submerge comme le désespoir et qu'il est littéralement obligé de s'y soumettre.

On le voit aussi se questionner sur la nature de son couple, se confronter à ses doutes et à ses illusions.

On devine enfin qu'il n'attend pas la délivrance de ses meurtres, qu'il se sait fini.

Et lorsque à la fin son vieil ami vient le retrouver, il semble au-delà de tout.

La vengeance, cette envie brûlante de faire payer l'autre pour tel ou tel préjudice, est un instinct très humain. La plupart d'entre nous en ressent tôt ou tard la pulsion.

Avec l'honneur, ce sentiment a même été au fondement de plusieurs cultures et civilisations (songeons aux vendettas méditerranéennes ou au kanun albanais), qu'elle a structurées mais également fini par pourrir de l'intérieur.

Je n'ai pas senti de complaisance ni d'illusion là-dessus dans ce film coup de poing, mais plutôt cette idée de gâchis irréversible.

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