jeudi 19 mai 2016

Livres(17): Millenium, et le moralisme soixante-huitard

A une certaine époque, il était impossible de prendre le métro sans tomber sur une ou plusieurs personnes le regard plongé dans un livre dont la couverture noire et rouge s'ornait d'un dessin plutôt laid.

Il s'agissait de l'un des trois tomes de la saga Millenium, du Suédois Stieg Larsson, désormais culte.

Moi-même amateur de polars et intéressés par ces fameux pays scandinaves où chacun en France semble voir l'eldorado (notamment les politiques de tout bord), je me suis à mon tour lancé dans ces trois pavés.

Je les ai dévorés très rapidement, saisi par le suspense et des histoires suffisamment compliquées et haletantes pour me scotcher.

Je peux donc dire que je fais partie de ceux qui ont aimé Millenium. Mais curieusement ces histoires m'ont tout de même laissé comme une gêne bizarre, un petit arrière-goût étrange sur lequel je n'arrivais pas à mettre le doigt.

C'est en lisant la bio de l'auteur que j'ai compris.

En fait, ce livre est rempli d'idéologie, plus précisément l'idéologie d'une certaine gauche tiers-mondiste, libertaire et convaincue de sa supériorité morale.

Prenons les héros par exemple.

D'un côté il y a Lisbeth Salander, une fille d'immigré, hacker aux problèmes de communication particuliers et à la sexualité ouverte.

De l'autre, Mickael Blomkvist, un journaliste soixante-huitard, qui partage sa maitresse avec un mari consentant et représente la presse indépendante dans ce qu'elle peut avoir de pur.

Autour d'eux, d'autres héros apparaissent, généralement représentants des minorités, qu'il s'agisse de l'homosexuelle vietnamienne ou du réfugié irakien.

On peut y ajouter l'ancien boxeur, sorte de rappel de l'ancien monde dans lequel c'était le prolétariat qui devait guider la révolution avant que le multiculturalisme ne le remplace.

A l'inverse, les méchants sont des Suédois de souche, souvent bien à droite et machiavéliques, comme les membres de la cellule policière informelle du tome 2.

Il y a aussi le riche industriel au fils psychopathe, le médecin pédophile, le biker ou le tuteur pervers.

Une mention spéciale pour le taré yougoslave et son fils, mais ils sont d'Europe de l'Est, terre connue pour ses nombreux adeptes des thèses d'extrême-droite.

Bien évidemment, un auteur de fiction n'a pas à être neutre. Il a le droit d'avoir des opinions, de les exprimer ou non si tel est son choix.

Beaucoup d'auteurs de polars français ont d'ailleurs un arrière-plan d'extrême gauche, comme les excellents Manchette ou Daeninckx, par exemple.

Mais pour Larsson, il s'agit presque d'une caricature.

En fait il flottait curieusement sur tout ça ce qu'on pourrait appeler une espèce de "puritanisme soixante-huitard".

On est dans le sens d'une sorte de manichéisme, avec le Bien et le Mal qui s'affrontent, les deux camps étant clairement définis et bien loin des zones grises qui font mon bonheur dans les polars.

Au final, je dirai que dans Millenium il y a un ordre moral, inversé mais bien présent, un prêt-à-penser libertaire corseté, politiquement correct et sectaire, et que c'est certainement ce qui m'a gêné.

Je pense même que ce côté moralisateur et supérieur est souvent un trait de caractère des Scandinaves (peut-être à mettre en lien avec leur culture luthérienne?).

(L'écrivain Dalibor Frioux croque d'ailleurs plutôt bien cet aspect dans son excellent roman Brut).

Cela ne m'a pas empêché de lire la trilogie de Larsson en deux temps trois mouvements, mais quand même, cet aspect a un peu gâché mon plaisir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire