jeudi 9 décembre 2010

Scènes de métro (4): Jours de grève

Un des rituels bien rodés de notre pays, ce sont les grèves des transports en commun.

Elles se produisent régulièrement, quasiment tous les ans et généralement vers l’automne, se terminant lorsque arrivent les vacances.

Elles prennent en otage les milliers de gens qui sont tributaires des transports, elles rallongent leurs journées, les obligent à d’ingénieux aménagements du temps, à prendre la voiture, etc.

Elles sont connues sur la planète entière, du Japon à la Roumanie en passant par les États-Unis et pour la plupart des pays la France est aussi le pays de la grève.

Les touristes et expatriés bloqués qui propagent cette réputation seraient en fait bien étonnés de savoir qu’avec moins de 10% de salariés syndiqués, la France est l'un des pays du monde développé qui est le moins syndiqué, mais là n’est pas le propos de ce post (bien qu’il y ait tant à dire de ce côté-là !).

Je voulais en fait parler de l’ambiance qui règne dans nos transports pendant ce genre d’épisode, que tout le monde vit au moins une fois et redoute toujours un peu.

Çà commence quand l’annonce est faite via la presse. Une grande partie des gens, anticipant les ennuis, prend une journée de congé, on discute, on spécule, on consulte la « météo des transports » sur les sites RATP et SNCF (quand ils sont disponibles).

Puis arrive le jour J.

Selon les fréquences annoncées, les gens essayent souvent de partir plus tôt (bien qu’ils soient souvent coincés par les enfants).

Les quais sont noirs de monde, tout le monde est au coude à coude, tendu vers le but ultime : entrer dans un wagon, même si c’est au prix d’un écrasement brutal. La tension est forte, l’adrénaline coule à flots.

En ce genre d’instant pénible, on voit se manifester plusieurs types de personne.

Il y a les plaisantins qui rigolent par défi, en faisant souvent trop, et les politisés, ceux qui voient la faute du gouvernement derrière tout ça.

J’ai justement assisté à une scène cocasse d’affrontement entre deux de ces stéréotypes vivants.

D’un côté un type gueulait sur Sarko comme quoi la grève était de sa faute et de l’autre un type se moquait de lui en lui rappelant qu’il était vrai qu’avant Sarko il n’y avait jamais de grève.

Chacun étant à un bout du wagon, les échanges ont duré un bon moment, l’anti-Sarko énervé finissant par perdre la face et faire rire tout le monde.

Il y a les anxieux, qui font part à tous leurs voisins des problèmes que cette grève leur cause, les prenant à témoin de leur malheur. Ne jamais leur répondre sous peine de rester bloqué en face de leur monologue stérile et épuisant !!

Il y a les énervés, au bord de l’explosion pour s’être faits avoir une fois de plus, et à deux doigts de lyncher les employés RATP qui passent à leur portée (alors même que ceux-là sont justement les non grévistes !).

Il y a les paniqués, que toute cette foule compacte rend fous. De ce modèle j’ai vu un malheureux prendre à parti les voyageurs assis sur les sièges fixes de la rame, leur sommant de se lever par décence et respect pour les autres, alors que c’était non seulement quasiment impossible, mais de plus parfaitement inutile, vu que ces sièges ne se rabattaient pas !

La personne avait l’air si excédée et épuisée (vu ses vêtements, il devait être balayeur dans une lointaine banlieue) que les gens l’ont gentiment raisonné et que ça s'est terminé dans les rires.

Il y a les seuls au monde, qui considèrent avoir de droit une place et ne supportent pas qu’on les pousse, allant au conflit avec leurs voisins les plus proches. On assiste ainsi à beaucoup d’échanges plus ou moins durs.

A chaque fois il y a au moins une personne qui en invective une autre parce qu’elle l’a poussée, alors même que cette personne ne fait généralement que répercuter un mouvement de masse qui vient parfois de très loin, voire des escaliers en-dehors du quai.

Çà peut aller jusqu’à l’insulte, voire aux coups. Très souvent également, si la personne qui s’estime bousculée est noire et l’autre non, le noir va y aller d’un « raciste » sonore et sans réplique.

Enfin, les conditions de transport extrêmes, l’entassement, les attentes interminables « pour régulation » peuvent enclencher un cercle vicieux : des personnes se sentant mal font un malaise, bloquant un peu plus le train, entraînant encore plus de retard, donc plus d’entassement, donc de nouveaux malaises, etc.

C’est dans ce genre de moment qu’on se met à penser à l’émigration ou aux régimes autoritaires...

Pour en terminer avec le désagréable, mon prochain post aura trait aux fous et aux mendiants que l’on croise forcément dans nos chers transports.

Début: Scènes de métro (1): Introduction
Précédent: Scènes de métro (3): Altercations
Suivant: Scènes de métro (5): Mendiants, Religieux et Fous

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