mardi 3 mai 2016

Le SS du Mossad

Dans cet article et dans celui-ci j'ai découvert l'histoire stupéfiante d'Otto Skorzeny.

Cet homme était un soldat d'élite de l'armée nazie, un SS impliqué dans nombre de coups audacieux, tels que l'enlèvement du Duce de sa prison italienne avant la création de la république de Salo, ou encore une mission d'infiltration derrière les lignes alliées pour y semer le trouble.

Brillant, intelligent, bagarreur (il était marqué d'une balafre obtenue pendant un combat d'escrime) il parlait plusieurs langues, était proche d'Hitler et suffisamment pourvu de lucidité pour préparer l'après-nazisme, aidant à fonder les célèbres réseaux d'exfiltration nazis qui permirent à beaucoup de ses pairs de refaire leur vie à l'étranger.

Jusque-là rien qui le singularise particulièrement, sauf que cet homme a ensuite travaillé...pour le Mossad!

Les célèbres services secrets israéliens cherchaient à l'époque quelqu'un pour infiltrer un groupe d'anciens nazis qui, réfugiés en Égypte, aidaient ce pays à se doter d'un programme de missiles susceptibles de détruire l'état hébreu. Quoi de mieux qu'un ex-nazi pour cela?

Ils contactèrent donc Skorzeny, et le SS, qui avait sinon participé du moins vu la mise en place de la solution finale, qui restait convaincu de la justesse de la cause qu'il avait servie et toujours impliqué dans l'extrême droite, accepta.

Travaillant efficacement, il parvint vite à éliminer ses anciens acolytes et rempila pour plusieurs autres missions avec les services secrets israéliens. Il semble qu'il n'y ait pas vraiment été contraint, ni qu'il ait ressenti de remord par rapport à sa carrière dans le Troisième Reich.

La contradiction flagrante entre l'aide - cruciale, réelle et répétée - qu'il fournit au Mossad et son profil interroge.

Au final, il se peut que sa motivation ait tout simplement été le goût de l'action et de l'adrénaline, denrées que les hommes d'Israël, ce pays dont la création et la lutte pour la survie étaient une extraordinaire aventure, lui procuraient en abondance.

Et peu importait au fond que l'état hébreu fut le réceptacle de ceux qu'avaient décidé d'éliminer ses anciens maîtres et qu'ils veuillent se venger.

Il existe en fait une race d'hommes qui se shootent à l'action, pour qui une vie "normale" est inconcevable, qui ont besoin d'émotions fortes comme d'autres de faire de la musique ou de peindre, et pour lesquels ce besoin n'est pas forcément lié à la conviction ou à la révolte.

Lorsque leurs routes croisent celles d'idéologues ou de personnes qui elles ont une vision, ils en deviennent la main.

Leurs commanditaires peuvent être des armées, des organisations de mercenaires, des groupes terroristes, des bandits...

Au fond ce n'est pas forcément si important, pourvu qu'ils leur fournissent de l'action, des défis, une adversité à briser, un combat, la possibilité d'en découdre, d'être loin du compromis.

C'est en quelque sorte une version du "Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse", et cela explique certains revirements étonnants.

Skorzeny semble avoir appartenu à ce groupe de personnes.

Ce goût de l'action peut aussi se coupler ou être remplacé par celui de la radicalité. Certaines personnes ont besoin d'action, d'autres d'être dans l'extrême, quel qu'il soit, dans l'opposition violente et frontale.

On sait que les transfuges sont relativement fréquents entre les groupuscules extrémistes (nazis, trotskistes, islamistes, etc.), comme si leurs membres cherchaient un engagement radical, quel qu'il soit pourvu qu'il soit farouchement "contre".

Le parcours d'Alain Soral, communiste passé au FN puis créateur d'un groupuscule antisémite, en est un exemple significatif.

Concernant les islamistes, le controversé Olivier Roy a donné une formule choc qui va dans le sens de cette idée.

Il dit que nos djihadistes ne sont "pas le produit de la radicalisation de l'islam mais de l'islamisation de la radicalité", indiquant par là que ces jeunes auraient pris l'idéologie de rupture la plus importante sur le marché, en l’occurrence l'islamisme, alors qu'ils seraient probablement devenus communistes ou fascistes les générations précédentes.

Le raccourci est certes facile mais il contient une part de vérité.

L'âme humaine est complexe, et ce qui relève de la décision et de l'impulsion, comme ce qui est inné ou acquis n'est pas toujours facile à démêler. Et c'est ainsi qu'un ex-SS a pu se retrouver en train de tuer pour le compte du Mossad.

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