jeudi 19 mai 2016

Frontières (3): Les pays qui n'existent pas (2) - La Transnistrie

Le premier exemple de "pays qui n'existe pas" se situe en Europe de l'est, plus précisément dans le petit état de Moldavie, dont il constitue la région la plus orientale: il s'agit de la Transnistrie, qui est en état de sécession depuis 1991.

Histoire

A l'origine, on appelait Moldavie l'une des trois régions historiques roumaines, avant que l'Histoire ne la divise en deux entités.

La première, située en-deçà de la rivière Prut, connut le destin de la Roumanie dont elle est partie intégrante sous le nom de Moldavie.

La seconde, comprise entre les rivières Prut et Dniestr, et qu'on appelle également Bessarabie, est devenue l'une de ces régions européennes interminablement disputées entre voisins (comme l'Alsace, la Savoie ou la Carélie par exemple).

En effet, s'y affrontèrent et y dominèrent les Turcs, les Tatars, et surtout les Russes et les Roumains, qui l'ont conjointement peuplée.

Avant la Première guerre mondiale la Bessarabie avait été annexée par la Russie dans le cadre de son expansionnisme vers les mers chaudes, et elle avait subi une politique intense de russification et de colonisation, à l'instar d'autres régions comme la Pologne ou l'Ukraine.

Mais en 1918, suite à la guerre civile engendrée par la révolution bolchevique, la Bessarabie fut de nouveau rattachée à la Roumanie, qui reçut en outre pour prix de son entrée en guerre aux côtés des alliés, la Transylvanie et la Bucovine, précédemment austro-hongroises, ainsi qu'un morceau de la Bulgarie, atteignant alors son expansion territoriale maximale (cette période est encore évoquée avec regret par certains nostalgiques).

Pendant tout l'entre-deux-guerres, Bucarest y lança une politique de roumanisation, exact pendant de la russification précédente, et tenta de pérenniser son rattachement.

Lorsque éclata la Seconde guerre mondiale, la Roumanie, comme tous les pays coincés entre mondes russe et allemand, fut ballottée entre nazis et soviétiques, avec qui elle s'allia successivement, avant de finir dominée par l'armée rouge.

Celle-ci, comme dans toutes les zones qu'elle "libéra", installa un régime client, et détacha à nouveau la Bessarabie, cette région devenant une RSS, partie intégrante de la fédération soviétique.

Comme ailleurs, les frontières furent remaniées et des populations échangées (il y eut notamment beaucoup de déportations).

C'est ainsi qu'une large bande de terre située au-delà du Dniestr et à peuplement majoritairement roumain fut rattachée à la RSS de Moldavie.

C'est cette zone, qui était devenue avant la guerre une région autonome de la RSS d'Ukraine nommée République socialiste soviétique autonome moldave, qui nous intéresse.

La guerre civile de 1991 et la naissance de la RMN

Lorsque l'empire soviétique s'effondra en 1991 se posa la question du sort de la RSS de Moldavie. Allait-elle, comme le souhaitait une majorité de roumanophones, rejoindre la Roumanie? Allait-elle rester dans le giron russe? Allait-elle, comme les RSS baltes, devenir indépendante?

Ce fut la troisième option qui prima, et la république moldave naquit ainsi, avec Chisinau comme capitale et le roumain comme langue officielle.

Mais ce choix ne plaisait pas aux slaves, inquiets de leur déclassement et craignant un destin similaire aux russophones des nouveaux pays baltes.

Aussi l'ex-République socialiste soviétique autonome moldave fit sécession sous le nom de République moldave du Dniestr, ou RMN, exprimant le désir de rester dans le giron russo-soviétique.

Chisnau refusant cette sécession, la situation dégénéra jusqu'à la guerre civile. La Russie intervint alors et arrêta la reconquête, installant des troupes dans l'état dissident, sans pour autant le reconnaître.

Depuis lors, la situation est bloquée.

Portrait de la RMN

La Transnistrie est un territoire tout en longueur qui regroupe un demi-million d'habitants d'origines slave et roumaine. La capitale en est Tiraspol, les langues officielles y sont le russe, l'ukrainien et le moldave, c'est-à-dire une forme de roumain qu'on écrit en cyrillique à l'instar des deux autres langues, elle possède un drapeau et ses habitants y vivent comme ils peuvent.

Très pauvre, elle est aux mains de quelques oligarques, une économie industrielle y persiste, les bas salaires pouvant la rendre attractive, mais surtout elle est devenue une plaque tournante pour toutes sortes de trafics (prostitution, armes, drogues, médicaments...).

Région cliente de la Russie dont seule la présence militaire forte garantit l'indépendance (des "volontaires" cosaques ont été déterminants pendant la guerre de 1991) et qui sans la reconnaître, délivre apparemment des passeports à ses habitants, cette enclave est une épine dans le pied de l'état moldave.

Son existence bloque en effet les négociations avec l'UE ou l'OTAN et toute évolution, ce qui semble précisément être le but de la Russie.

De fait, la création et le maintien d'entités clientes et dépendantes semble être au coeur du projet russe, l'ancien espace communiste en étant largement pourvu (Abkhazie, Ossétie du sud, Nova Rossiya d'Ukraine, etc...).

Cela permet à Moscou de verrouiller son étranger proche, qui risquerait sinon d'être tenté par la prospérité occidentale et de ne pas résister aux appels du pied de l'UE ou des USA (ce lien intéressant donne quelques exemples de zones de ce genre issues de la dissolution de l'URSS).

Depuis maintenant 25 ans, la Transnistrie est donc gelée dans cet état, et poursuit tant bien que mal son existence sans être reconnue par le reste du monde.

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