lundi 4 juillet 2016

Le syndrome Jeanne d'Arc

L'autre jour, scène pénible dans un RER encore plus bondé par la grève illimitée du moment.

Une femme, plutôt forte semble-t-il (difficile à voir à travers la forêt d'usagers) tente en s'excusant de se glisser dans un interstice entre les gens, de façon à gagner un couloir et y être un peu moins comprimée.

Elle se fait alors violemment apostropher par un grand type qui lui balance un "Si tu pousses encore, je t'en colle une !" (ses écouteurs l'ont sans doute empêché de l'entendre s'excuser).

S'ensuit une tentative de justification de la femme, le ton monte et ça finit sur un "Quand on fait 200 kilos, on prend le taxi !" balancé avec une élégance rare par le grand type.

Immédiatement la moitié du wagon prend fait et cause pour la malheureuse et le type se prend une volée de remarques bien méritées (et dont il n'a visiblement rien à foutre).

L'incident, tristement banal, surtout dans ce genre de circonstances merdiques si courantes dans nos transports, aurait pu s'arrêter là.

Mais il y avait ma voisine.

Celle-ci, toute vrillée d'indignation et de haine, a en effet longuement continué à apostropher le malotru, tentant obstinément de lui faire comprendre le dégueulasse de sa remarque et peut-être de le voir s'excuser.

Ce genre d'attitude, qui met toujours mal à l'aise l'allergique aux conflits que je suis, me semble quelque chose de typiquement féminin, plus précisément féminin-occidental-urbain.

Ce n'est en effet pas la première fois que je vois une de ces pasionarias s'insurger publiquement et violemment contre un mufle, un raciste ou un incivique.

Ces Jeanne d'Arc des temps modernes sont également très présentes dans le monde associatif, les ONG, les militants, les gens qui distribuent des tracts contre l'expulsion à la sortie des écoles, ceux qui s'expriment publiquement sur les grands sujets, contre la voiture, etc.

Pourquoi donc les hommes semblent-ils avoir déserté le créneau de la prise de position affirmée en milieu hostile? Cette question, pour laquelle je n'ai pas vraiment de réponse, est intéressante.

Déjà, sans aller jusqu'aux thèses de Zemmour, peut-être qu'il y a quelque chose de vrai dans la féminisation de la société, avec notamment la mise hors la loi du conflit physique. Certains disent que la féminisation du corps enseignant et de la petite enfance y sont pour quelque chose.

En tout cas, l'homme occidental moderne ne se bat plus qu'avec répugnance et réprobation, et on lui fait très tôt intégrer que c'est mal et que c'est une faiblesse.

Et un homme qui intervient dans le contexte que je décris s'expose à prendre des coups. Une fille beaucoup moins, car l'homme qui bat une femme est encore plus stigmatisé sous nos latitudes.

C'est d'autant plus vrai dans le contexte multiculturel actuel où la suspicion de racisme ajoute une couche à l'inhibition.

Le "babtou fragile" semble donc correspondre à une certaine réalité, corroborée par le témoignage naïf ou moqueur de plusieurs Européens de l'est avec qui j'ai pu échanger et qui étaient surpris de la tendance à s'écraser des indigènes de l'Hexagone en cas de conflit, surtout si l'adversaire était un immigré.

Peut-être y a-t-il aussi un côté religieux dans la passion que ces dames mettent à intervenir ostensiblement? Beaucoup de gens dénoncent le vide spirituel contemporain, mais en fait il n'est pas si flagrant, et si ça se trouve, il y a une génération ou deux, ces engagées auraient été en train de prier assidûment pour leur salut.

Peut-être que ça relève du discours de valorisation des victimes qui a restructuré la parole publique depuis les années 80, et que ce surcroît de militantisme est une sorte de volonté de ne plus subir?

Certains soulignent que les juifs étaient présents de manière disproportionnée parmi les leaders d'extrême gauche des années 70 et que cela pouvait indiquer qu'ils cherchaient à exorciser la passivité supposée de leurs ancêtres qui aboutit à la Shoah. Il se peut qu'il y ait un parallèle.

Les mesquins diront aussi que leur statut de femme leur permettra de toute façon de s'en tirer en invoquant le sexisme ou l'indulgence face à leur féminité.

Je ne sais pas si l'on peut en conclure quelque chose en fait...

Mais en tous les cas, c'est une étrange époque que la nôtre, pleine de doutes et de recompositions, et ces femmes plus combatives que leurs homologues masculins en sont un symptôme.

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