vendredi 22 janvier 2016

Reductio ad arabum

Dans nos pays le camp progressiste, du moins celui qui s'affiche comme tel et donnait le la jusqu'à récemment, s'est affirmé selon deux axes.

Le premier c'est la lutte contre le capitalisme, mais elle s'est enlisée depuis la faillite du système communiste que rien n'est venu remplacer.

Le second c'est le domaine social et sociétal, avec notamment la lutte contre les discriminations de toutes les minorités. Mais ce combat est lui aussi en train de se disqualifier.

En effet, il repose sur un postulat manichéen complètement dépassé: l'idée qu'il n'y a qu'un seul ennemi, et qu'une seule victime.

Pour caricaturer, cet ennemi est le mâle blanc chrétien occidental et capitaliste, sans nuance et quel que soit le cas considéré.

Clémentine Autain est un bel exemple de ce genre d'attitude.

Outre son tweet comparant les viols de Cologne à ceux de l'armée rouge pendant la seconde guerre mondiale, elle s'est en effet associée à Tariq Ramadan, un héritier des frères musulmans, mouvement dont le moins qu'on puisse dire est que sa vision de la femme est un peu éloignée de celle de Mme Autain.

Seulement voilà, l'islam politique recrute chez les immigrés, victimes par principe, car prolongement des masses jadis colonisées par l'ennemi naturel.

Donc d'une part ce mouvement a des excuses historiques, et d'autre part vouloir imposer à ses adeptes notre héritage et notre façon de voir les choses serait recommencer à tenter de les asservir.

Dans ce schéma binaire, il est donc impossible qu'ils aient des torts, car cela impliquerait que l'adversaire commun puisse avoir raison sur certains points.

Et du coup, on pousse le raisonnement jusqu'à dire que les attitudes déplorées ont pour cause le traitement imposé par cet adversaire commun.

Au prix d'une petite contorsion idéologique, on retombe donc sur ses pattes et l'association des féministes et des défenseurs des droits des homosexuels avec des mouvements islamistes devient possible.

Si l'on réfléchit, cette attitude est en fait l'exact pendant de celle utilisée lors de la colonisation européenne pour justifier la domination des masses indigènes.

On disait elles n'étaient pas prêtes, qu'elles étaient trop éloignées, différentes, tenues par la superstition, etc. Ce qui permettait de ne pas les traiter sur un pied d'égalité.

En fait, à rebours du vivre ensemble dont se gargarisent tous ces militants, certains étant (dramatiquement) de bonne foi, il me semble que cette vision ne fait que mettre une distance entre les gens, les renvoyer à une seule facette de leur identité.

C'est le "Reduction ad arabum", l'assignation identitaire définitive et exclusive à un aspect de la personne.

Cette assignation convient bien évidemment à tous ceux dont l'objectif politique est le repli communautaire, la constitution d'un monde fermé et parallèle au reste de la société, avec ses hommes forts, ses hiérarchies, son business aussi (et peut-être surtout).

Qu'il s'agisse de communautés religieuses, dont les musulmans est la plus médiatisée, d'identitaires européens ou de mouvements noirs à la tribu Ka, ils semblent avoir le vent en poupe.

En revanche, tous ceux, et ils ne sont pas si rares qu'on peut le penser, qui croient en notre modèle et ne réclament que d'être considérés comme individus à part entière et sans distinction, s'étouffent de rage devant ce qu'ils vivent comme une forme de condescendance, d'insupportable paternalisme.

Je me souviens d'un débat où Patrick Devidjian (de lointaine origine arménienne) expliquait que l'intégration était un processus lent et difficile et où Malek Boutih était intervenu avec colère, indiquant que la distinction lui était insupportable et que lui n'entendait pas qu'on le définisse ou qu'on le mette à distance contre son propre choix.

Quoi que l'on pense de ces personnalités politiques, je pense que c'est Boutih qui a raison sur ce point-là.

Quand je suis devenu blanc, j'ai sensiblement ressenti la même chose, cette impression d'être brutalement renvoyé à un seul aspect de ma personne, mon origine et ma couleur, alors que je suis évidemment beaucoup plus que ça.

Cette espèce de différentialisme infantilise ceux qu'elle est censée protéger, et au final ne les aide pas à prendre leur place légitime dans ce pays.

Et cette espèce d'excuse culturelle systématique peut même aller dramatiquement loin, comme lorsque l'on nie les problèmes de considération de la femme ou des autres communautés sous prétexte d'antiracisme.

L'affaire de Cologne a soulevé un peu le couvercle. A demi-mot, certains finissent par admettre que ce type de viols/attouchements collectifs n'est pas si rare en Europe et que leurs auteurs sont majoritairement de culture arabe.

Ils ajoutent bien sûr -et avec raison- que tout le monde n'est pas concerné et que le viol "indigène" existe évidemment aussi, mais selon d'autres modes opératoires.

Dans l'inexcusable, il y a aussi eu la sordide affaire de Rottherham (ICI et ICI), où des gangs pakistanais prostituèrent pendant plusieurs années de jeunes enfants anglais "de souche", bénéficiant du silence des média et de la complaisance de la police et des services sociaux, obnubilés par la crainte d'accusation de racisme.

Il me semble qu'il est grand temps d'arrêter les frais.

Ne faisons preuve d'aucune complaisance à l'égard des prétendues traditions immuables de nos immigrés, elles ne le sont pas plus que les nôtres.

Et si l'on a pu autoriser l'IVG et donner leur indépendance à nos femmes, si l'on a pu enlever à la religion catholique tout pouvoir de coercition sur nos croyants, si l'on a donné les pleins droits à nos homosexuels, c'est bien parce que c'était possible et ça reste souhaitable.

Les sociétés évoluent, les mentalités aussi, et penser que ce n'est vrai que chez les Européens c'est faire insulte au reste du monde, c'est être raciste, et c'est précipiter les victimes dans les bras d'autres partis qui ne s’embarrassent pas de tant de scrupules (cf. le score du FN chez les homosexuels).

Arrêtons de considérer les nouveaux arrivants comme des mineurs irresponsables. Ils sont nos égaux, on ne doit ni les discriminer ni les excuser.

A partir du moment où ils sont là, on doit leur donner toutes les chances possibles et enlever toutes les barrières racistes ou xénophobes à leur intégration, et l'on doit également réprimer individuellement tout ce qu'ils font de répréhensible.

Ne les dépouillons pas de leurs origines, de leurs croyances ou de leurs choix de vie privée. Laissons à chacun d'entre eux le droit d'en être maître, mais présentons-leur les règles de notre société ouverte, en leur expliquant qu'ils n'ont d'autre choix que de les respecter.

Ils doivent être convaincus que s'ils le font, la loi les protégera comme tout autre citoyen, et que s'ils ne le font pas ils devront en assumer les conséquences, comme tout autre citoyen.

C'est à ce prix que nous avons peut-être une chance d'arriver à une société plus juste et surtout moins fragmentée.

A lire, ce témoignage d'une féministe algérienne.

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