mercredi 29 mars 2017

Cinéma (17): Exotica

Je n'ai jamais été très fan de Léonard Cohen, mais sa mort récente (enfin, récente quand j'ai commencé ce post) m'a touché.

En effet, quelqu'un que j'aime en a été fan et sa musique a accompagné quelques films qui m'ont beaucoup marqué.

Le premier d'entre eux était le film israélien d'Assi Dayan (fils du célèbre général borgne Moshe DayanLa vie selon AGFA (1993), dont je reparlerai peut-être un jour et dont le final était accompagné par Who by fire, dont les accents lugubres soulignaient le tragique de la scène avec une force peu commune.

Le second, qui m'a inspiré ce post, c'est l'étrange Exotica (1994) dans lequel la magnétique actrice Mia Kirshner faisait du strip-tease sur le sombre et ambigu Everybody knows.

Je l'avais vu lorsqu'il était sorti au cinéma, à un moment où je n'allais pas très bien, et j'en étais ressorti dans un état second, fasciné et troublé.

Il a été réalisé par le cinéaste Atom Egoyan, un Arméno-Canadien né en Égypte, cette identité compliquée ayant marqué en profondeur ses œuvres.

L'histoire tourne autour de l'Exotica, un bar à strip-tease dans lequel différents personnages vont se rencontrer.

Il y a là un contrôleur fiscal, qui vient systématiquement voir danser la même lolita (sur la chanson de Cohen donc), pour laquelle il éprouve une obsession dont on sent qu'elle est tout sauf sexuelle.

Cette danseuse, qui semble elle-même rongée par quelque chose, est à son tour surveillée, de manière malsaine et jalouse, par l'animateur du club, une grande gueule qui introduit les numéros et la musique qui se succèdent sur la scène de l'Exotica.

On comprend très vite qu'un secret douloureux unit ses trois personnes, qu'il a structuré leurs vies et qu'il les obsède, envahit leurs actes et leurs existences.

Lentement, par petites touches et flashbacks entrecroisés, de plus en plus oppressants et tristes, le film va progresser vers la révélation de ce secret.

A la fin on comprend, et l'explication est d'une tristesse abyssale, d'autant qu'on réalise que rien n'est résolu ni ne peut l'être, et qu'on ne voit pas ce qui pourrait libérer les malheureux protagonistes de leur fardeau.

D'autres personnages interviennent également dans l'histoire.

Il y a un paraplégique silencieux, un homosexuel trafiquant d'animaux sauvages, et la patronne de l'Exotica, une maîtresse femme interprétée par l'actrice Arsinée Khanjian (la propre femme du réalisateur) dont on apprend qu'elle s'est fait faire un enfant par le DJ.

La magnifique musique de Mychael Danna est également un personnage à part entière du film.

Ses volutes arabisantes et ses obsédants thèmes de piano contribuent en effet grandement à l'ambiance d'oppression et de désespoir qui suinte de tout ce long métrage.

Le qualificatif qui me vient à l'esprit quand je pense à Exotica est "hypnotique". C'est l'effet qu'il m'a fait, une fascination un peu morbide qui m'a scotché devant l'écran comme une souris devant un serpent.

La prison dans laquelle tous ces personnages semblent barricadés me rappelle un peu les livres de Patricia Highsmith, qui mettent le lecteur dans la position de voyeur impuissant à changer le cours des choses.

Je ne saurais trop conseiller cet excellent moment de cinéma, même si après ça il est peut-être bon de revoir la Grande Vadrouille.


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