La chanson Demain c'est loin d'IAM est un uppercut. A chaque fois que je l'entends c'est comme si je me prenais un coup.
Avec ce titre, IAM a pondu une étude sociologique, un résumé partisan mais factuel d'une situation, un pan de vie de cette autre France, celle des pauvres à majorité immigrée et des banlieues pourries.
En huit longues minutes, les chanteurs Kheops et Akhénaton nous brossent chacun leur tour un portrait de la vie de ces gens de nos ghettos, ces quartiers de béton laids et mal vieillis que le chômage, la pauvreté et la fracture ethnique ont transformés en lieux de relégation, en repoussoirs pour le reste de la société.
Les chanteurs décrivent le désœuvrement, le chômage, l'absence de perspectives, l'obsession de l'argent à tout prix sans lequel on n'est rien.
S'ajoutent à ce cocktail des cultures machistes et violentes et la gangrène de la délinquance et de la drogue, dont le mélange constitue le moyen privilégié pour devenir rapidement quelqu'un, c'est-à-dire gagner du fric et du respect.
Et tout ça toujours avec un fond de désespoir, dans le nihilisme, et toujours dans le court terme parce que demain c'est loin comme le dit le titre.
La musique lancinante et dramatique est bien choisie pour porter ses mots, agrémentée comme souvent chez IAM par des bruitages qui soulignent les points forts du morceau.
Il faut l'écouter en regardant le clip, soigneusement tourné et illustrant le propos de manière percutante et sans fard.
Il est impossible de rester indifférent à cette démonstration implacable, cinématographique (un des talents de ce groupe), à ces textes aux mots ciselés, recherchés et dont l'impact est renforcé par le procédé d'anadiplose, chaque vers commençant par les derniers mots du précédent.
Moi qui ne viens pas de ce monde, je suis choqué par le rapport de ces milieux au crime, aux femmes (on fait chier les filles qui n'ont pas de frère), à la violence (tout le monde pisse sur la porte de celui qu'on a banni), à la police, tous évoqués dans la chanson.
Je continue à penser que la pauvreté ne justifie pas tout et que l'Etat ne peut pas tout régler, mais comme IAM je suis convaincu que faire quelque chose avec ces gens qui démarrent dans de si mauvaises conditions devrait être une priorité.
Il faut que pour tous il y ait un demain, qu'ils en aient l'idée et la possibilité, leur permettre de le construire, afin que personne ne reste malgré lui sur le bord de la route.
Il est bon de réécouter ce cri talentueux de temps en temps, pour ne surtout pas l'oublier.
Précédent: Chanson (31): Que je t'aime
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire