dimanche 5 mars 2017

Livres (25): La nuit des grands chiens malades

J'ai découvert A.D.G. par Manchette, je crois.

Grand amateur des romans de ce dernier, je suis un jour tombé sur un article parlant du nouveau roman noir de l'époque (on aime bien les "nouveaux" en France) où les deux étaient mentionnés. Comme ils semblaient mis un peu au même niveau, j'ai donc décidé de tenter le deuxième.

A.D.G. prit ce pseudonyme bizarre (D et G étant les initiales de ses grands-parents) parce qu'il s'appelait Alain Fournier, ce qui pour un écrivain n'est pas forcément facile à porter. L'ombre de l'auteur du Grand Meaulnes plane en effet immédiatement sur lui et peut donner à imaginer de la prétention ou à un lien familial (en plus il venait du même coin).

Outre ce pseudo, la spécificité d'A.D.G. qui revient dans tous les articles où j'ai entendu parler de lui, c'est qu'il était LE romancier policier de droite, ce qui, surtout à l'époque, détonnait dans le paysage national.

En effet, en France cette littérature était plus rouge que brune, donnant souvent dans le communisme ou le trotskisme (par exemple Manchette était un fervent partisan de la Révolution et un lecteur de l'Internationale Situationniste, comme on le voit dans son journal).

A.D.G. était donc engagé à droite, il milita avec les Caldoches contre l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie (où il vécut un temps) et se fit remarquer par quelques prises de position et sorties virulentes, virant même Front National.

D'aucuns disent que c'est à cause de cet engagement que son œuvre n'a pas bénéficié d'autant d'égards que d'autres auteurs de polars valant moins que lui...je n'en sais rien et de toute façon ce genre de considérations ne m'empêche jamais de lire un auteur.

Je me suis attaqué à son oeuvre en achetant un vieil exemplaire de La nuit des grands chiens malades. Et je n'ai vraiment pas été déçu! Ce livre est en effet extrêmement jubilatoire, plein de suspense, d'humour et de portraits truculents.

L'histoire débute par l'installation d'un groupe de hippies -nous sommes en 1972- sur un petit terrain, dans un village perdu du Berry profond (l'auteur était de la région).

Leur arrivée génère une certaine tension dans le village, mais bien vite les locaux vont faire amis-amis avec ces jeunes, qui, un petit coup de whisky aidant, leur semblent finalement bien sympa. Un arrangement est trouvé et les voilà adoptés.

Mais l'histoire va vite se compliquer.

D'abord peu de temps après leur installation, une grenouille de bénitier du village, issue d'une famille noble désargentée, est retrouvée étranglée chez elle.

Suite à ce décès, son frère, un ancien d'Indochine jadis condamné pour trafic de piastres, quitte Paris pour revenir au village, accompagné de son fils, de sa bru et d'un chauffeur qui a tout du truand.

Puis c'est le deuxième des propriétaires présumés du terrain qui débarque à son tour de Paris. Lui aussi est accompagné de personnages douteux, et il exige avec violence le départ des baba cools.

Lesquels s’avèrent n'être pas si cool que ça et de taille à se défendre, notamment du fait de la présence d'un G.I. déserteur parmi eux.

Très vite on sent que les Parisiens cherchent quelque chose qu'ils veulent à tout prix, pour laquelle ils sont en concurrence et prêts à tout, et que ce quelque chose a un lien avec le terrain des hippies.

Du coup une espèce d'hostilité s'installe entre les trois groupes, qui va enfler jusqu'à éclater, avec des coups puis des armes, fusils de chasse et pétoires de la résistance côté villageois, automatiques côté parisiens.

Le village va alors connaitre d'insolites scènes de quasi guerre, avant qu'un dénouement inattendu vienne tout faire comprendre.

Le livre vaut autant pour l'intrigue que pour le portrait plus vrai que nature de ce bled perdu et de sa population.

Cette authenticité est renforcée par le fait que l'auteur fait raconter l'histoire par un des habitants, dans une langue truculente pleine de mots écorchés (comme le "ouiskie"), de régionalismes et de verdeur, et qu'un humour ravageur ressort de ces portraits de paysans roublards et méfiants.

Malgré le suspense et quelques scènes violentes, j'ai souri du début à la fin, retrouvant dans le portrait de cette communauté ce monde de la campagne que j'ai connu, et j'ai partagé la jubilation évidente que j'ai sentie dans l'écriture d'A.D.G...dont je vais me mettre à chercher d'autres bouquins dès que possible!

A noter que Georges Lautner a adapté La nuit des grands chiens malades au cinéma, sous le titre de Quelques messieurs trop tranquilles.


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