mercredi 21 août 2013

Auteurs(2): Titiou Lecoq

Depuis quelques années, je lis beaucoup de presse en ligne. Les sites sont nombreux, certains sont des prolongements de journaux connus tels l'Express, Libé ou le Figaro, d'autres sont des pure player, c'est-à-dire qu'ils n'existent pas en support papier.

Parmi ceux que je lis régulièrement, il y a Rue89 (plutôt à gauche), Atlantico (plutôt à droite) et Slate (moins marqué politiquement).

Sur ces sites, j'ai repéré plusieurs plumes (si l'on peut dire) dont j'apprécie le ton, les sujets abordés, le style, et que je relis avec plaisir.

Et parmi tout ce petit monde, il y a la demoiselle qui a inspiré ce post: Titiou Lecoq.

Je ne me souviens plus par lequel de ses articles je l'ai rencontrée, mais je ne l'ai plus lâchée depuis.

En plus d'avoir une vraie écriture, elle est dotée d'un humour décapant qui permet de faire passer un fond souvent bien moins léger qu'il n'en a l'air.

Au fil des articles, elle aborde en effet quantité de sujets, aussi divers et variés que l'anniversaire de la mort de Marylin Monroe, le traitement contre-productif du phénomène Zemmour, les quarante ans de la série Les feux de l'amour ou de ce que représente la retraite pour sa génération.

Sa génération justement. D'après les infos glanées sur le net, elle fait partie de cette génération Y qui est la dernière arrivée sur le marché du travail.

Sans vouloir s'en faire l'étendard, ce qu'elle exprime et décrit est instructif sur la manière de penser de cette classe d'âge pour qui le numérique, la précarité, le zapping, l'égalité des sexes et le multiculturalisme vont de soi (pour reprendre, en très simplifié, les caractéristiques habituelles qu'on en donne - je pense revenir sur le sujet dans un autre post).

Quand je parle d'égalité des sexes, je parle de l'égalité formelle, devant la loi, dans l'accès aux études, de l'indépendance matérielle, et de certains comportements jadis vus comme plus masculins qui se sont démocratisés.

Parce qu'il reste quand même clair que tout n'est pas réglé, malgré les indéniables avancées de ces trente dernières années (souvenons-nous par exemple que jusqu'aux années 70 une femme devait demander l'autorisation à son mari pour ouvrir un compte en banque). La persistance d'un différentiel de salaire illustre bien ce constat.

Cette longue intro m'amène à son roman, Les Morues, que je viens de terminer en quelques jours avec délice.

Ce livre jubilatoire, qui entremêle plusieurs niveaux d'intrigue, pose en effet la question du féminisme aujourd'hui, de façon subtile et intelligente.

A travers les errements des héroïnes, les morues, on voit justement la difficulté d'établir l'égalité des sexes non plus dans la sphère économique, de toute façon en train de se réinventer avec l'arrivée permanente de femmes actives et décomplexées sur le marché du travail, mais plutôt dans la sphère privée.

Comment assumer sa sexualité sans cette pudeur imposée censée être féminine?

Comment arriver à un équilibre dans ce pari insensé qu'est un couple, sans culpabiliser ni sacrifier son indépendance?

Comment ne pas tomber dans la condamnation systématique et stérile des hommes, bien pratique pour éviter sa propre remise en cause?

J'ai été particulièrement touché par ce dernier point, qui colle avec beaucoup de mes observations.

J'ai en effet croisé quantité de femmes se plaignant que leur mari ne foutait rien à la maison tout en se faisant un plaisir de raconter avec force moqueries la tentative de leur jules de préparer le repas quinze ans plus tôt...quel mec sensé n'arrêterait pas tout effort dans ce cas-là?

Dans un autre ordre d'idée, il est frappant que dans le domaine religieux, les gardiennes de la morale sont souvent celles-là même qui la subissent le plus: matrones contrôlant la virginité de leur fille au mariage, mères poussant à l'excision, bigotes traitant pis que pendre les filles-mères, etc.

A contrario, le féminisme de Titiou Lecoq c'est un peu comment sortir des rôles préétablis, avoir une vraie liberté de choix, s'affranchir de ce que la société attend, sachant que ces attentes sont bien plus contraignantes et étouffantes quand on est une femme.

On ne peut qu'adhérer à un tel credo, loin de la guerre des sexes, y compris si l'on est un mec (je sais que moi aussi ce jeu de rôle m'a souvent semblé pesant).

D'une manière générale, cette vision est ce que j'apprécie dans ses articles, par ailleurs solidement argumentés, a-dogmatiques (pas de leçon, dieu merci) et sans a priori, le tout enrobé dans un humour communicatif qui n'empêche pas -au contraire- de réfléchir.

Bref, j'attends son prochain roman avec impatience et continuerai en l'attendant à suivre sa production et à en conseiller la lecture à tous. Et j'éplucherai aussi son très long et très bon blog avec bonheur.

Quelques articles qui m'ont bien plu:

- sur le phénomène Nabilla.
- sur les pourfendeurs d'internet (très très bien vu).
- sur le sexe 2.0.: le sexting et le porno "féminin".
- sur les réactions des amis de DSK au début de l'affaire.
- sur sa génération: un portrait et une vision de l'avenir.
- sur les chaussures d'été pour homme, (si!). Elle est co-auteure et c'est hilarant (et ô combien pertinent).
- sur Eric Zemmour.
- sur le sacro-saint allaitement au sein (sans jeu de mot) : ma femme a applaudi.

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