mardi 16 mars 2010

Héritages de l'hexagone (2): le train Addis Abeba-Djibouti

Dans ce premier post de la série, je vais parler d'un héritage très lointain que la France a laissé dans la Corne de l'Afrique: il s'agit du chemin de fer qui relie Addis Abeba, la capitale éthiopienne, à Djibouti.

A la fin du XIXième siècle, l’Éthiopie se retrouva seul pays indépendant du continent africain, ses voisins ayant été un à un colonisés qui par la France, qui par l'Angleterre, qui par l'Allemagne, qui par l'Italie...


Ce dernier pays finit d'ailleurs par se jeter sur le royaume du Négus, sous l'impulsion d'un Mussolini obsédé par l'idée que son pays avait été injustement écarté du partage du monde, mais c'est une autre histoire.

En attendant, l’Éthiopie était donc, comme la Thaïlande en Asie, le seul pays resté indépendant dans un continent dominé par l'Europe.


Son empereur, Ménélik II, était désireux de développer un royaume dont il sentait le retard et de consolider son indépendance. Il rêvait pour cela de le moderniser, notamment en empruntant ses techniques à l'Occident, à commencer par le train.

Celui-ci était vu comme un outil permettant de relier la capitale au reste du monde par un moyen plus efficace que les antiques et périlleuses pistes caravanières, et par là de favoriser les échanges, qu'il s'agisse d'exporter les biens du royaume ou d'acheter les indispensables équipements nécessaires à son développement et sa défense (notamment les armes).

Djibouti et la côte somalie étaient les débouchés naturels de l’Éthiopie. C'est donc vers eux que fut imaginée la première ligne de train.

Dans un premier temps, la création de cette ligne fut confiée à une société privée franco-suisse, et les travaux commencèrent.

Les difficultés furent nombreuses, à la fois d'un point de vue technique, notamment en ce qui concernait l'acheminement du matériel, et d'un point de vue politique, puisque les tribus détentrices du monopole caravanier refusaient ce train qui réduirait leur influence.

De nombreux conflits eurent lieu, qui furent péniblement résolus par des palabres, des cadeaux mais aussi beaucoup de sang.

Tous ces problèmes firent naturellement exploser les coûts, et la compagnie fut obligée d'aller chercher des fonds à l'extérieur.

Anglais, Français et Italiens tentèrent alors de monnayer leur aide en échange de droits d'influence ou de compensations territoriales en Éthiopie, mais l'empereur s'y refusa farouchement.

Au final, c'est après une bonne vingtaine d'années de chantier que le train fut mis en service, au prix d'une révision à la baisse du projet (seule une partie des plans initiaux furent réalisés).

Des accords avec la France furent ensuite signés, et jusqu'à la chute du dernier empereur, le train était administré par des cheminots français, en collaboration avec des éthiopiens.

Aujourd'hui, la ligne AddisAbeba-Djibouti est dans un piteux état, peu entretenue, elle a des horaires aléatoires et son destin semble bien incertain.

Mais la langue de travail de ses exploitants est restée le français, et les noms des gares qui le longent sont libellés en français et en amharique, témoignage de cette vieille histoire oubliée.


A lire: Le club des cheminots d'Addis-Abeba

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