mardi 17 septembre 2013

Religieux = réac?

Avec les débats sur le mariage pour tous sont ressortis les vieux clivages français: gauche contre droite, progressistes contre réactionnaires, humanistes contre bigots, etc.

On a notamment encore réactivé l'image d’Épinal d'une église forcément conservatrice, complice de la réaction, au projet de société inhumain et inégalitaire, etc. Est-ce si vrai?

Poser la question est déjà y répondre, et l'idée de ce post est de souligner qu'en fait le rôle de l'église n'est pas toujours si uniformément noir.

Mieux, à plusieurs reprises des chrétiens (nous parlerons ici des catholiques), ont été à l'avant-garde sur les questions de mœurs ou de politique, voire un moteur pour lutter contre les inégalités ou les injustices.

La première époque fut le Moyen Age, quand l'église catholique reprit le legs de l'empire romain.

Cette perpétuation de l'héritage romain concerna l'écriture et l'étude, même si c'était bien entendu biaisé par la doctrine.

Puis ce fut à l'initiative de l'église qu'un certain nombre de garde-fous sociaux furent mis en place: droit d'asile dans les églises, canalisation de la violence dans les duels et tournois, assistance aux miséreux par la charité, recueil des orphelins et enfants abandonnés, etc.

Bien sûr, le clergé avait aussi une position de force, collectait ses propres impôts et réprimait les déviances doctrinales ou les tièdes. Bien sûr on y faisait carrière et les abus étaient légion.

Mais cela n'enlève rien au fait que c'est de cette institution que vinrent les réponses les plus organisées aux misères du temps, et que cette aide n'avait pas de but mercantile.

Deuxième point, on associe aussi souvent la colonisation avec l'évangélisation.

C'est vrai que la conquête des âmes constitue une motivation puissante du christianisme et que les ecclésiastiques profitèrent sans trop de scrupules des conquêtes militaires les plus sanglantes.

Elles laissèrent même instrumentaliser leurs martyres pour faire intervenir des puissances, comme au Vietnam où la France intervint sous le prétexte d'y protéger les missions catholiques.

Mais c'est également vrai que la convergence des intérêts était circonstanciel et que, si de nombreux prélats avaient pour but la puissance temporelle, il y en eut toujours pour penser que leur magistère consistait à protéger toutes les créatures de dieu, et à convertir par la persuasion plutôt que par la force.

Sur ce sujet, l'histoire des reducciones du Paraguay est édifiante. Les jésuites créèrent là-bas de véritables villes indigènes, dont la population était recrutée par la persuasion et l'exemple, et soustraite à la brutalité des colons et des chasseurs d'esclaves.

Leur évangélisation était bien sûr le but, mais elle se faisait par le biais d'une intégration à la vie moderne, apprentissage de métier, soins, alimentation, et également protection.

Ces espèces d'états théocratiques et utopiques finirent démantelés suite aux pressions des colons ibériques. On peut naturellement contester la finalité de la conversion, mais les bienfaits apportés furent réels, et la méthode pacifique.

Le personnage de Bartolomé de Las Casas est également un exemple des deux facettes de la religion. Ce prélat passa sa vie à lutter pour la défense des Indiens d'Amérique et contre les abus de la colonisation, basant cette lutte sur le message chrétien.

Plus tard dans le temps, l'abbé Grégoire fut un autre des ces religieux aux idées généreuses. A l'époque révolutionnaire, il prônait l'égalité totale des citoyens, l'émancipation des esclaves et métis des colonies, à une époque où le débat était loin d'être tranché et où ces positions étaient novatrices.

Indépendamment de la question coloniale, il fut aussi une figure importante dans la rédaction des droits de l'homme, la tolérance religieuse et l'édification de la république, affirmant lui aussi s'appuyer sur le message chrétien.

Plus près de nous, le théologien Albert Schweitzer, un protestant cette fois-ci, fut aussi célèbre pour ses missions humanitaires que pour sa condamnation du colonialisme.

Enfin, il faut citer la doctrine sociale de l'église, qui fut une prise de position élaborée par le Vatican dénonçant les excès du capitalisme dès le XIXième siècle.

Cette doctrine a été une source d'inspiration pour une branche, évidemment plus discrète en France que l'obédience marxiste, du Parti Socialiste, comme d'ailleurs pour une partie de la droite, notamment gaulliste.

Et pour terminer, qui peut condamner le combat de l'Abbé Pierre, qui se base lui aussi sur sa foi catholique?

Tout ceci pour montrer que réduire l'église au fameux goupillon, à une puissance de l'ombre et un pouvoir cruel opposé à une gauche bienfaitrice est très réducteur.

Je finirai ce post par une remarque.

L'émergence médiatique (car je ne doute pas qu'il en existe) d'un équivalent musulman à l'Abbé Pierre ou au Dalaï-lama ferait beaucoup plus pour l'image de l'islam que toutes les manifestations du monde...puisse-t-il en apparaître un dans les années qui viennent, pour contrebalancer les Merah et autres Ben Laden qu'on nous montre à longueur de JT.

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